Economie

Taoufik Baccar : Une nouvelle contre-performance à inscrire au registre des gâchis économiques et financiers des 10 dernières années …

Taoufik Baccar : Une nouvelle contre-performance à inscrire au registre des gâchis économiques et financiers des 10 dernières années …

Taoufik Baccar a réagi sur sa page Facebook par rapport à ce qu’il a considéré comme une nouvelle contre-performance à inscrire au registre des gâchis économiques et financiers des dix dernières années et des atteintes à la dignité des tunisiens en voyage à l’étranger :

Retour sur un secteur où l’erreur n’est pas permise :CHANGE, CONVERTIBILITÉ ET ALLOCATIONS TOURISTIQUES.

Durant mon passage à la Banque Centrale de Tunisie, le niveau des allocations de voyages à l’étranger est passé de 1000 DT en 2003 à 6000 DT en 2010, à la faveur d’une augmentation sensible des réserves en devises qui ont plus que triplé durant la même période passant de 3500 à 13000 millions de dinars, soit 6700 millions d’euros, un niveau équivalent à celui d’aujourd’hui pour une dette extérieure nettement plus faible : 25 millards de DT en 2010 contre 76 millards de DT à la fin de 2019.

Le gouvernement de la BCT d’alors renforcera cette décision de relèvement du niveau des allocations touristiques par la création d’un « Compte Allocations Touristiques » permettant à son détenteur de préserver la partie de ces allocations, rapatriée de l’étranger suite au voyage et de bénéficier d’une carte de paiement au titre de ce compte, devenue exigible par les institutions hôtelières un peu partout dans le monde.

Cette évolution qui préparait l’étape de la convertibilité, s’est faite dans le cadre d’une vision et d’un processus pragmatique de décisions/évaluations, destiné à éviter les dérapages et à apprécier le comportement et les motivations du citoyen face aux devises étrangères.

Ainsi en 2004, le niveau de ces allocations a doublé pour passer de DT 1000 à DT 2000 et les évaluations faites une année après, ont montré que le montant des sorties de devises au titre des allocations touristiques a augmenté que de 55% environ. Un deuxième doublement du niveau des allocations touristiques interviendra en 2007 et l’impact sur le montant total des sorties ne sera que de 25%. Les allocations touristiques seront augmentées une troisième fois de moitié et cela n’aura qu’un impact minime sur le niveau des réserves.

Notre idée était faite: l’élasticité baissait au fur et à mesure du relèvement du niveau de l’allocation et la contrainte essentielle était devenue le niveau des revenus en dinars et non celui des allocations touristiques. C’était là un enseignement fondamental pour l’étape ultérieure, celle de la convertibilité totale du dinar.

Au-delà de ces données, c’est la démarche empruntée qu’il importe de faire ressortir, une démarche faite d’engagement et de pari sur l’avenir mais également de mesure, de prudence et d’évaluations continues afin d’éviter les sauts dans l’inconnu et les dérapages difficiles à rattraper.

Il y a en effet des domaines où l’erreur n’est pas permise tellement l’impact sur l’économie peut être sensible et le domaine du change en est un. Il suffit de rappeler à cet égard que la dépréciation du taux de change du dinar durant l’année 2018 sans parvenir à relancer les exportations objectif ultime de cette dépréciation, s’est traduite par une augmentation du taux d’endettement de pas moins de 15 % du PIB et une inflation additionnelle de 1.5 à 2 points.

La stratégie dans ce domaine doit être prudente et la Tunisie a choisi la démarche par étapes. Certains nous reprochent d’ailleurs d’avoir pris du temps pour passer à la convertibilité totale du dinar. A cet égard, je dois rappeler que nous n’avons pas beaucoup avancé au niveau des préalables requis à un passage réussi et sans retour en arrière vers cette étape ultime: relèvement des plafonds des allocations touristiques, maîtrise de l’inflation, développement des exportations et des IDE, assouplissement du taux de change dans le cadre d’une stratégie visant la stabilité du taux de change réel du dinar, assainissement du secteur bancaire, renforcement des réserves en devises qui ont atteint à la fin de 2009 près de six mois d’importation, démarrage d’une négociation avec certains partenaires de la Tunisie pour la mobilisation d’une ligne de crédit de précaution qui ne serait utilisée qu’en cas d’attaques contre le dinar, etc. Tout cela a pris effectivement du temps mais c’était nécessaire pour un passage réussi à l’étape de la convertibilité et éviter un retour à la case départ.

A ce propos, j’ai laissé à mon successeur, lors de mon départ de la Banque Centrale en janvier 2011, un programme et une feuille de route avec des mesures précises à même de permettre au pays de franchir une étape cruciale en direction de la convertibilité totale du dinar. Les priorités étaient malheureusement ailleurs et ce programme n’a pas vu le jour au cours des dix dernières années, à l’exception de la création des bureaux de change, une mesure envisagée en 2008 mais qui n’a pu aboutir, aucune disposition de taille n’a été prise et le niveau des allocations touristiques exprimé en euros a baissé de plus de 40% passant de 3200 à 1850 euros.

Une nouvelle contre-performance à inscrire au registre des gâchis économiques et financiers des dix dernières années et des atteintes à la dignité des tunisiens en voyage à l’étranger.

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