C’est la preuve, une de plus, que le chef de la Transition syrienne, Ahmad al-Chareh, est loin d’avoir complètement pacifié le pays. Les démons du passé ne sont jamais loin. Un mois après les carnages dans les régions côtières qui avaient endeuillé les Alaouites, la communauté du dictateur déchu, Bachar al-Assad, un autre drame frappe. Cette fois c’est la minorité druze qui a été ciblée. Les affrontements avec les forces du régime ont fait 9 morts au moins…
Les combats se sont produits dans la banlieue de Jaramana, aux abords de la capitale, Damas. Les autorités s’engagent à traquer tous les responsables de ces heurts pour leur faire payer leurs crimes. Elles avaient formulé la même promesse quand des centaines de civils avaient été fauchés, engagement non tenu. Il est même possible que les mêmes sécuritaires qui ont tué en mars dernier aient récidivé à Jaramana.
D’après l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), “les forces de sécurité ont lancé un assaut” contre cette localité après la diffusion sur les réseaux sociaux d’un message vocal collé à un druze et jugé blasphématoire envers l’islam. La même source a indiqué que 6 combattants locaux de Jaramana et 3 “assaillants” avaient trouvé la mort.
Le ministère de l’Intérieur déclare dans un communiqué qu’au départ “des groupes armés” se sont affrontés, puis les forces de sécurité sont intervenues officiellement “pour protéger les habitants“. Le ministère n’a pas précisé le nombre de victimes, tout ce qu’on sait c’est qu’il y a eu “des morts et des blessés” dans la nuit d’hier lundi.
Des combattants locaux campent dans les rues et les entrées de la localité, ils demandent aux habitants de se cloitrer chez eux. “Jaramana n’a rien connu de tel depuis des années (…). La ville est d’habitude bondée, mais elle est morte aujourd’hui, tout le monde est à la maison“, témoigne un habitant. Ce mardi matin des commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, qui abrite aussi des familles chrétiennes, étaient presque désertes.
Les troupes relevant des ministères de la Défense et de l’Intérieur avaient pris position ce matin sur la route de l’aéroport international de Damas, avec des blindés et des mitrailleuses.
Les autorités religieuses druzes de la ville ont “vivement dénoncé l’attaque armée injustifiée contre Jaramana (…) qui a visé les civils innocents“. D’après le communiqué les autorités syriennes portent “l’entière responsabilité de ce qui s’est produit et de toute aggravation de la situation“. Le texte dément formellement “toute atteinte au prophète Mohammed” et dit que le message vocal a été ventilé “pour provoquer la sédition“.
Cela n’a pas empêché le ministère de l’Intérieur de clamer qu’il enquêtait sur le message “blasphématoire à l’égard du prophète” Mohammed pour coincer l’auteur et le traîner devant la justice.
A noter que les druzes sont une branche de l’islam ; ils vivent principalement au Liban, en Syrie et en Israël. Après la chute du régime d’al-Assad, le 8 décembre 2024, Tel-Aviv a tout tenté pour convaincre cette communauté que son avenir est désormais dans l’Etat hébreu. Début mars, suite à des heurts à Jaramana, Israël avait menacé d’intervenir militairement si les nouvelles autorités syriennes touchent aux druzes…
Pourtant les dignitaires druzes ont redit haut et fort leur attachement à l’unité de la Syrie. D’ailleurs leurs émissaires négocient en ce moment même avec les nouveaux maîtres de Damas pour sceller un pacte qui ouvrirait sur l’incorporation des groupes armés druzes dans la future armée nationale.
La protection des minorités, sur laquelle insiste la communauté internationale depuis qu’al-Chareh est aux manettes, est le principal défi de la Syrie nouvelle. De son succès dépendra l’éveil post-révolutionnaire. C’est soit ça soit le naufrage généralisé.
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