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Syrie : 1e fissure dans l’édifice Jolani, que fera-t-il après les vidéos insoutenables sur son ministre de la Justice?

Syrie : 1e fissure dans l’édifice Jolani, que fera-t-il après les vidéos insoutenables sur son ministre de la Justice?

Incontestablement c’est une grosse entaille dans l’architecture de cette “Syrie nouvelle” que les nouveaux maîtres veulent vendre à leurs concitoyens, aux exilés, aux partenaires étrangers. Shadi al-Waisi, désigné récemment ministre de la Justice, est devenu un boulet pour le gouvernement installé par Abou Mohammed al-Jolani, le leader de Hayat Tahrir al-Cham (HTC) et de fait le chef de la Transition. Deux vidéos d’une violence inouïe, authentifiées par la plateforme Verify, montrent le ministre de la Justice dans une posture qui embarrasse au plus haut point les nouvelles autorités.

Dans le premier film on voit une femme accusée de «corruption et prostitution», elle est à genoux avec des hommes armés tout autour. Les faits se déroulent dans la province d’Idleb, gérée par HTC et d’où sont partis les islamistes pour abattre le régime de Bachar-al-Assad en à peine 10 jours. Cette région a servi de laboratoire à la rébellion et lui a permis d’accumuler une expérience administrative qui sert dans le pilotage du pays. Mais d’autres choses moins reluisantes ont été commises à Idleb et c’est le grand déballage.

Dans cette vidéo l’homme qui déclamait les sentences de mort serait Shadi al-Waisi. Dans le doute la plateforme a été sollicitée, après une étude minutieuse Verify a pu établir, à travers les traits physiques ou le son de la voix, que l’individu correspondait à un niveau «élevé» au nouveau ministre de la Justice…

Dans la deuxième vidéo on voit une autre femme (déciment les femmes demeurent la hantise des barbus) formuler une requête : voir ses enfants une dernière fois, puis elle est forcée de s’agenouiller et ça finit par une balle dans la tête.

Un haut responsable du pouvoir en place a confirmé que le sinistre individu sur les vidéos est bel et bien l’actuel ministre, juge à l’époque. «Le contenu de la vidéo qui nous a été présentée documente l’application de la loi à un moment et à un endroit précis, où les procédures ont été menées conformément aux lois en vigueur à ce moment-là et dans le cadre d’un accord procédural», indique ce responsable…

«Cependant, nous tenons à souligner que ce processus reflète une étape que nous avons dépassée, à la lumière des transformations juridiques et procédurales actuelles, ce qui rend inapproprié de le généraliser ou de l’utiliser pour décrire l’étape actuelle, compte tenu des circonstances et des références différentes», argue-t-il pour tenter d’atténuer l’impact désastreux de ces images.

Dès la publication de ces vidéos les appels à la démission sont montés crescendo. Al-Jolani n’a pas encore commenté cette affaire mais indéniablement c’est une catastrophe pour l’image des nouvelles autorités. Jusqu’ici elles ont fait un sans-faute, que ce soit dans les postures, les déclarations, les premiers actes gouvernementaux et les premiers gestes diplomatiques.

Après cette affaire il faudra donner de solides gages à la communauté internationale. Le plus simple serait de démettre très vite ce ministre de ses fonctions pour éteindre l’incendie. Mais ce geste pourrait aussi être interprété comme un reniement et un aveu de faiblesse par la base radicale d’al-Jolani. Il ne faut jamais oublier que dans ses rangs il y a ses anciens camarades du Front al-Nosra (qui avait fait allégeance à Al-Qaïda) et les durs de Daech. Et comme on dit, “islamistes un jour, islamistes toujours”…

Ils ne pardonneraient pas au chef du HTC d’éjecter le ministre de la Justice sur la base de faits qu’eux jugent tout à fait normaux et en adéquation avec les dogmes religieux. Pour ces gens-là ce sont les idéaux des droits humains qui ne sont pas normaux et qu’il faille combattre. Alors oui, le pouvoir marche sur des oeufs et tout le monde guette l’issue de l’affaire al-Waisi. Al-Jolani devra choisir entre sa crédibilité de Chef islamiste et celle de Président d’une Syrie inclusive et multiconfessionnelle où le radicalisme n’a pas sa place.

 

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