L’imposition par l’administration Trump de droits de douane sur les importations énergétiques en provenance du Canada et du Mexique risque de bouleverser le marché pétrolier nord-américain, déjà fortement interconnecté.
En augmentant le coût du pétrole importé, ces mesures pourraient entraîner une hausse des prix du carburant aux États-Unis, affectant aussi bien les consommateurs que les raffineries.
Une taxe de 10 % sur le pétrole canadien et des répercussions majeures
Donald Trump a signé samedi des décrets imposant une taxe de 10 % sur les importations d’énergie canadienne, en plus de droits de douane de 25 % sur les produits canadiens et mexicains, ainsi que de 10 % supplémentaires sur les marchandises chinoises. Ces nouvelles taxes, qui entreront en vigueur mardi prochain, risquent d’avoir des effets en cascade sur l’économie nord-américaine.
Le Canada est le principal fournisseur de pétrole brut des États-Unis, avec des exportations atteignant environ 4 millions de barils par jour. Le Mexique en exporte environ 500 000 barils quotidiennement vers son voisin du nord. Dans ce contexte, les raffineries américaines, en particulier celles du Midwest (qui représentent 23 % de la capacité de raffinage du pays), sont fortement dépendantes des importations canadiennes. Une augmentation des coûts de ces importations pourrait ainsi contraindre les raffineurs à réduire leur production ou à répercuter cette hausse sur les consommateurs.
Selon une note des analystes de Goldman Sachs, “les taxes sur le pétrole canadien pourraient entraîner une hausse temporaire des prix de l’essence dans le Midwest américain, ce qui serait impopulaire auprès des consommateurs”. Les responsables de la Maison-Blanche ont cependant affirmé que l’application d’un taux réduit de 10 % pour le pétrole visait à limiter l’impact sur les prix du carburant et du fioul domestique.
Une riposte canadienne et des craintes pour le secteur pétrolier
Face à cette mesure, le Canada n’a pas tardé à réagir. Le Premier ministre Justin Trudeau a annoncé l’imposition de tarifs douaniers de 25 % sur des produits américains représentant un total de 155 milliards de dollars canadiens (107 milliards de dollars américains). Si Ottawa n’a pas encore précisé si ces mesures toucheront directement le secteur énergétique, des options comme la taxation des exportations ou leur restriction sont envisagées.
Les compagnies pétrolières canadiennes et américaines expriment également leur inquiétude. Chet Thompson, président du groupe commercial American Fuel & Petrochemical Manufacturers, a mis en garde contre les conséquences de ces taxes : “Nous espérons qu’une solution rapide sera trouvée pour exempter le pétrole brut et les produits pétrochimiques de ces taxes avant que les consommateurs n’en ressentent l’impact.”
L’American Petroleum Institute a également annoncé qu’il poursuivrait ses efforts auprès de l’administration Trump pour obtenir des exemptions tarifaires, soulignant que ces taxes risquaient de “réduire la compétitivité énergétique des États-Unis et d’augmenter les coûts pour les consommateurs”.
Un impact sur le prix du pétrole canadien
L’annonce des taxes a déjà eu un effet immédiat sur les prix du Western Canadian Select (WCS), qui ont chuté de 15,5 dollars sous le prix du brut américain West Texas Intermediate (WTI) vendredi dernier, atteignant leur plus bas niveau depuis juillet 2024. Certains analystes estiment que cette différence de prix pourrait s’accentuer, atteignant 16 voire 17 dollars par baril.
Cependant, plusieurs facteurs pourraient atténuer ces effets. La faiblesse du dollar canadien face au billet vert pourrait compenser en partie les pertes des producteurs. Par ailleurs, la saison de maintenance du pétrole extrait des sables bitumineux, qui débute en avril, entraînera une réduction temporaire de l’offre, limitant ainsi la baisse des prix.
Le Mexique également touché par ces taxes
Les nouvelles taxes américaines menacent également la rentabilité du secteur pétrolier mexicain. Actuellement, 50 % des exportations de brut mexicain sont destinées aux États-Unis, où des compagnies comme Valero, Chevron et Phillips 66 sont de gros acheteurs. Si ces entreprises décident de limiter leurs importations de pétrole mexicain en raison des coûts additionnels, Mexico pourrait être contraint de chercher de nouveaux débouchés en Europe ou en Asie, ce qui mettrait encore plus de pression sur les marges de Pemex, la compagnie pétrolière d’État mexicaine.
Par ailleurs, une hausse des coûts de l’énergie aux États-Unis pourrait également affecter le Mexique, qui dépend largement des importations américaines de diesel et d’essence. Face à cette situation, le pays pourrait être amené à diversifier ses sources d’approvisionnement, notamment en renforçant ses importations en provenance d’Europe.
Une alternative pour le Canada : le marché asiatique
Si les États-Unis maintiennent ces taxes, le Canada pourrait chercher à rediriger une partie de ses exportations vers l’Asie. L’oléoduc Trans Mountain, récemment élargi, permettrait d’augmenter les livraisons de pétrole brut vers la côte ouest du Canada, facilitant ainsi l’exportation vers des marchés asiatiques où les importations ne sont pas soumises aux tarifs douaniers américains.
Cependant, cette alternative présente des défis. Le pipeline, qui a démarré en mai dernier, est encore sous-utilisé en raison des coûts élevés de transport. Mais avec l’escalade des tensions commerciales, il pourrait rapidement devenir une option stratégique pour les producteurs canadiens.
Une crise énergétique en perspective ?
La mise en application de ces droits de douane soulève de nombreuses questions quant à leur impact à long terme sur l’économie nord-américaine. Pour les consommateurs américains, une hausse des prix de l’essence semble inévitable à court terme, tandis que les raffineries devront trouver des solutions pour éviter une baisse de rentabilité.
D’un point de vue politique, ces mesures pourraient exacerber les tensions entre les États-Unis et leurs partenaires commerciaux. Le Canada et le Mexique envisagent déjà des représailles économiques, et l’Union européenne suit de près cette situation, craignant d’être la prochaine cible des sanctions commerciales de Donald Trump.
Le marché pétrolier nord-américain, historiquement interdépendant, pourrait être contraint à une recomposition majeure si ces tarifs restent en vigueur. Reste à voir si ces mesures seront temporaires ou si elles marqueront le début d’une guerre commerciale de grande ampleur entre les trois pays.
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