La disgrâce de l’ex-président sénégalais Macky Sall était écrite, on l’a lue dans sa sortie complètement ratée (rien à voir avec le panache de ses illustres prédécesseurs Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade). Ses déboires on les a vus dans ces dizaines de morts qu’il a laissés derrière lui, des victimes dont le seul tort a été de se dresser sur la route du 3e mandat pour un chef d’Etat omnipotent. Les ennuis de Sall on les a vus dans les institutions et les traditions démocratiques qu’il a foulées au pied, dans ses crimes contre la nation (des crimes contre l’humanité et des crimes financiers). L’addition sera salée, à un point que l’ex-président n’imagine même pas…
Ça commence à l’Université de Columbia et ça finira devant une Haute Cour de Justice
Ça commence aux USA, dans une prestigieuse université, avec une simple pétition qui a fait chuter de son piédestal le président qui donnait des leçons de vertus démocratiques à ses turbulents voisins (le Mali, la Guinée, le Burkina Faso et le Niger surtout). Macky Sall devait animer la Conférence Africaine de Columbia, ces 25 et 26 octobre, l’activisme du mouvement Africa in Harlem, enhardi par la Sénégalaise Oumou Diallo, a barré la route de l’ex-chef de l’Etat. Brave Dame.
Elle a fait circuler une pétition pour mettre sous le nez des organisateurs de la conférence l’opprobre que jetterait Macky Sall sur cet événement, avec toutes les casseroles qu’il traîne. Le texte a été abondamment signé par les Sénégalais de la diaspora et il a atterri dans le bureau du président intérimaire de l’Université de Columbia, Madame Katrina Armstrong. La réaction a été immédiate : Sall ne fanfaronnera pas devant l’assistance, pour leur vendre des valeurs qu’il n’a jamais appliquées chez lui.
«Nous valorisons le dialogue ouvert et aurions préféré une communication directe concernant vos préoccupations avant que cela ne devienne litigieux. Notre objectif est de favoriser des discussions significatives sur l’avenir de l’Afrique. En raison de circonstances imprévues, le président Macky Sall ne participera plus à la conférence Columbia Africa», dit le communiqué en réponse à la requête d’Africa in Harlem. Victoire.
Victoire pour le Sénégal, sa démocratie ; Victoire pour les dizaines de victimes innocentes, tombées sous les balles d’une police aux ordres, mêmes les ordres les plus ignobles. «Il est temps d’agir ! Macky Sall ne doit pas être l’orateur principal», disait la pétition de Mme Diallo, le combat contre l’ex-président ne fait que commencer, la sombre page qu’il a écrite au Sénégal lui reviendra comme un boomerang.
Est-ce que Mohammed VI et Macron savent ce que leur ami a fait ?
En juin dernier on vous disait que c’est la fin de l’exil doré à Marrakech (Maroc), le paradis des célébrités du monde entier. Macky Sall ne goûtera pas longtemps aux délices des 1000 milliards de Francs CFA qu’il aurait embarqués en filant chez son ami le roi Mohammed VI. Les problèmes de l’ex-président sénégalais ont commencé quand l’organisation «Horizon sans frontières» a écrit à l’actuel chef de l’Etat. La lettre sur le passé de Sall a aussi été envoyée aux ambassadeurs des USA, d’Italie, de l’Union européenne, d’Espagne et de France.
Macky Sall a lâché la planque que lui avait trouvée un autre ami, le président français Emmanuel Macron. Il a démissionné du poste d’Envoyé spécial du Pacte de Paris pour les peuples et la planète en arguant une incompatibilité avec son statut de tête de liste pour les législatives anticipées de novembre 2024 au Sénégal. Une incongruité totale, prendre le “lead” d’une campagne électorale aussi intense alors qu’on ne peut même pas mettre les pieds sur le terrain au risque d’être arrêté illico, c’est complètement surréaliste. Mais passons.
En réalité si Sall s’est séparé de son maroquin c’est parce qu’il savait que chacun de ses déplacements dans le monde serait guetté par ses victimes, que ses déjeuners et dîners mondains aux côtés des puissants de la planète seraient pollués par les fantômes du passé. Tous ses copains finiraient par entendre ce qu’il a fait au Sénégal, aux Sénégalais. La situation deviendrait vite intenable, donc il a reculé…
Il a reculé mais ça ne le sauvera pas. Le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, une autre victime de Macky Sall, s’est rappelé à son bon souvenir. L’ex-président l’avait mis en prison sur la base de dossiers à charges fallacieux (il a également emprisonné l’actuel chef de l’Etat), l’a privé de ses droits civiques et l’a empêché de participer à la présidentielle qu’il était certain de gagner. Sonko aura sa revanche, il planche sur la création d’une Haute Cour de Justice pour juger l’ex-président et ses ministres.
Sall a falsifié les comptes publics, trafiqué la croissance, caché la dette…
Je ne parle pas des 1000 milliards de Francs CFA que Sall aurait piochés dans les caisses publiques – ses ministres ont certainement volé bien plus -, je parle des crimes contre l’humanité et d’autres tout aussi graves : le maquillage des comptes publics pour planquer les déficits budgétaires et l’endettement colossal du pays, pour gonfler les chiffres de la croissance afin d’avoir encore plus d’argent de la part des bailleurs et investisseurs.
Le nouveau gouvernement a fait auditer le bilan de l’ancien régime et beaucoup de cadavres ont été débusqués dans les placards. Cet exercice de vérité le nouveau pouvoir le devait aux citoyens, aux partenaires pour bâtir une relation de confiance dans la durée. Mais ça a aussi coûté très cher au Sénégal, immédiatement après ce déballage la note souveraine du pays a été abaissée par l’agence américaine Moody’s. Il faut bien que les coupables payent, Macky Sall sera le premier.
Il a bâti des ponts, des autoroutes, un nouvel aéroport, une nouvelle cité administrative et des tas d’infrastructures, mais tous les Sénégalais savent aussi que beaucoup d’argent a atterri dans les poches des ex-dirigeants. Le gouvernement a promis de redresser tous les comptes publics à partir de 2025 et il en aura les moyens, avec les recettes pétro-gazières…
Avec le volontarisme de Sonko et du président Bassirou Diomaye Faye, deux anciens inspecteurs des impôts qui ont l’orthodoxie budgétaire chevillée au corps, le Sénégal se relèvera. Mais l’ex-président lui ne se relèvera pas des coups qu’il a portés à son pays.
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