La fête sera belle ce samedi 7 décembre à Notre-Dame de Paris, bon, moins belle que prévu, la pluie et le vent se sont invités. Donc fini la belle parade à l’extérieur, avec strasses et paillettes, comme si on n’était pas devant un haut lieu religieux. Mais tant pis, le président Emmanuel Macron, qui a porté à bout de bras la reconstruction de la cathédrale après l’incendie de 2019, composera avec Dame nature. L’essentiel est d’oublier un court instant ses déboires politico-sociaux, devant un parterre de hauts dirigeants du monde entier (une cinquante dit-on). Il n’y aura pas la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, elle a jugé plus sage de fuir Paris après le coup de poignard qu’elle a asséné à la France. Mais il y aura le président américain Donald Trump, le chrétien à géométrie variable qui vient peut-être chercher l’absolution pour ses nombreux péchés.
La fête devait s’arrêter sur le parvis de Notre-Dame de Paris, la France, «fille aînée de l’Eglise», ne pouvait pas fouler au pied ce principe ; mais les intempéries en ont décidé autrement, tout ce beau monde pénétrera dans ce lieu sacré. Un mélange Eglise-Etat qu’on croyait avoir aboli depuis 1905. Pour le respect de la symbolique de la cérémonie on repassera, mais le pays y survivra, il en a vu d’autres en termes de désacralisation. Mais est-ce que tous ces gens très importants se sont souciés des dessous de cette reconstruction spectaculaire qui a englouti quelque 900 millions d’euros ? Non. Une dame, une chercheure en santé publique, s’est posé les bonnes questions. Sa tribune publiée dans “HuffPost” fait froid dans le dos…
«15 avril 2019 : un nuage de fumée rouge orangé s’échappe de la cathédrale Notre-Dame en flammes et survole Paris. La poussière se dépose sur les toits de Paris, les rues, les jardins en un cocktail éminemment toxique, de suie et des particules de plomb.
Le président Emmanuel Macron se précipite sur place, non pour s’inquiéter des dangers qui s’abattent ce soir-là – et pour longtemps – sur le peuple de Paris. Aucune trace d’inquiétude pour la santé et la vie des pompiers, mais aussi pour celles des riverains, menacées par ce poison connu depuis des siècles qui retombe en pluie contaminée sur Paris et ses habitants. Les particules de plomb pénètrent dans les organismes humains par ingestion, inhalation ou simple contact cutané. Le nuage est passé. Les poussières toxiques sont restées.
La reconstruction « à l’identique », un « caprice » de Macron
Je suis chercheure en santé publique depuis la fin des années 70, spécialiste des risques professionnels et environnementaux. Le premier ouvrier que j’ai contribué à faire reconnaître en maladie professionnelle s’appelait Norbert. Il était peintre de la réparation navale et atteint de saturnisme, cette maladie de l’intoxication au plomb. Il en souffrira jusqu’à sa mort : troubles digestifs et rénaux, cardio-vasculaires, cancer.
Mais revenons à Notre-Dame de Paris. Le président Macron, sous le feu des caméras du monde entier, émet un seul vœu au soir de l’incendie : la reconstruction, « à l’identique », de la cathédrale, en cinq ans, en prévoyant déjà sa réouverture en 2024, l’année des Jeux olympiques de Paris.
Ce plomb laminé, sur la flèche et la toiture, relarguera en moyenne 10 kg de plomb par an en poussière dans l’air et les eaux de ruissellement.
L’injonction est là : rien ne doit entraver la réalisation de ce qui va apparaître de plus en plus, comme le caprice d’un seul. Tandis qu’inexorablement, le désastre invisible mais mortel, s’inscrit durablement dans le quotidien de milliers de travailleurs sur et autour du chantier, de celui des riverains de Notre-Dame, et au-delà, celui des centaines d’enfants fréquentant des crèches et écoles contaminées. Les seules crèches qui fermeront pour décontamination, aux lendemains de l’incendie, sont celles de la préfecture de police de Paris.
