Monde

Quand la Maison-Blanche dicte la réalité : Associated Press exclue pour avoir refusé le « Golfe d’Amérique »

Quand la Maison-Blanche dicte la réalité : Associated Press exclue pour avoir refusé le « Golfe d’Amérique »

La liberté de la presse, un pilier fondamental de la démocratie américaine, subit une nouvelle attaque frontale sous la présidence de Donald Trump. L’agence de presse Associated Press (AP) vient d’être interdite d’accès au Bureau ovale et à Air Force One, une sanction directe pour avoir refusé d’appeler le Golfe du Mexique par son nouveau nom imposé : le « Golfe d’Amérique ».

Cette décision, qui pourrait sembler anecdotique, soulève en réalité des enjeux bien plus profonds. Elle marque un glissement préoccupant où la vérité géographique elle-même devient un outil de propagande, et où les journalistes qui osent s’y opposer se retrouvent marginalisés.

Une sanction politique contre un média historique

Vendredi, la présidence américaine a annoncé officiellement que l’AP ne pourrait plus couvrir les événements au Bureau ovale ni monter à bord d’Air Force One, et ce, pour une durée indéterminée. L’explication donnée ? L’agence refuse d’utiliser l’appellation « Golfe d’Amérique », pourtant décrétée par Donald Trump dès son retour à la Maison-Blanche le 20 janvier 2025.

Pour Lauren Easton, porte-parole de l’AP, il s’agit d’une tentative claire de contrôle de l’information :

« Les mesures prises pour restreindre la couverture par AP des événements présidentiels en raison de la façon dont nous évoquons un lieu géographique portent atteinte à la liberté d’expression, un pilier de la démocratie américaine et une valeur cardinale du peuple américain. »

Du côté de la Maison-Blanche, on ne cache pas la nature punitive de cette décision. Taylor Budowich, chef de cabinet adjoint, a défendu cette exclusion en affirmant sur X :

« Si le Premier amendement protège leur droit à des reportages irresponsables et malhonnêtes, il ne garantit pas leur privilège d’accès sans entrave à des espaces limités, tels que le Bureau ovale et Air Force One. »

En d’autres termes, seuls les médias acceptant de suivre la ligne présidentielle auront droit à un accès direct aux coulisses du pouvoir.

Un précédent inquiétant pour la liberté de la presse

Ce n’est pas la première fois qu’un président américain tente de museler un média jugé trop critique. En 2018, CNN avait déjà été temporairement privé de son accréditation après des tensions entre Jim Acosta et Donald Trump lors d’une conférence de presse houleuse. Mais cette nouvelle sanction contre AP, l’un des plus grands fournisseurs d’informations mondiaux, franchit un cap supplémentaire.

  • AP, c’est 3 000 journalistes à travers le monde,
  • 375 000 articles, 1,24 million de photos et 80 000 vidéos produits en 2023,
  • Une couverture d’actualité qui alimente des milliers de médias internationaux, y compris de grandes agences comme Reuters, AFP ou Bloomberg.

En s’attaquant à un acteur aussi influent, la Maison-Blanche envoie un signal clair : toute voix dissidente est susceptible d’être mise à l’écart.

Quand la Maison-Blanche veut réécrire la carte du monde

Cette affaire dépasse la seule question de la presse. Elle illustre une tendance grandissante du pouvoir américain à vouloir imposer ses propres récits, y compris en matière de géographie.

Le décret rebaptisant le Golfe du Mexique en “Golfe d’Amérique” n’a aucune valeur en dehors des frontières américaines. Le Mexique, directement concerné, n’a jamais reconnu ce changement, et les organisations internationales, y compris les Nations unies, continuent d’utiliser le nom historique.

AP, en tant qu’agence de presse indépendante, a donc choisi de respecter la terminologie internationale en mentionnant uniquement le nom original, tout en reconnaissant l’existence du décret présidentiel américain.

Une approche neutre et factuelle, qui lui vaut pourtant aujourd’hui une exclusion directe des événements présidentiels.

Un signal d’alarme pour l’équilibre mondial

Le retour de Donald Trump au pouvoir semble accélérer une tendance inquiétante : celle d’une polarisation extrême de l’information, où les faits eux-mêmes deviennent malléables selon les intérêts politiques du moment.

  • Quel sera le prochain territoire à être rebaptisé par décret ?
  • Quels autres médias seront exclus s’ils refusent de se plier aux directives officielles ?
  • Jusqu’où ira cette volonté d’imposer une vérité alternative à l’échelle mondiale ?

Cette affaire dépasse largement les frontières américaines. Elle touche à la crédibilité de l’information, à l’indépendance des médias, mais aussi à l’équilibre géopolitique. Car si une simple appellation géographique peut devenir une ligne rouge à ne pas franchir sous peine de sanctions, quelles seront les prochaines décisions susceptibles de redessiner l’ordre mondial ?

L’exclusion d’Associated Press doit être perçue comme un signal d’alarme, un nouveau test pour la démocratie dans un monde où les faits ne sont plus toujours traités comme des évidences, mais comme des opinions ajustables selon l’agenda politique du moment.

 

Que se passe-t-il en Tunisie?
Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!

Commentaires

Haut