Le Sénégal et la Mauritanie se frottent les mains et festoient déjà dans la perspective de l’exploitation des gros gisements de gaz découverts à la frontière maritime entre les deux pays et qu’ils se partagent à parts égales, sans mégoter, comme le font de vrais frères. Il se dit même que les fruits de Greater Tortue Ahmeyim (GTA) iront au-delà des prévisions initiales, que cette affaire est de nature à propulser les deux pays sur la voie de l’émergence, avec des sauts qualitatifs en matière de développement. En tout cas le FMI y croit, fermement et se lance : 10% de croissance pour le Sénégal en 2025. Ce sera encore mieux pour la Mauritanie, 14,3%, le meilleur taux en Afrique. Mais voilà, il y a l’envers du décor…
Ça ne plaira pas aux panafricains, pas du tout
“British Petroleum (BP) détient 56% des parts, Cosmos Energy possède 27% des parts. Le Sénégal et la Mauritanie détiennent respectivement 10% et 7% des parts”. Le ténor britannique qui se taille la part du lion, l’américain suit et les Africains ferment la marche. Comme toujours, comme d’habitude, comme c’est le cas depuis des siècles et la dite décolonisation n’y a rien changé. Mais que voulez-vous, les Africains ne se sont jamais donné les moyens d’extraire et transformer à domicile leurs matières premières, le fil de la domination n’a été que formellement rompu mais dans les faits rien de notable depuis des décennies.
Aucun panafricain digne de ce nom ne peut rester insensible face à ces chiffres, lesquels à eux seuls résument la tragédie du continent. Aucun panafricain ne peut planquer ça sous le tapis, à commencer par le nouveau président du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye. Il s’était engagé avant et durant sa campagne électorale à renégocier tous ces contrats qui sont pour beaucoup dans la pauvreté et le sous-développement chroniques des Africains. Le chef de l’Etat sénégalais n’en parle plus, alors que la chose urge vu que l’exploitation du gaz est imminente…
Le CFA et les bases françaises Oui, motus sur le gaz
Le Premier ministre Ousmane Sonko, le véritable patron de l’exécutif, veut bien remettre sur la table la sortie éventuelle du Franc CFA, un vestige de la colonisation qui a toujours un franc succès auprès des anti-Occidentaux, des anti-Français et que sais-je encore. Sonko veut bien agiter dans l’air l’expulsion des soldats français, comme l’ont fait ses copains du Mali, du Burkina Faso et du Niger, là aussi un argument qui fait mouche au Sénégal auprès des radicaux du camp présidentiel. Mais l’exécutif en restera là, pas question de regarder vers le gros morceau : la renégociation des contrats gaziers et pétroliers.
On avait dit ici même que le réveil pourrait être brutal et difficile pour les nouveaux patrons du Sénégal, que le fossé entre les promesses de campagne et les possibilités effectives de l’Etat grandirait à mesure que le nouvel exécutif découvre les dégâts provoqués par le régime de Macky Sall et les marges de manoeuvre qu’il a laissées. Le président Faye commence à entrer dans le dur. Mais “une promesse est une dette“, et en l’occurrence c’est une dette contractée auprès de 17 millions de personnes. Ce n’est pas rien !
Donc personne ne pourra se défausser en brandissant la fameuse parade de feu le politicien français Charles Pasqua : “Les promesses n’engagent que ceux qui les croient. Et encore moins au Sénégal où les citoyens ont accroché à leur tableau de chasse 3 régimes, tous éjectés par la seule puissance de la carte d’électeur. Alors je dis au duo Faye-Sonko Attention.
Le Burkina et la RDC ont montré la voie…
Le mal qui frappe le Sénégal est le même qui sévit au Burkina Faso, en Guinée, en République démocratique du Congo (RDC), etc. Au Burkina les putschistes s’activent, avec des réussites pour transformer sur place les richesses du pays et donc en tirer plus de profit, sans parler des retombées du nouveau Code minier. La Guinée elle n’a pas bougé d’un iota, la junte militaire est plus obsédée par la conservation du pouvoir que par l’éveil économique du pays. En RDC le président Félix Tshisekedi a enregistré deux victoires : il a imposé aux Chinois une renégociation des contrats miniers – un gain de 4 milliards de dollars – et a décidé de les concurrencer en traitant sur place ses minerais…
C’est peu ou prou ce que le président sénégalais a promis à ses électeurs. Je ne dis pas que les retombées du gaz, en l’état dans les contrats signés par Macky Sall, sont insignifiantes, qu’elles ne changeront pas le visage du pays. Je dis juste qu’il faut penser à tout ce qui file sous le nez des Sénégalais et qui atterrira dans les caisses de BP et Cosmos Energy. A défaut d’avoir obtenu la renégociation de ces contrats il faudra miser tous les fruits du gaz dans l’industrialisation du pays pour couper le cordon de la dépendance étrangère. Si l’exécutif n’est pas au rendez-vous sur ces sujets les électeurs ne pardonneront pas au prochain scrutin.
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