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Si Macron ne l’a pas dénoncé avec Ben Salmane et l’émir qatari c’est pas avec Saïed qu’il le fera

Si Macron ne l’a pas dénoncé avec Ben Salmane et l’émir qatari c’est pas avec Saïed qu’il le fera

L’opposition tunisienne l’a mis en veilleuse le temps des festivités de la Francophonie – de toute façon qui pouvait les entendre -, la clameur est vite remontée dès que le Sommet de Djerba a fermé les rideaux. La cheffe de file du Parti destourien libre (PDL), Abir Moussi, a été la première à sonner la charge, une violente charge contre le président français, pour son silence sur la main de fer de son homologue tunisien. Le front d’Ahmed Néjib Chebbi a embrayé. Mais est-ce que tout ce raffut suffira à bousculer le positionnement d’Emmanuel Macron sur Kaïs Saïed, “qui est un ami” ?

L’incroyable naïveté des opposants de Saïed

Croire que le chef de l’Etat français allait administrer publiquement au président tunisien des leçons de démocratie c’est faire preuve d’une grande naïveté. D’abord parce qu’un cours magistral à la tribune du Sommet de la Francophonie aurait été contre-productif. Ensuite il y a même le risque d’une rupture du dialogue direct entre Macron et Saïed, connaissant l’irascibilité de ce dernier. Qu’est-ce que la France aurait à gagner dans une telle flambée de la tension? Rien. Idem pour la Tunisie…

Il ne faut pas oublier les liens économiques entre les deux pays. Ça pèse très lourd, aussi lourd voire plus que le sujet des droits humains et des libertés. La France, qui a perdu du terrain en Tunisie au profit de l’Italie, ne peut pas se permettre un bras de fer avec Tunis ; ce serait de l’essence sur le mouvement anti-français qui prospère en Afrique de l’Ouest et que Paris surveille comme du lait sur le feu. La France, quoi qu’elle dise, n’a tout simplement pas les moyens de se fâcher avec la Tunisie, un pépin qui viendrait s’ajouter au lourd contentieux avec le Maroc et l’Algérie.

De Gaulle l’avait dit…

Il ne faut pas s’y leurrer : Les droits humains certes ça compte pour “le pays des droits de l’homme”, la France, mais pas au point de sabrer ses propres intérêts. Les opposants tunisiens ont perdu de vue que Macron est avant tout un chef d’Etat, et “les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts“, dixit le général de Gaulle. Sur les doléances des opposants tunisiens le président français a fait ce qu’il a pu, dans un entretien avec TV5 Monde, avec la finesse qu’on lui connait, mais ce sera tout…

Aller plus loin d’abord lui aurait valu une volée de bois vert de la part du président tunisien, à la tribune de Djerba, comme le mauvais quart d’heure qu’a passé le Premier ministre canadien. Macron, rompu aux subtilités de la diplomatie en terre africaine, ne se mettra jamais dans cette posture. Donc l’affrontement c’est l’affaire de l’opposition tunisienne, pas celle de Paris. C’est à Moussi, Chebbi et compagnie de mener le combat, leur combat, certainement pas Macron.

Macron, Biden… : Tous pareils

Les Occidentaux ont expérimenté le parachutage de la démocratie à coups de bombes, ce fut un cuisant échec que leur rappellent au quotidien l’Irak, l’Afghanistan, la Libye, etc. Alors les chancelleries occidentales ont changé de braquet. C’est ce qui explique leur magnanimité avec l’Egypte, où la dictature est revenue en force. Le président français a même forcé le trait jusqu’à recevoir en grande pompe son homologue égyptien en décembre 2020, jusqu’à lui remettre la distinction suprême : La Grand-croix de la Légion d’honneur…

En fait Macron a récidivé, puisqu’avant ça, en mai 2017, il avait reçu avec les mêmes honneurs – la Légion d’honneur en moins – le président russe, Vladimir Poutine, alors que Moscou était sous le coup de sanctions depuis l’annexion de la Crimée en 2014. C’est au nom des mêmes intérêts suprêmes de la France qu’elle vend à l’Arabie saoudite des armes, sachant toutes les horreurs qu’elle fait avec au Yémen. On a même vu le président français se rendre à Riyad en décembre 2021 pour pactiser avec le prince héritier Mohammed Ben Salmane…

Le même prince saoudien accusé d’avoir fomenté l’horrible assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en 2018 en Turquie, ce qui n’a pas empêché Macron de lui dérouler le tapis rouge à Paris en juillet 2022, après que Ben Salmane a été lavé de ses péchés par Washington. Et depuis il a été blanchi par le président américain, Joe Biden, toujours au nom des intérêts supérieurs des USA.

Enfin c’est au nom de ces mêmes intérêts que Macron a décidé de regarder ailleurs après que le Qatar a fait ce que le monde entier sait pour s’offrir la Coupe du Monde de football. Bon, les Emiratis et tous leurs voisins le font depuis belle lurette mais le Mondial a braqué tous les projecteurs sur eux, même si ce sera sans conséquences une fois les projecteurs éteints…

C’est aussi ça le monde dans lequel nous vivons, surtout depuis que la guerre en Ukraine a complètement chamboulé l’ordre des urgences et des priorités, au nom de la survie économique.

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