Appel au confinement de la cathédrale après l’incendie
Réunis dans le Collectif Plomb Notre-Dame, associations et syndicats, agissant pour la protection de la santé en rapport avec le travail et l’environnement, se mobilisent dès la deuxième quinzaine d’avril 2019. J’en fais partie. Nous alertons sur l’empoisonnement en cours. En vain !
Nous appelons au confinement de l’édifice pour contenir la poussière de plomb autant que faire se peut. La présence de plomb se révélera si élevée et disséminée dans l’Ouest parisien que l’Agence régionale de Santé prendra l’initiative d’établir un niveau de pollution « normal » à 5 000 µg/m2 alors que les spécialistes alertent sur le fait que le plomb est un toxique sans seuil. À moins de 12 µg/litre de plomb dans le sang, les effets neurologiques sont perceptibles chez l’enfant : troubles neurologiques, troubles cognitifs, troubles du comportement, sans parler des atteintes cellulaires multiples, dont les effets ne se révéleront qu’avec les années, voire les décennies.
C’est la raison pour laquelle nous demandons aussi la mise en place d’un suivi médical adapté pour toutes les personnes contaminées, comme ce fut fait en 2001, après les attentats du Wall Trade Center, à New York par des services de santé publique. Ce suivi a permis un recensement continu des effets différés de la pollution générée par l’incendie et l’effondrement des tours.
Un suivi médical adapté, tout le long de la vie, est la seule stratégie de santé publique permettant de recenser les effets à court, moyen et long terme de l’intoxication au plomb. L’absence, continuellement invoquée par les autorités, de cas avérés de saturnisme, témoigne non pas de l’innocuité du plomb mais des carences d’offre de soins. Ces cas ne sont pas connus puisque rien n’a été fait pour les diagnostiquer.
Une « technique traditionnelle » qui pose des problèmes sanitaires
Dès 2021, l’annonce est faite au plus haut niveau de l’État que la « reconstruction à l’identique » consistera à remettre du plomb laminé sur la toiture et la flèche de Notre-Dame. Les autorités invoquent la charte de Venise. Or, celle-ci n’impose aucunement l’utilisation de matériaux toxiques. Dans son article 10, cette charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites dit même ceci : « Lorsque les techniques traditionnelles se révèlent inadéquates, la consolidation d’un monument peut être assurée en faisant appel à toutes les techniques modernes de conservation et de construction dont l’efficacité aura été démontrée par des données scientifiques et garantie par l’expérience. »
Il est évident que la technique traditionnelle de recours au plomb comme matériau de couverture doit être considérée comme une « technique traditionnelle inadéquate », compte tenu des dangers qu’elle représente pour les travailleurs et la population. La décision prise me semble contraire à l’esprit même de la charte de Venise qui veut que la restauration respecte les valeurs et les principes qui ont présidé à l’édification des monuments. Et Notre-Dame n’est-elle pas un symbole du respect de l’humain et de l’humanité à travers les siècles ?
Les rappels de la toxicité du plomb n’ont pourtant pas manqué. En février 2021, le Haut Conseil à la Santé Publique s’est prononcé pour l’interdiction du recours au plomb laminé comme matériau de couverture. C’est le moment choisi par Emmanuel Macron et les responsables de la reconstruction pour imposer ce choix. Ce plomb laminé, sur la flèche et la toiture, relarguera en moyenne 10 kg de plomb par an en poussière dans l’air et les eaux de ruissellement.
L’association Henri Pézerat et l’union départementale CGT ont porté plainte pour mise en danger de la vie d’autrui, d’abord en 2021, puis, avec constitution de partie civile, en 2022. Un juge d’instruction a été nommé mais la justice ne s’est toujours pas prononcée.
Qu’importe ! L’injonction du président a été scrupuleusement respectée, en dépit des règles des Codes du Travail, de l’Environnement et la Santé Publique, en dépit des alertes scientifiques mais aussi des protestations citoyennes et syndicales. Notre-Dame est désormais le symbole d’un désastre annoncé. Si, comme le disait Jean Rostand, l’obligation de subir nous donne le droit de savoir, le refus d’informer et le fait de traiter les lanceurs d’alerte comme des adversaires, laissent dans l’ignorance tous ceux et celles qui ont et auront à en souffrir».
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