Economie

Tunisie – Kairouan, la déroute…

Tunisie – Kairouan, la déroute…

Kairouan Pour les tunisiens est un gouvernorat mythique, riche de ses cultures, de sa diversité et de son potentiel socio-économique.

Vers l’an 670, le conquérant Oqba Ibn Nafii, arrête ses cavaliers dans une vallée à mi chemin entre les rivages de la côte et la chaîne montagneuse de la grande dorsale. Stratégiquement, ce choix fut judicieux. D’un simple camp de retranchement, le gouvernorat n’a cessé de se développer pour devenir le plus grand centre de rayonnement civilisationnel au Maghreb.

Toutefois et après des époques glorieuses, le gouvernorat de Kairouan tombe dans l’abîme, la négligence et le sous développement régional et social avec des tristes records de suicides des jeunes et d’interminables protestations rien que pour revendiquer des droits supposés de base tels que le droit à un hôpital régional et le droit d’adduction de vastes zones aux réseaux d’eau potable.

Lundi dernier 25 mai, à Hajeb El Ayoun, une délégation importante démographiquement, a vécu l’une des pires tragédies humaines du pays. En effet, des jeunes voulant échapper à la misère et à leur terrible quotidien ont consommé de l’eau de Cologne vendue à 2 dinars le litre.

La consommation, par une soixantaine de personnes, de cette eau de Cologne méthanolisée, hautement toxique a provoqué la mort de sept jeunes et a rendu aveugles, trois autres tout en mettant des dizaines dans des états très graves, voire critiques. Les victimes sont âgées entre 30 et 55 ans. Deux personnes, un homme et une femme, ont été arrêtés dans le cadre de cette affaire.

Mardi 26 mai, un grand nombre d’habitants de la ville ont observé un sit-in devant le siège de la délégation en signe de protestation contre des déclarations jugées irresponsables attribuées au gouverneur de la région, Mohamed Bourguiba.

Les manifestants ont appelé les autorités compétentes à procéder au limogeage du gouverneur pour avoir porté atteinte à la réputation des habitants de la ville de Hajeb Laayoun. En effet, selon les sit-ineurs, le gouverneur aurait affirmé, à l’un des médias, que les jeunes de la région sont de grands consommateurs d’alcool méthylique.

Il est à rappelé qu’au niveau de tout le gouvernorat, il n’y a pas de débits de boissons alcoolisées alors qu’il en existe des centaines à 50  km, précisément à Sousse. Des questions se posent que si c’est pour la sainteté de la ville, alors pourquoi accepter l’existence d’une très ancienne maison close à Kairouan ? On est dans l’absurdité extrême voire même dans la schizophrénie, tout court.

Aucun politicien n’a fait le déplacement à la délégation en deuil, le silence total du président du gouvernement et l’absence totale du ministre de la Santé sont intrigants.

L’explication est simple et n’a rien à voir avec l’interdiction religieuse de la consommation de l’alcool, il est certain que les politiciens évitent le déplacement à Kairouan par crainte de la réaction des citoyens quant à l’état de délabrement atteint par le gouvernorat en raison de leur échec et négligence à valoriser les ressources de la zone.

Le gouvernorat de Kairouan dispose d’importantes ressources naturelles. Il couvre une superficie de 657.700 ha. La population était d’après le dernier recensement de l’Institut national de la statistique (INS) de 570.569 habitants.

Pour évaluer le niveau de développement économique et social dans les régions, une étude du Ministère du développement régional datant de 2016 proposait un indicateur synthétique de développement régional (IDR) qui va de 0,00 – situation d’indigence totale de développement- à 1,00. Le classement de l’ensemble des délégations de la Tunisie par rang met en évidence les disparités régionales et locales. Comparé aux autres gouvernorats, Kairouan arrive au 23ème rang (l’avant dernier) avec un indicateur de développement régional de 0,25.

Cet indice est éloquent, il montre que le gouvernorat est à la traîne en termes de développement d’autant plus que la situation a empiré ces dernières années.

Pour Kairouan, à l’instar d’autres régions négligées en Tunisie, un travail de fond devrait être entrepris pour disposer de données fiables pouvant être la base d’un diagnostic objectif de la situation de la région et dresser les priorités de développement.

Pourquoi une telle situation et quelles sont les causes qui sont à l’origine de cet état ? L’identification de ces causes et la proposition de solutions appropriées pour lutter contre le fléau du sous-développement ne pourrait être que salutaire. Un travail de réflexion devrait être initié afin de s’arrêter sur les problèmes réels de la région. Sans une approche objective et multidimensionnelle, les solutions préconisées aux problèmes des régions ne viendraient jamais à bout des problèmes socio-économiques.

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