Les relations entre la France et l’Algérie ne se sont pas remises du basculement spectaculaire de Paris dans le dossier du Sahara occidental. Bien au contraire les choses s’enveniment et on n’en voit pas le bout. Alger n’a toujours pas répondu à l’offre de dialogue de la France, dont le chef de la diplomatie, Jean-Noël Barrot, est disposé à se rendre chez le président Abdelmajid Tebboune. Mais voilà, tout ce qu’on voit ce sont des expulsions d’Algériens, systématiquement suivies par des renvois vers la France, pour les mêmes motifs. Une tension exponentielle, que le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, attise copieusement pour son propre agenda, la présidentielle de 2027. La ministre de la Culture, Rachida Dati, s’ajoute aux pyromanes.
La Franco-Marocaine a ébruité hier lundi 17 février sa «visite historique» au Sahara occidental, un territoire âprement disputé depuis des décennies. «Le présent et l’avenir de cette région s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine», s’est enhardie la ministre, consciente de la résonance de ses mots auprès d’acteurs qui guettent le moindre frémissement, dans un sens ou l’autre.
Mme Dati est venue pour inaugurer une antenne de l’Alliance française à Laayoune, dont elle veut faire «un lieu phare dans notre coopération France et Maroc». Elle a également inauguré une annexe de l’Institut supérieur des métiers du cinéma à Dakhla. «C’est la première fois qu’un ministre français vient dans les provinces du Sud», s’enflamme la ministre, usant de l’appellation adoptée par le Maroc pour évoquer ce territoire au statut non défini à l’ONU.
Plus que jamais le Sahara occidental, un grand espace désertique, cristallise les passions. Rappelons que cette ex-colonie espagnole est régie à près de 80% par le Maroc, mais elle est énergiquement réclamée depuis 50 ans par les indépendantistes du Front Polisario, épaulés par l’Algérie. Et c’est d’ailleurs une des causes de la rupture de tous les liens diplomatiques entre Rabat et Alger depuis 2021.
Rappelons qu’un référendum d’autodétermination a été programmé par l’ONU lors de la signature d’un cessez-le-feu en 1991 mais n’a jamais vu le jour, Rabat craignant les déflagrations d’un vote en faveur de l’indépendance. Surtout avec les séparatistes du Rif marocain qui guettent. En octobre dernier une résolution du Conseil de sécurité, validée par 12 des 15 membres, avait appelé à une solution «réaliste et mutuellement acceptable» au Sahara occidental…
Dans les faits on est très loin de la pacification des esprits, entre d’un côté des acteurs – Paris et Rabat – qui sont sur un terrain déjà conquis et se comportent en tant que tels, et de l’autre ceux qui ruminent leur colère – le Polisario et Alger. Lors de son déplacement fin octobre 2024 au Maroc le président Emmanuel Macron avait exprimé l’engagement «diplomatique» de la France pour marteler à l’ONU et au sein de l’Union européenne le Plan marocain sur le Sahara occidental.
Ce n’est pas la voie de la sagesse mais c’est celle que prend Paris, qui était arrivé à la conclusion qu’il en avait assez fait et qu’Alger lambine trop pour émettre des signaux positifs vers un vrai “apaisement des mémoires“. Et depuis la France accélère vers le Maroc. En novembre dernier l’ambassadeur de France à Rabat a effectué sa toute première visite sur le sol sahraoui. Un déluge d’annonces a suivi, des Européens et des Emiratis, des milliards de dollars pour exploiter l’énorme potentiel de la région en énergies renouvelables.
On en est là, une affaire de gros, l’autodétermination des Sahraouis, les états d’âme et rancoeurs des uns et des autres passent bien après. Sauf que cette réalité historique et sociale que les gros profits font tout pour ensevelir finit très souvent par triompher. Les deux revers successifs du Maroc à l’Union européenne le démontrent. L’argent, quelle que soit sa masse, n’écrase pas tout et heureusement…
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