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Tunisie-La fortune douteuse de Ghannouchi : La discipline légendaire des dirigeants pour faire face à la crise

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Dans un article publié le 26 mars 2021, le quotidien Al Anwar a dévoilé des informations sur le chef du Mouvement islamiste Ennahdha et président de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) Rached Ghannouchi, notamment sur son « immense fortune douteuse ».

Selon l’article, Ghannouchi figure en haut de la liste des personnes les plus riches de Tunisie avec une fortune de près de 2700 milliards. En effet, Al Anwar a indiqué que cette fortune était le résultat d’un réseau de trafic d’armes vers la Libye, d’opérations de blanchiment d’argent, de corruption judiciaire et même d’une banque centrale parallèle qui opère dans la contrebande et l’envoi des djihadistes vers les camps d’entraînement en Turquie.

De ce fait, les causes derrière le classement de la Tunisie comme étant le premier pays exportateur de djihadistes et le vivier du terrorisme mondial, sont finalement dévoilées !

Bien qu’il ne s’agisse pas de la première information communiquée sur la fortune suspecte du chef d’Ennahdha, les révélations d’Al Anwar ont fait couler beaucoup d’encre y compris chez les supporters du parti, ses dirigeants ainsi que les politiciens de l’opposition.

Les mêmes accusations ont été adressées à Ghannouchi en mai 2020, une couverture médiatique massive a eu lieu mais aucune décision n’a été prise à son encontre. Etrange paradoxe!

Yamina Zoghlami

Intervenant au cours de la même période (mai 2020), la députée affiliée à Ennahdha, Yamina Zoghlami a soutenu le chef de son parti, annonçant que Ghannouchi était le propriétaire d’une seule maison à Ben Arous, qu’il possédait depuis les années 1970. D’après ses dires, il lui a fallu des « dizaines d’années » pour achever la construction de sa maison. Elle a ainsi précisé qu’il possédait une seule voiture acquise sous le régime FCR et qu’il a profité d’un salaire mensuel offert par le parti avant d’occuper son poste actuel en tant que président du Parlement.

La réaction du parti :

Le parti islamiste a, dans le même cadre, publié un communiqué sur sa page officielle qualifiant l’article d’Al Anwar de monsonger. Ennahdha a également dénoncé la « campagne médiatique synchronisée » qui cible le parti et son président.

Selon la même source, Ennahdha a fait rappeler les méthodes qui ont été utilisées par la dictature pour mener des campagnes de diffamation à l’encontre des militants.

Le Mouvement a souligné qu’il a intenté des procès contre certaines personnes et institutions ayant répandu des mensonges et des rumeurs sans avoir fait l’effort nécessaire de mener une enquête.

S’ajoute à cela, le communiqué du bureau d’avocat britannique « Carter-Ruck » qui rapporte la suppression de 4 contenus médiatiques en lien avec la campagne de dénigrement ayant ciblé le chef du parti. Il s’agit à ce titre de 3 articles et d’une vidéo, publiés sur « Al Arab » et « Middle East Online ».

Le parti a, à ce titre, adopté une stratégie à la fois offensive pour prévenir implicitement tous ceux qui ont l’intention de diffuser prochainement ce type de contenu, et défensive pour nier toutes les accusations qui lui ont été adressées afin d’embellir son image.

Faisant allusion à la théorie du complot qui « vise » le parti et son président, Ennahdha a essayé à travers son communiqué de susciter l’empathie des observateurs , via le procédé communicationnel de victimisation.

A l’instar de la déclaration de Yamina Zoghlami, l’article du quotidien arabophone a suscité la réaction d’autres dirigeants du Mouvement Ennahdha.

Souvent connus par leurs discipline partisane et l’orchestration de leurs propos, les députés Ennahdha qui se sont manifestés par rapport à la fortune de Ghannouchi ont adopté la même stratégie discursive employée par Zoghlami il y a un an.

Rafik Abdessalem

Défendant son beau-père, le dirigeant nahdhaoui, Rafik Abdessalem a indiqué dans un post publié sur sa page officielle que le journal en question est devenu accro à l’industrie du mensonge, profitant de la même occasion pour émettre un lien entre Al Anwar et sa bête noire, la présidente du PDL Abir Moussi. Il s’agit à ce titre de la pratique de la diabolisation de l’adversaire via l’exploitation de l’événement en question.

Selon Abdessalem, Ghannouchi mène une vie austère et ne possède qu’une maison modeste dans la zone d’Ennahli.

« Ce dernier a consacré sa vie à la politique et au savoir. L’argent et les propriétés ne signifient rien pour Ghannouchi » lit-on dans le même post.

Rafik Abdessalem a eu recours à certains éléments discursifs ayant pour but de susciter la compassion notamment via la captation par le pathos.

Mohamed Sami Triki

Dans le même ordre d’idées, le député et consultant de Rached Ghannouchi, Mohamed Sami Triki s’est inscrit dans la même veine de victimisation et d’empathie notant qu’il y avait une tentative pour faire chuter le président de l’ARP.

Abdellatif Mekki

L’ancien ministre de la Santé et dirigeant du parti Ennahdha, Abdellatif Mekki a indiqué que les révélations d’Al Anwar ne doivent pas passer inaperçues appelant le ministère public à prendre les mesures nécessaires à l’encontre du journal.

Ajmi Lourimi

Le député Ajmi Lourimi a indiqué, lors de son intervention télévisée hier, que les sympathisants du Mouvement Ennahdha sont tous au courant du mode de vie de Ghannouchi.

Lourimi a tenté de diffuser une bonne image du chef de son parti tout en mettant l’accent sur ses 20 ans d’exil au cours desquelles il a défendu les bonnes causes , pour s’inscrire dans la même stratégie discursive adoptée, basée sur la négation et la compassion.

Etant très bien conseillé en matière de gestion de crise, le Mouvement Ennahdha a pu encore une fois garder l’harmonie et l’orchestration des propos de ses dirigeants. Par sa capacité d’adaptation à la situation, le Mouvement a pu également profiter de l’événement pour embellir l’image de Rached Ghannouchi, prévenir implicitement tous ceux ayant l’intention de diffuser prochainement ce type de contenus, susciter la compassion des observateurs et de montrer, de nouveau, sa discipline partisane habituelle au grand public.

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