La BAD l’avait dit en mai 2022, la délégation du FMI en visite au Sénégal du 29 septembre au 6 octobre le confirme : Le Sénégal sera au tout premier rang en Afrique – et même dans le monde – en matière de croissance, +10%, avec une inflation que beaucoup lui envieront, à peine +2%. Le pays devra cette embellie essentiellement au gaz et au pétrole, découverts en grande quantité au large des côtes. Son exploitation, prévue pour 2023, devrait changer le visage du pays de la “Téranga” (hospitalité en Wolof, la langue nationale)…
Un étrange silence
Mais le communiqué de l’institution internationale ne dit pas que ça, il égraine aussi copieusement tous les trains qu’elle attendait et qui ne sont pas arrivés à l’heure. Sauf que les autorités sénégalaises se sont bien gardées d’ébruiter les commentaires négatifs du FMI. Traditionnellement “c’est le ministère des Finances qui partageait l’information avec la presse pour se réjouir de la teneur et du contenu du communiqué. Mais cette fois-ci, le département du Budget est resté silencieux (du moins jusqu’ici) sur la note du FMI“, a indiqué hier Dakarmatin. Si le gouvernement s’est tu c’est pour de “bonnes” raisons…
«Bien que le projet de budget pour 2023 prévoie une réduction du déficit budgétaire, les efforts d’assainissement sont insuffisants compte tenu des contraintes fortes de financement et de la vulnérabilité croissante de la dette publique. Des objectifs plus élevés en matière de mobilisation des recettes et des engagements forts pour supprimer progressivement les subventions à l’énergie sont nécessaires“, a dit le chef de la délégation du FMI, Edward Gemayel.
Le FMI critique mais Macky Sall est loin d’être isolé
Le bailleur du Sénégal tempère ainsi les orientations du président Macky Sall, qui avait fixé le cap la veille lors du Conseil des ministres en soulignant «la nécessité d’assurer la protection des consommateurs et ménages» avec ce qu’il qualifie de “budget de solution” pour 2023. Le chef de l’Etat entend ainsi soulager ses concitoyens, qui se plaignent moins de la pénurie de produits de première nécessité que de leurs coûts, dans un contexte de tension inflationniste mondialisée. D’ailleurs Macky Sall n’est pas le seul à mettre en place des dispositifs de soutien aux populations, beaucoup d’autres pays le font.
Il n’y a pas que les subventions à l’énergie qui irritent le FMI, il y a aussi la fiscalité. On demande au gouvernement de serrer la vis. «Les autorités sont encouragées à renforcer le recouvrement des recettes, à éliminer les exonérations fiscales onéreuses, à rationaliser les dépenses non prioritaires et à prendre les mesures nécessaires pour réduire les subventions à l’énergie tout en protégeant les plus vulnérables par des mesures ciblées“, souligne Gemayel.
Un autre point de discorde : La gestion des marchés publics. Le FMI insiste sur la rationalisation des “dérogations au code des marchés publics pour le secteur de l’énergie et finaliser la révision de son cadre juridique pour limiter strictement les dérogations aux appels d’offres ouverts et concurrentiels“.
Qui imposera sa volonté, le FMI ou Dakar ?
On demande également aux autorité d’aller plus vite dans la concrétisation de la stratégie de recettes à moyen terme (SRMT) et de s’en tenir au plan fixé pour maîtriser la consommation énergétique et répartir au mieux les subventions. «Les recettes budgétaires recouvrées à fin septembre ont été plus importantes que prévu, mais la forte hausse des subventions à l’énergie a conduit le gouvernement à décaler certains projets pour contenir le déficit budgétaire au niveau visé de 6,2 % du PIB“, déplore le FMI.
Enfin au sujet de la croissance, elle ne devrait pas dépasser 4,7% cette année, avec pour corollaire une inflation sans précédent de 11,2% en août dernier pour une moyenne annuelle aux alentours de 7,5%, alors qu’elle était d’à peine 2% durant presque une décennie…
Rendez-vous le mois prochain pour la revue finale du dispositif appuyé par l’Instrument de coordination des politiques économiques, l’Accord de confirmation et la Facilité de crédit de confirmation. D’ici là le gouvernement sénégalais devra imaginer des solutions pour rentrer dans le moule du FMI…
A moins que Macky Sall finisse par imposer sa volonté, ses dépenses et largesses sociales dictées par la conjoncture économique, sur fond de contexte politique délétère autour d’un troisième mandat que ses opposants lui refusent, arguant la limite constitutionnelle – le texte dit pas plus de deux mandats successifs – et que ses partisans appellent de tous leurs voeux au nom de la non-rétroactivité, puisque le président avait limité les mandats après sa première élection. Fini la trêve politique drainée par le triomphe des Lions à la CAN 2022…
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