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Qui a bâti cette base discrète sur une île pour contrôler le golfe d’Aden, la mer Rouge et le canal de Suez?

Qui a bâti cette base discrète sur une île pour contrôler le golfe d’Aden, la mer Rouge et le canal de Suez?

Le fait est assez rare pour être souligné, surtout dans un contexte de tensions internationales extrêmes. Une base militaire est sortie de terre en toute discrétion sur l’île yéménite d’Abd al Kuri, nichée sur la pointe de la corne de l’Afrique. Un aérodrome et des installations portuaires y fleurissent, à deux pas des rebelles houthis. On ignore tout de l’identité des promoteurs de ce projet, tout ce qu’on a ce sont des conjectures et des supputations, épaississant davantage le mystère autour de cette installation.

Le Yémen n’en a pas les moyens, alors qui est-ce ?

On sait au moins une chose : ce n’est pas le Yémen qui a bâti cette base, il n’en a pas les moyens et surtout il a d’autres combats (sécuriser l’intérieur du pays le plus pauvre du monde arabe, donner à manger aux Yéménites, les soigner…).  Les images satellite montrent qu’un immense chantier vient d’être bouclé, après 3 années de travaux conduits à un train de sénateur. Le propriétaire des lieux certes était manifestement déterminé mais il a pris tout son temps.

En tout cas les clichés fournis par l’opérateur privé Planet sont sans équivoque : il y a bien un aérodrome et il est presque terminé. Et le reste – baraquements, systèmes de communication, installations portuaires – a été accéléré fin 2024, sans doute à cause des affrontements au Proche et Moyen-Orient. A noter l’île d’Abd al Kuri, située en mer d’Arabie, entre le Yémen et la Somalie, relève de l’archipel de Socotra.

La nouvelle base est dotée d’une piste d’atterrissage de 2400 mètres de long sur laquelle des avions gros-porteurs peuvent se poser. Mais surtout elle permettra d’avoir l’œil sur toutes les entrées et sorties du golfe d’Aden, de la mer Rouge et donc du canal de Suez. Elle permettra aussi d’épier les liaisons maritimes entre l’Iran et ses alliés au Yémen, les rebelles houthis, tous des ennemis d’Israël mais également des monarchies du Golfe, même si officiellement Téhéran et Riyad ont fait la paix en mars 2023.

L’ombre d’Israël plane sur cette base militaire

L’infrastructure devrait entrer en service dans les prochains jours à venir, donc très rapidement les navettes des avions et bateaux lèveront le mystère sur l’identité de l’occupant. On ne sait pas si les autorités yéménites lui ont accordé un permis. Le procédé fait penser à la Chine, qui a pris l’habitude de bâtir des «porte-avions insubmersibles» sur des îlots pour imposer une occupation de fait des territoires disputés en mer de Chine. Mais dans ce dossier tout le monde pense aux Émirats arabes unis.

Ces derniers avaient fait irruption sur l’archipel en 2018 et y avaient campé durant 2 semaines pour mener une offensive contre les rebelles houthis ; armés par l’Iran ils malmènent les navires de guerre et de commerce qui passent par cette voie maritime très fréquentée. L’Egypte, qui tirait un gros profit des taxes sur le trafic maritime, paye un lourd tribut depuis octobre 2023. Les Houthis, avec leurs fameux drones aériens et maritimes, paralysent fréquemment des frégates et destroyers ultramodernes.

Les attaques sont telles que beaucoup de marines occidentales évitent soigneusement la zone. Mais ces nouvelles installations face à l’île d’Abd al Kuri changeront la donne. «Les appareils qui décolleront de cette base domineront les voies maritimes dans le golfe d’Aden et le détroit de Bab-el-Mandeb [menant à la mer Rouge et au canal de Suez, NDLR] et pourront assurer une présence permanente ainsi qu’une capacité de réaction rapide aux menaces», lit-on sur le site spécialisé Maritime Executive.

Le ministère des Affaires étrangères émirati refuse de s’épancher sur ce chantier, il se borne à dire que ses troupes opérant dans la région sont mues par des «considérations humanitaires», en «coordination avec le gouvernement yéménite et les autorités locales», pour «faciliter la reprise du processus politique yéménite». Les Houthis et l’Iran eux sont formels : c’est bien Abu Dhabi qui est derrière cette base, il aurait même ouvert la porte à Israël pour des opérations militaires à partir de ces nouvelles installations…

On sait que les Emiratis ont normalisé leurs relations avec l’Etat hébreu depuis décembre 2021, dans le cadre des Accords d’Abraham, concoctés par le président américain Donald Trump en 2020. Et l’Arabie saoudite était à deux doigts de sauter le pas, l’attaque du 7 octobre 2023 en Israël et la riposte de Tsahal – qui n’est toujours pas terminée – ont stoppé net le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane. Justement Trump revient aux affaires ce 20 janvier, beaucoup de masques tomberont.

 

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