Les premières chaleurs estivales s’accompagnent, cette année encore, d’un phénomène devenu préoccupant sur les côtes tunisiennes, notamment à Mahdia : la prolifération précoce des méduses, observées dès début juin à quelques mètres seulement des baigneurs.
Ces apparitions répétées et parfois massives interrogent les vacanciers, inquiets face à un danger discret mais réel. Si les causes sont multiples, un acteur-clé du fragile équilibre marin semble avoir disparu : la tortue marine.
Des méduses de plus en plus nombreuses et proches du rivage
Depuis plusieurs étés, les plages tunisiennes voient une recrudescence de méduses, parfois échouées en masse sur le sable, parfois encore actives à seulement un ou deux mètres du bord. Les méduses Pelagia noctiluca, aussi appelées méduses mauves, sont les plus fréquentes, mais certains signalements font aussi état de galères portugaises, très urticantes.
Le phénomène s’observe désormais dès les premières semaines de juin, bien avant les pics touristiques de juillet-août, rendant l’ouverture de la saison balnéaire plus incertaine pour les communes côtières.
Un déséquilibre causé par la disparition progressive des tortues
Ce déséquilibre écologique trouve une explication partielle mais essentielle dans la disparition progressive des tortues marines, en particulier la tortue caouanne (Caretta caretta), présente historiquement en Méditerranée.
Or, les tortues sont les principaux prédateurs naturels des méduses. En mangeant de grandes quantités de méduses adultes, elles contribuent à réguler leur population dans les eaux côtières.
Mais ces dernières années, les tortues sont confrontées à :
– La pollution plastique, notamment les sacs qu’elles confondent avec des méduses,
– La destruction des plages de ponte, urbanisées ou rendues inaccessibles,
– La pêche accidentelle, notamment dans les filets dérivants,
– Et le braconnage, même s’il reste marginal en Tunisie.
Moins de tortues = plus de méduses. C’est aussi simple et aussi grave que cela.
Des conditions propices à la prolifération
Outre la baisse de prédation, le contexte environnemental tunisien favorise la multiplication des méduses :
– Réchauffement des eaux dès fin mai : les méduses prolifèrent plus vite en eaux chaudes.
– Surpêche : elle élimine d’autres prédateurs des méduses comme certains thons ou poissons-lunes.
– Pollution et rejets en mer : les nutriments favorisent le développement du zooplancton, principale nourriture des méduses.
– Courants et vents côtiers : ils ramènent les méduses vers les rivages, parfois en masse.
Un risque sanitaire mal anticipé
Malgré la récurrence du phénomène, les dispositifs d’alerte sur les plages tunisiennes restent insuffisants. Aucune signalisation spécifique n’est en place, les maîtres-nageurs sont parfois absents en début de saison, et les premiers secours ne disposent pas toujours du matériel adapté.
Pourtant, certaines méduses comme la galère portugaise peuvent provoquer :
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des brûlures très douloureuses,
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des réactions allergiques sévères,
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voire, dans de très rares cas, des complications cardiaques chez les personnes sensibles.
Recommandations en cas de piqûre
– Ne pas frotter la zone touchée, même avec du sable ou une serviette.
– Rincer immédiatement à l’eau de mer (jamais d’eau douce) pour ne pas activer davantage les cellules urticantes.
– Enlever les filaments visibles avec une pince, une carte rigide ou un gant, mais jamais à mains nues.
– Appliquer du vinaigre blanc (si disponible) sur les piqûres de certaines espèces.
– Appliquer du froid (glace dans un sac, jamais directement sur la peau) pour soulager la douleur.
– Consulter un médecin si :
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la douleur est très intense,
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des signes de réaction allergique apparaissent (étouffement, gonflements),
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la victime est un enfant ou une personne fragile.
Que faire pour prévenir le phénomène ?
À long terme, la seule réponse durable est écologique :
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Protéger les tortues marines, leurs lieux de ponte et leurs couloirs migratoires,
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Limiter la pollution plastique sur les plages,
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Réguler la pêche industrielle,
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Mettre en place un réseau de surveillance des méduses à l’échelle nationale,
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Et informer les estivants avec des panneaux clairs et des signalements en temps réel sur les plages et les réseaux sociaux.
La mer Méditerranée tunisienne est un trésor, mais comme tout écosystème, elle repose sur des équilibres fragiles. Les méduses en excès ne sont qu’un symptôme visible d’un désordre plus profond.
Si la tortue disparaît silencieusement, la méduse, elle, prend bruyamment sa place… jusque dans les vagues où nagent nos enfants.
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