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Syrie : La “liberté” a un prix, un tiers des postes du public supprimés et des privatisations à la pelle

Syrie : La “liberté” a un prix, un tiers des postes du public supprimés et des privatisations à la pelle

Le gouvernement provisoire, piloté par Mohammad al-Bachir (un ingénieur), clôt son mandat en mars prochain, une autre équipe prendra le relais et elle sera taillée pour l’immense chantier de la relance économique, des réformes. Le principal défi du pays sera financier et économique, encore plus que la Constitution et son contenu. C’est le passage obligé pour convaincre les bailleurs de fonds de financer le pays…

Ces réformes passent par une cure d’amaigrissement de la fonction publique, dont les effectifs ont été gonflés artificiellement par l’ancien régime pour entretenir une clientèle politique, pour fidéliser les affidés et bras armés du système Assad, depuis plus de 50 ans. Tout cela c’est terminé, on va rationaliser à tour de bras. Les nouvelles autorités projettent de sabrer un tiers des emplois du secteur public.

En route vers le combat contre la corruption et la dilapidation des deniers publics. Certains services étatiques seront tout bonnement privatisés. Beaucoup de salariés ont déjà été priés de rester chez eux en attendant qu’on étudie leurs cas, d’autres ont été licenciés. Ils ont introduit des recours pour annuler ces décisions, mais il est peu probable que les tribunaux s’opposent au nouveau régime. Les juges préféreront raser les murs, surtout quand ils ont un lien quelconque avec le clan Assad.

RFI relate les tribulations de quatre employées du secteur public. Elles se sont confiées devant un centre administratif qui fut leur bureau. L’endroit est animé, les citoyens y défilent pour régler leurs problèmes mais ce sera sans les agents licenciés. En janvier dernier le contrat à durée déterminée de ces dames n’a pas été renouvelé. Elles tiennent à raconter leurs malheurs mais sous le sceau de l’anonymat. Le réflexe de la terreur est encore vivace, Révolution ou pas…

«Nous travaillons ici depuis une éternité et maintenant, ils nous rejettent. On espère qu’ils vont nous reprendre. Nous n’avons plus de revenus et nous avons un loyer à payer». Pourtant elles continuent de faire le déplacement tous les matins, en rêvant d’un retournement de situation.

Le dégraissage affecte tous les secteurs : administrations locales, ministères, entreprises publiques, etc. Une autre jeune femme, toujours de manière anonyme, a confié qu’elle travaillait pour le fournisseur d’électricité. Elle était titularisée, pourtant elle et ses collègues ont été mis au chômage durant 3 mois, par le biais d’un simple message sur WhatsApp…

«Dès le lendemain de la décision, les employés se sont retrouvés sur la place devant le siège et ont été rencontrer le directeur adjoint. Il nous a promis qu’il allait nous aider et créer un comité pour étudier chaque cas. Et ce comité va décider ce qui arrivera aux employés», ajoute-t-elle. Elle dit qu’elle a été auditionnée par ce comité et attend ses conclusions. Elle espère une issue favorable mais au point où vont les choses en Syrie les illusions ne sont plus d’actualité.

C’est ce pays que retrouveront les Syriens de la diaspora, dont la plupart ont été contraints à l’exil par les ratés sanglants du soulèvement populaire de 2011. Le président par intérim, l’ex-chef de guerre Ahmed al-Charaa, fait ce qu’il peut pour requinquer le pays. Le 2 février il est allé voir le Prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane, sa première visite à l’étranger. Certes Riyad avait fini par céder à la realpolitik en faisant la paix avec le dictateur Bachar al-Assad, d’obédience alaouite (une variante du chiisme), mais il est évident que les Saoudiens préféreront nettement pactiser avec al-Charaa et ses hommes, des sunnites.

Le 4 février al-Charaa a mis le cap sur la Turquie, décisive dans la chute du dictateur et qui entend capitaliser sur ce coup de main très intéressé. Le président Recep Tayyip Erdogan, qui monnaye tout, a déjà négocié l’installation de bases turques en Syrie pour traquer lui-même ses ennemis, les Kurdes. C’est le prix à payer pour bénéficier de la protection et de l’appui du voisin turc (910 km de frontière commune) pour la reconstruction du pays. Par ailleurs al-Charaa est officiellement invité en France. Les Européens se disent disposés à lever la plupart des sanctions économiques contre Damas.

Il le faudra et bien plus encore pour relever un pays exsangue et dont les fonds de tiroir ont été raclés par la famille Assad avant de faire route vers la Russie, un exil doré que Vladimir Poutine fera payer au prix fort, très certainement.

 

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