Politique

Tunisie-Guerre des prérogatives: y aura-t-il un gagnant ?

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Il y a quelques mois, la guerre des prérogatives a été déclenchée entre le chef du gouvernement Hichem Mechichi et le président de la République Kais Saied suite au blocage du remaniement ministériel par ce dernier.

Depuis, les tensions marquant la crise politique entre les deux têtes du pouvoir n’ont cessé d’augmenter et le conflit des compétences entre Carthage et la Kasbah a fait couler beaucoup d’encre.

La guerre des prérogatives : jusqu’à quand ?

Le désaccord était clair entre les deux responsables au niveau des discours prononcés, des photos prises lors des visites officiels, des nominations etc.

Le dernier chapitre de cette guerre froide a été la leçon magistrale en droit constitutionnel donnée par Kais Saied au cours de laquelle il a affirmé être le chef suprême des forces armées militaires et sécuritaires, en présence de Hichem Mechichi et du président de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) Rached Ghannouchi et ce à l’occasion de la cérémonie du 65ème anniversaire des forces de sécurité intérieure.

Une déclaration ayant semé la controverse et suscité la colère du Mouvement Ennahdha et du chef du gouvernement qui n’a pas tardé à réagir.

En effet, Hichem Lechichi a indiqué que la loi doit être appliquée et qu’il y a des instances habilitées à interpréter les lois et la Constitution précisant qu’il vaudrait mieux penser à accélérer la mise en place de la Cour constitutionnelle en faisant allusion au Chef de l’Etat.

Il s’agit au niveau de la première partie de la réponse d’un argument ad hominem pour s’opposer aux propos de Saied qui a évoqué le contournement de la loi.

Quant à la deuxième partie de la réponse, il s’agit de l’usage d’un argument ad personam. C’est à dire, mettre de côté la délibération sur la base des arguments et attaquer la partie adverse.

Cherchant à réagir au plus vite et à répondre à Kais Saied, Mechichi est tombé cette fois-ci dans le piège d’une communication primaire qui manque de planification et de prévision, une approche simplement réactive. Hichem Mechichi semble tombé dans le piège de la provocation.

Le pouvoir de l’image

La guerre discursive entre les deux responsables s’est rapidement traduite sous forme d’une communication sémiotique à travers les pages des deux présidences.

Le 18 avril 2021, la page de la présidence du gouvernement a publié un album photo sur la cérémonie du 65ème anniversaire des forces de sécurité intérieure lors de laquelle Saied a prononcé son fameux discours. Une photo de l’album montre un sécuritaire faisant le salut militaire à Kais Saied.

Quelques heures après, la page de la présidence du gouvernement publie un album photo sur la cérémonie dont une photo similaire à celle publiée par la page de la présidence.

Par le choix de la photo et son angle de prise similaire à celui de la présidence de la République, Mechichi a tenté d’avoir recours à une spectacularisation et une mise en scène de soi.

En marquant ce but, la communication sur la page de la présidence du gouvernement a subi une déviation allant de la communication exécutive à la promotion et l’exposition permanente de Hichem Mechichi, ce qui constitue une entrave au bon déroulement de la communication gouvernementale. Du déjà vu à la présidence du gouvernement où le culte de soi prime souvent  sur l’activité départementale.

Une crise de leadership

A l’instar des discours et des photos publiées sur les pages officielles, le désaccord s’est étalé sur les pratiques communicationnelles des deux Chefs.

Jouant la carte populiste et faisant preuve de ses propos en tant que chef suprême de toutes les forces armées, Saied a effectué le 20 avril 2021 une visite d’inspection à la caserne de la Garde nationale à la Cité Ettadhamen où il a rompu le jeûne avec des officiers, des sous-officiers et des agents de la Garde nationale.

Dans un geste provoquant et en réponse à Saied,  Hichem Mechichi s’est rendu un jour après à la caserne de Bouchoucha où il a rompu le jeûne avec les sécuritaires.

Préservant le même plan, Mechichi a décidé d’aller plus loin et de trancher quant aux prérogatives en lien avec l’institution sécuritaire.

Alors que Saied avait annoncé être le chef suprême de toutes les forces ce qui prouve entre autres que les nominations sécuritaires lui reviennent, Mechichi a nommé Lazher Loungou en qualité de directeur général des services spéciaux au ministère de l’Intérieur.

Une telle nomination à un post de haut niveau comprend implicitement un défi lancé au Chef de l’Etat mettant l’accent sur une crise de leadership dans le pays.

En conclusion, bien qu’ils aient eu recours à des styles analogues, les deux Chefs ont essayé chacun à sa manière à gagner la guerre des prérogatives!

Au cœur de ce conflit de compétences, l’image de la Tunisie à l’étranger se détériore, la situation socio-économique s’aggrave et la querelle se poursuit!

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