A la une

Quand les camions surchargés ralentissent l’autoroute : une question de sécurité et de régulation

Tunisie – autoroute A1 Tunis-Sousse. Ce vendredi 5 juillet 2025, plusieurs automobilistes ont partagé des images frappantes de camions lourdement chargés circulant à vitesse réduite sur l’autoroute reliant Tunis à Sousse.

Une scène devenue quasi quotidienne, mais qui soulève de nombreuses questions en matière de sécurité routière, de réglementation et de responsabilité collective.

Des camions qui roulent en dessous de la vitesse minimale autorisée

Sur les photos prises en pleine journée, on observe plusieurs camions transportant des ballots de paille ou des sacs de marchandises empilés à une hauteur impressionnante, circulant manifestement à une vitesse bien inférieure à 80 km/h — seuil minimal théoriquement exigé sur autoroute pour les véhicules légers dans de nombreux pays.

Le problème ne réside pas uniquement dans la vitesse réduite de ces véhicules, mais dans le fait qu’ils se retrouvent régulièrement à doubler d’autres camions tout aussi lents, sur des tronçons à deux voies. Cette manœuvre, pourtant autorisée en théorie, devient extrêmement problématique dans la pratique pour plusieurs raisons.

D’abord, elle crée des embouteillages importants, surtout aux abords des zones de chantier ou des courbes où la visibilité est réduite. Ensuite, les dépassements s’effectuent à très faible allure, ce qui oblige les véhicules légers plus rapides à freiner brutalement, à ralentir sur plusieurs centaines de mètres ou à tenter des dépassements risqués par la droite ou sur la bande d’arrêt d’urgence — des comportements interdits mais qui deviennent une réaction à une situation perçue comme bloquante.

Par ailleurs, le différentiel de vitesse entre les camions surchargés (parfois à moins de 70 km/h) et les voitures circulant à 110 ou 120 km/h est tel qu’il augmente considérablement les risques de collisions par l’arrière. Il ne faut pas oublier qu’un conducteur roulant à 110 km/h parcourt environ 30 mètres par seconde ; s’il aperçoit tardivement un camion roulant à moitié de cette vitesse, la distance d’arrêt peut s’avérer insuffisante, notamment en cas de distraction ou de freinage tardif.

Un autre risque majeur concerne la stabilité des chargements. Lorsqu’un camion surchargé déboîte sur la voie de gauche, il effectue un changement de trajectoire avec une inertie importante. Or, le poids et la hauteur du chargement, souvent mal répartis ou mal arrimés, peuvent entraîner une oscillation dangereuse du véhicule, augmentant le risque de basculement ou de perte de chargement en pleine voie.

Enfin, ces comportements ralentissent la fluidité globale du trafic et créent des files d’étranglement imprévues, obligeant les autres usagers à des changements de voie répétés, parfois à haute vitesse. Cela multiplie les situations d’incertitude, favorisant les accrochages et le stress au volant, deux facteurs aggravants en matière d’accidentalité routière.

Des chargements parfois hors normes

Une autre problématique soulignée par ces images est celle des surcharges apparentes. Que ce soit en hauteur ou en poids, ces véhicules semblent transporter des volumes de marchandises dépassant les limites techniques de sécurité recommandées. Cela peut altérer la stabilité du véhicule, augmenter les distances de freinage, et rendre les manœuvres d’urgence très risquées.

Selon les normes internationales et les recommandations de la Banque mondiale en matière de transport routier, la surcharge constitue l’un des premiers facteurs de dégradation des routes et de sinistres graves, notamment en cas de freinage brutal ou de virage serré.

Ce que dit le Code de la route tunisien :

  • Article 75 : Le dépassement ne doit être effectué que si la manœuvre peut s’accomplir rapidement sans gêner les autres usagers.

  • Les véhicules très lents ou surchargés ne doivent ni dépasser sur autoroute, ni circuler si leur vitesse est inférieure au minimum requis.

  • Surcharge : Un véhicule dont le gabarit est dépassé (largeur, hauteur ou poids autorisé) peut faire l’objet d’une immobilisation immédiate par la Garde nationale ou la Police de la circulation.

Dilemme entre sécurité et pragmatisme économique

Ce phénomène illustre une tension bien connue en Tunisie : le dilemme entre sécurité et pragmatisme économique. Pour certains petits transporteurs, rentabiliser un voyage implique d’optimiser chaque trajet, quitte à charger au maximum. Cela souligne aussi les limites des contrôles routiers, souvent concentrés aux péages ou aux sorties d’autoroute, et parfois contournés.

D’après plusieurs témoignages, ces pratiques ne sont pas toujours sanctionnées, en raison de tolérances implicites ou du manque de moyens de contrôle réguliers et mobiles.

Recommandations pour une amélioration constructive

Afin de garantir la sécurité de tous les usagers tout en tenant compte des réalités du secteur du transport rural, plusieurs pistes pourraient être envisagées :

  1. Encore plus de contrôles mobiles sur autoroute, notamment à l’aide de radars embarqués pour détecter les vitesses anormalement faibles.

  2. Campagnes de sensibilisation ciblées auprès des transporteurs agricoles et ruraux sur les risques liés à la surcharge et au non-respect des vitesses minimales.

  3. Encouragement à la mise à niveau du parc roulant, avec des incitations à l’acquisition de véhicules adaptés au transport de charges lourdes, dans le respect des normes.

  4. Création de voies réservées ou de créneaux horaires dédiés au transport lent et surchargé, à l’image de ce qui se fait dans d’autres pays pour éviter les interactions dangereuses avec les véhicules rapides.

Un enjeu d’intérêt national

La circulation sûre et fluide sur les autoroutes ne peut être assurée sans la coopération de tous les acteurs : autorités, transporteurs, agriculteurs, forces de sécurité et usagers.

Préserver les routes tunisiennes, éviter les drames humains et fluidifier le trafic sont des objectifs que la Tunisie peut atteindre, à condition d’allier pédagogie, contrôle et volonté politique.

Commentaires

Que se passe-t-il en Tunisie?
Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!

Top 48h

ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER

To Top