Economie

Qui a trompé Kais Saied et enfoncé le pays?

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Le chef de l’Etat, Kais Saied, déroule son plan, pas tranquillement peut-être mais il déroule. Il n’a pas flanché face à la présidente du Parlement européen, n’a pas tiqué face au dernier missile américain, comme il n’avait pas cillé face aux autres salves locales et étrangères. En tout cas en apparence il reste stoïque face aux coups, droit dans ses bottes. Contre vents et marées, il a décidé de mettre tous ses oeufs dans le même panier judiciaire : Pour assainir le pays, pour pourfendre les contrebandiers et autres affreux affairistes, pour sauver le pays avec les milliards prétendument volés ou détournés, etc.

On doit avoir l’honnêteté de dire que personne n’est capable de prédire le résultat de cette affaire, car il y a dans les annales de l’Histoire des combats très improbables au départ qui ont été gagnés in fine. Donc théoriquement toutes les issues ne sont pas bouchées pour Saied, mais les miracles sont rares dans ce bas monde et le moins qu’on puisse dire est que le pari du président de la République est sacrément risqué…

Le risque est d’abord économique puis social. Parce que pendant que le président de la République course ceux qui pillent ou ont pillé la République, il n’aide pas son gouvernement à rassurer le FMI alors que des négociations cruciales pour le pays sont engagées. Kais Saied fait mine d’ignorer que la cheffe du gouvernement, Najla Bouden, a engagé des discussions très serrées avec l’institution internationale. Il parle volontiers de tout, très souvent répète à satiété les mêmes choses d’un Conseil ministériel à un autre, comme un disque qui commence sérieusement à se rayer, mais il n’évoque jamais ou très peu l’essentiel pour une Tunisie sans le sou : le FMI…

La dernière fois qu’il a parlé du FMI, contraint et forcé, c’était pour dire que l’accord était dans la poche. Cela se saurait si c’était le cas, sa ministre des Finances, au tout premier rang dans ces âpres pourparlers, serait la première à le dire. La dernière fois qu’on l’a entendue c’était pour nous parler de gros sous, mais d’argent à ramasser ici en Tunisie et maintenant, dans le cadre des emprunts obligataires. Donc rien à avoir avec le pactole du FMI que Tunis lorgne. Alors question : Qui a donné au président de la République l’assurance que l’aide de l’institution internationale était acquise ? Qui l’a enduit en erreur ou s’est-il fourvoyé ?

Aux dernières nouvelles le premier bailleur de la Tunisie – le FMI – n’a fait jusqu’ici qu’effleurer le dossier soumis par l’exécutif tunisien. Un dossier d’ailleurs rendu incroyablement complexe et compliqué par la conjoncture internationale qui rebat toutes les cartes. Et évidemment la Tunisie n’est pas à son avantage dans ce contexte, elle qui traînait déjà des problèmes structurels très lourds et moult casseroles…

On a vu Kais Saied trôner fièrement aux côtés des membres de ses nouveaux organes judiciaires censés être provisoires, fier comme si les milliards qu’il a promis d’arracher aux anciens responsables et businessmen véreux allaient tomber demain. Tout le monde sait qu’au mieux cette affaire allait traîner des années, avec les arcanes judiciaires que l’on sait et qu’au bout de toute façon ça ne réglera pas tous les problèmes du pays. Mais le principal intéressé – Kais Saied – le sait-il ? Quelqu’un a osé lui expliquer çà ? Il est permis d’en douter. Alors que réformer le pays, même à marche forcée, le relancer en remettant les citoyens au travail, çà ça rapporte gros et tout de suite…

Entre être persuadé d’avoir raison et avoir effectivement raison il y a un fossé que seule la sagesse permet de résorber. On verra ce qu’il en est pour le locataire du palais de Carthage. Mais une chose est certaine : il ira jusqu’au bout de son affaire parce qu’il ne s’est ouvert aucun autre horizon. 2022 sera une année éminemment judiciaire, et de ça dépendront l’avenir économique du pays et le destin politique de son président. C’est comme ça que le chef de l’Etat voit les choses. Il a intérêt à avoir raison. Pour le moment ça part très mal, aussi bien pour son autre projet phare, la Consultation nationale que pour la paix sociale sans laquelle rien de solide ne peut être entrepris et surtout accompli…

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