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Qui est derrière la faillite des chemins de fer de Tunisie ?

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La compagnie nationale qui gère le réseau ferroviaire, la Société nationale des chemins de fer tunisiens (SNCFT) fait partie de l’identité et de l’histoire sociale et économique de la Tunisie.

La première ligne de chemin de fer qui a relié Tunis, la Goulette et la Marsa (TGM) a été inaugurée en août 1872, cette ligne constituait en fait, le prélude à de nombreuses autres voies qui allaient être étendues sur de vastes zones du pays.

La SNCFT est créée par décret le 27 décembre 1956 pour prendre en main, les destinées du réseau national actuel qui couvre 2.167 km et assure le transport annuel de 36.7 millions de voyageurs. La partie sud du réseau (1688 km) est principalement utilisée pour le fret. Cette activité présente une très grande importance pour la compagnie qui transporte 1.5 million de tonnes de marchandises par an, réparties principalement entre le phosphate (539000 tonnes) et les matériaux de construction (362000 tonnes).

Le transport du phosphate sur la ligne 13 permet d’approvisionner les six sièges miniers de la Compagnie de phosphate tunisien (CPG), vers les six usines de transformation du Groupe chimique tunisien (GCT). L’activité sur cette ligne est stratégique pour la Tunisie et la SNCFT.

Cependant, l’essor qu’a connu la compagnie nationale des chemins de fer fait désormais partie de l’histoire ancienne vu la dégradation quasi-généralisée de sa situation financière et technique. L’entreprise n’a carrément plus de liquidités. D’ailleurs ses employés ont été au cours de cette semaine en grève pour non-paiement des salaires, d’autres sit-in et mouvements sociaux sont en vue.

Dans les sillages de cette grande débâcle, hier jeudi 3 juillet, Laârbi Yakoubi, Secrétaire général de la fédération générale des chemins de fer relevant de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) a déclaré que la compagnie cumule des pertes colossales depuis 2011 qu’il a estimées à 800 millions dinars. Ainsi, la SNCFT a consommé pratiquement 2 fois ses fonds propres et doit être, selon les dispositions du code des sociétés, déclarée purement et simplement en faillite.

D’après les chiffres publiés dernièrement par le Ministère des Finances, dans son rapport sur les entreprises publiques, la SNCFT a enregistré fin 2018 un déficit de 86 millions de dinars et a reçu une subvention de l’Etat qui n’a pas dépassé 59 millions de dinars. L’endettement de la compagnie est de 1179 millions de dinars. Par ailleurs les salaires se sont élevés à 116 millions de dinars pour un effectif de 4612 employés. Une situation chaotique qui n’a jamais, bizarrement, fait réagir le ministre du Transport, Anouar Mâarouf .

Néanmoins, le chaos dans lequel sombre la SNCFT est dû, selon le syndicaliste Laârbi Yakoubi, principalement au blocage de la ligne 13 qui assure le transport du phosphate et aussi les passagers, ce qui est confirmé largement par plusieurs observateurs.

Le blocage permanent de la ligne se fait par des groupes d’individus qui sont aussi impliqués dans des affaires de sabotage sur la ligne  et se présentent  comme des « protestataires » contre leur chômage et leur marginalisation.

Les derniers chiffres actualisés relatifs à l’évolution de l’activité de la SNCFT montrent que la recette de l’activité fret dans son ensemble ne dépasse pas 17.15 millions de dinars. Toutefois, l’affaire n’est pas aussi simple qu’elle apparaît.

En effet, le Secrétaire général adjoint de l’UGTT, Sami Tahri a attiré l’attention, en 2017, sur des lobbies et des soutiens douteux concernant le transport du phosphate par voie terrestre (camion) et non par voie ferrée.

L’organisation I Watch a rendu public fin octobre 2019 un rapport attestant que des « hommes d’affaires » influents réalisent des bénéfices à coup de dizaines de millions de dinars, suite à des contrats de transport du phosphate, causant ainsi des dégâts inestimables aussi bien à la SNCFT qu’à la CPG et accessoirement au GCT.

En somme, aujourd’hui et après des années de destruction préméditée et d’actes criminels de sabotage perpétrés dans l’impunité totale, la Tunisie est sur le point de perdre encore un des symboles de sa prospérité économique et sociale  bâti durant des décennies.

Il est crucial que les acteurs économiques et sociaux patriotes, responsables et engagés se mobilisent pour sauver la SNCFT d’un destin malheureux.

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Publié par
Mohamed Ben Abderrazek