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Tunisie : Les instances «constitutionnelles» sont-t-elles au-dessus des normes d’audit ?

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La Constitution tunisienne de 2014 dans son Chapitre VI, a voulu consacrer les principes de transparence, de neutralité et de bonne gouvernance en instaurant des instances constitutionnelles indépendantes (ICA).

Il s’agit de l’Instance supérieure indépendante pour les élections, l’Instance de la communication audiovisuelle, l’Instance des droits de l’Homme, l’Instance du développement durable et des droits des générations futures, l’Instance de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption.

Selon plusieurs observateurs, deux problèmes majeurs sont posés par les ICA, d’une part celui du retard dans l’adoption de leurs cadres juridiques respectifs et la consolidation de certaines d’entre elles et d’autre part, les interférences politiques, voire les atteintes, qui concernent leur indépendance.

Sur le plan financier, l’autonomie des instances constitutionnelles indépendantes est limitée par des dispositions législatives qui leur permettent d’élaborer librement leurs projets de budget mais les astreignent à l’envoi dudit projet au gouvernement qui procède unilatéralement à son amendement.

D’une façon générale, l’un des problèmes qui ont remis en question l’indépendance des instances constitutionnelles indépendantes était incontestablement les dérives d’une Instance, mais qui n’est pas une constitutionnelle au sens du chapitre VI de la Constitution, il s’agit de l’instance vérité et dignité (IVD) qui a été chargée de la mise en œuvre de la justice transitionnelle.

Plusieurs facteurs ont contribué, dès le départ, aux dérives de l’IVD. Le facteur principal est, d’après plusieurs juristes, inhérent à la loi organique n°2013-53 du 24 décembre 2013, relative à l’instauration de la justice transitionnelle qui a octroyé à l’IVD des pouvoirs quasiment illimités, sans prévoir aucun type de contrôle ou presque.

Récemment, Chawki Tabib a été démis de ses fonctions en tant que président de l’Instance de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption (INLUCC). Après avoir pris connaissance de cette décision, Chawki Tabib a annoncé qu’il ne se conformerait pas à la décision de son limogeage prise au niveau de la Présidence du gouvernement et a fait savoir qu’un recours contre cette décision a été déposé auprès du Tribunal administratif malgré le fait que la nomination de Chawki Tabib a été faite par le Chef du Gouvernement en 2016.

Parallèlement, la présidence du Gouvernement a donné le feu vert à une mission d’inspection et de contrôle financier et administratif pour vérifier la gestion financière de l’INLUCC, une mission contestée par Chawki Tabib.

Par ailleurs et depuis la promulgation de la loi n°39-50 du 3 mai 1993, relative au haut comité du contrôle administratif et financier, qui stipule que celle-ci coordonne les programmes d’intervention de la cour des comptes et d’autres instances de contrôle, tous les organismes publics doivent être soumis à des audits périodiques et dans certains cas à des missions spécifiques d’audit opérationnel et financier notamment au sens de loi n° 96-112 du 30 décembre 1996, relative au système comptable tunisien.

Ainsi et indépendamment des dispositions réglementaires imposant des limites du contrôle et d’audit en l’occurrence en ce qui concerne les aspects financiers d’un organisme qui gère des fonds publics, le refus du contrôle d’une partie gouvernementale ne peut qu’entraver le principe de la transparence de toute instance constitutionnelle.

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Publié par
Mohamed Ben Abderrazek