Le dernier rapport périodique de la Banque centrale de Tunisie sur l’évolution des moyens de paiement au premier trimestre de l’année en cours révèle un changement notable dans les comportements de paiement des citoyens, notamment en ce qui concerne les opérations de vente et d’achat à crédit, suite à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les chèques.
Les données statistiques indiquent une baisse de 62 % du nombre de chèques utilisés durant la période mentionnée, par rapport au premier trimestre de l’année 2024, tandis que leur valeur a diminué de 48,3 %, atteignant environ 15,989 millions de dinars.
En revanche, les effets de commerce (lettres de change) ont enregistré une hausse remarquable : leur nombre a augmenté de 107,4 %, avec une valeur totale avoisinant les 11,268 millions de dinars.
Cependant, près d’un effet de commerce sur dix a été rejeté pour insuffisance de provision sur les comptes des émetteurs, ce qui représente environ un milliard de dinars d’effets impayés.
Des répercussions multiples
Le marché connaît de manière générale un net recul des activités de vente à crédit dans divers domaines, notamment les appareils électroménagers, quelques mois après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les chèques, laquelle criminalise l’émission de chèques sans provision.
Or, la majorité des transactions se faisait auparavant par chèques.
La nouvelle législation prévoit la mise en place d’une plateforme électronique dédiée aux transactions par chèque, permettant au bénéficiaire de vérifier en temps réel la disponibilité des fonds auprès de la banque. Elle vise à réduire les effets négatifs liés à la mauvaise utilisation du chèque, à renforcer la confiance entre les acteurs économiques et à améliorer le climat des affaires.
Toutefois, son application, dans un contexte de manque d’alternatives de paiement à crédit accessibles à une large frange de la population tunisienne, a eu un impact sur les modes de consommation, les secteurs commerciaux et l’économie dans son ensemble.
Les données révélées par l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprise montrent que 88 % des consommateurs à revenu moyen (revenu mensuel compris entre 1 000 et 3 000 dinars) ont renoncé à un achat depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les chèques, début février 2025.
Plusieurs indicateurs soulignent que ces nouvelles dispositions législatives ne tiennent pas compte de la réalité du pouvoir d’achat d’une partie des citoyens, ce qui a affecté la demande intérieure et la consommation globale.
La nécessité de mettre en place des alternatives adaptées
De nombreuses données financières révèlent que le marché avait besoin de solutions de paiement à crédit avant l’entrée en vigueur de la loi sur les chèques.
Il est donc aujourd’hui urgent que les institutions spécialisées intensifient leurs efforts pour proposer des solutions, telles que l’octroi de crédits à la consommation en faveur des fournisseurs ou l’augmentation de l’émission de cartes électroniques adaptées au paiement échelonné.
En l’absence de mesures urgentes et appropriées, des effets clairs sur la demande intérieure pourraient être observés au second semestre de cette année, notamment en raison de l’incapacité de nombreux citoyens à accéder au tourisme intérieur, qui était en grande partie financé par des paiements à crédit au profit des hôtels et des agences de voyages, via l’émission de chèques postdatés.
Selon des données croisées, environ 30 % des transactions commerciales s’appuient sur l’usage du chèque comme moyen de paiement différé.
L’utilisation du chèque comme moyen de paiement différé est une pratique profondément ancrée dans la société, résultat de conditions économiques difficiles et de l’incapacité d’une large frange de la population et des opérateurs économiques à accéder à certains types de services financiers.
Les dernières données publiées par la Banque centrale montrent un recul de l’usage du chèque au cours du premier trimestre de l’année, parallèlement à une hausse du recours aux effets de commerce.
Toutefois, cette hausse ne reflète pas nécessairement une reprise de la consommation, d’autant plus que les commerçants exigent des garanties importantes pour adopter la lettre de change dans la vente à crédit, en raison des contraintes juridiques qui y sont liées.
Que se passe-t-il en Tunisie?
Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!
