Tunisie

Qui a flingué le rêve du Grand Maghreb? Taieb Baccouche se lâche, Alger ne pardonnera pas

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Le Tunisien Taieb Baccouche, secrétaire général de l’Union du Maghreb arabe (UMA), s’est dit qu’il était peut-être temps de dire ouvertement ses vérités avant de tirer sa révérence. L’homme, qui a passé 7 ans à tenter de pousser la machine de l’intégration régionale – sans grand succès -, a voulu régler ses comptes, tous ses comptes avec ceux qui selon lui tuent le rêve du grand Maghreb. Baccouche a pointé l’Algérie, les médias locaux n’ont pas du tout aimé et l’ont fait savoir, les autorités évitent pour le moment d’attiser le feu…

Le secrétaire général de l’organisation régionale a rangé le ton feutré du parfait diplomate – il a été ministre des Affaires étrangères – pour endosser le costume du justicier dans un entretien avec la chaîne arabophone France24 diffusé le 1er mai. L’interview a été courte – près d’un quart d’heure – mais détonante. Il a évoqué la désignation de la diplomate marocaine Amina Salman en tant qu’émissaire permanente de l’UMA auprès de l’Union africaine (UA), une affaire qui a fait un tollé en Algérie.

Baccouche a fait part de son étonnement face à la déferlante dans la presse algérienne, une «tempête dans un verre d’eau» selon lui. Il a indiqué que la seule réaction officielle après cette nomination est venue du siège de l’UA, à Addis-Abeba (Ethiopie) et elle est le fait de l’ambassadeur d’Alger sur place…

Le secrétaire général de l’UMA argue de son bon droit en soutenant que le «principe de la nomination à ce poste est acquis depuis 2018, quand les cinq États maghrébins y ont donné le feu vert lors du Sommet de l’UA à Nouakchott, suite à une demande du président de la Commission africaine, Moussa Faki».

Il a ajouté que cette nomination devait au contraire être saluée par tous vu que l’UMA était la seule organisation régionale parmi les 8 d’Afrique à ne pas avoir un représentant auprès de l’UA. Baccouche a par ailleurs dit qu’il a procédé de la sorte parce que l’UMA est une communauté économique régionale et qu’à ce titre il revient au Maroc, en charge des affaires économiques, d’occuper ce poste.

Du côté des médias algériens on rétorque que l’homme n’a aucune légitimité pour faire ce qu’il a fait puisque son deuxième mandat de trois ans est théoriquement fini depuis août dernier. Sauf que dans les faits il est encore le patron jusqu’à ce qu’un successeur soit officiellement désigné. Il a même pensé à démissionner à la mi-novembre 2022 mais la Tunisie et le Maroc – ce dernier abrite le siège permanent de l’UMA – lui ont demandé de rester…

Et puis il y a eu un précédent : le prédécesseur de Baccouche, le Tunisien Habib Ben Yahya, a fait trois mandats d’affilée (du 1er février 2006 au 5 mai 2016) plus une année supplémentaire le temps qu’on lui trouve un remplaçant. Et à l’époque Alger n’avait souligné aucune anomalie. Donc le problème c’est Baccouche et ses sorties fracassantes.

Le secrétaire général de l’UMA en a remis une louche en rappelant que l’Algérie n’a plus aucun diplomate auprès de l’organisation et ne paye plus ses cotisations depuis 2016 alors que les salaires des employés algériens continuent d’être payés par les deniers des autres pays. Il a ajouté qu’Alger a rompu tout lien avec l’UMA et a refusé de l’inviter au dernier Sommet de la Ligue arabe organisé en novembre 2022 et ce, alors que le secrétaire général avait remis une invitation personnelle à Baccouche.

Au sujet de l’épineux dossier du Sahara occidental il est d’avis que ce n’est pas le frein majeur de l’intégration maghrébine mais la guéguerre entre le Maroc et l’Algérie. «Car l’UMA a été créée en 1989 alors que le conflit du Sahara a éclaté quinze ans plus tôt, en 1975», souligne-t-il.

Il a exprimé ses regrets suite aux échecs de toutes ses tentatives pour ramener Alger et Rabat à la table du dialogue. Il a mis les pieds dans le plat en accusant les Algériens de multiplier les obstacles à la paix entre les deux voisins, jusqu’au divorce…

Par ailleurs Baccouche a pointé la responsabilité de l’Algérie dans les tensions diplomatiques entre le Maroc et la Tunisie suite à l’accueil haut en couleurs qu’a eu le chef des indépendantistes du Polisario en août dernier à Tunis. Il y voit une «manœuvre» dont «la source n’est pas à rechercher du côté tunisien» puisque Tunis a «toujours affiché une neutralité positive dans le conflit du Sahara».

Cette sortie au vitriol a valu au secrétaire général de l’UMA un déluge de tirs signés par les médias algériens. Le site “Echoroukonline” a titré «Baccouche le Tunisien endosse sa toge noire pour défendre le Makhzen», quant à “Algérie Maintenant il invite le président Kais Saied à désigner sans tarder un successeur à l’encombrant Baccouche.

En dépit de tous ces écueils le Tunisien est convaincu que l’UMA n’est pas morte et enterrée, il parie sur les générations futures pour dépasser les résistances irrationnelles de leurs aînés. Idem pour le Sahara, il est persuadé que le «règlement de ce conflit est possible, du moment que l’ONU s’y attelle et avance lentement mais sûrement dans le bon sens, celui d’une inéluctable solution politique».

 

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