Economie

Tunisie – Rapport : L’informel immortel, l’informel éternel (4/4)

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Le Forum Tunisien des Droits Economiques & Sociaux (FTDES) vient de publier un rapport intitulé « le secteur informel en Tunisie : autorité de l’Etat ou autorité de l’informel ? ». Nous publions aujourd’hui la dernière patrie des principaux axes de réflexion de ce travail.

L’originalité et la pertinence du rapport tient largement à sa consécration d’un volet important à des réflexions pour ou contre la négociation de l’Etat avec les barons de l’informel et ce vers une possible formalisation des riches barons informels.

Avant de donner ces éléments de réflexion, le FTDES précise qu’il il convient de classer les barons de l’informel en deux catégories : Les Bons barons de l’informel (BBI) et les mauvais barons de l’informel (MBI).

Les MBI sont ceux qui ont fait du commerce transfrontalier, mais surtout ceux qui ont eu un lien direct ou indirect avec le terrorisme (trafic d’armes, relations avec les terroristes etc…). Il est évident, qu’il est hors de question de négocier avec des éléments qui mettent en péril la sécurité du pays et du territoire national ; leur sort devra être traité par le tribunal militaire et il n’y a aucun argument pour justifier une quelconque négociation avec ceux qui mettent en péril la sécurité du pays.

En revanche, les BBI sont ceux qui ont fait du pur commerce illégal de frontière, qui se sont enrichis au détriment de la douane et du fisc. Rien que pour la fraude fiscale, le qualificatif « Bon » n’est certainement pas approprié, il les distingue tout juste des premiers qui mettent en danger la sécurité de l’Etat et des citoyens. La classification a tout simplement un aspect analytique.

Sous cet angle, on rappelle que depuis l’indépendance et sur une période de plus de 60 ans, l’Etat a été laxiste, à l’égard du commerce frontalier dans des régions (gouvernorats) oubliées par les politiques de développement nationales. L’Etat avait laissé faire ce commerce avec la Lybie et l’Algérie. Les Tunisiens du sud tiraient avantage des transactions avec la Lybie et une majorité de la population de ces régions trouvaient une source de revenus non négligeable.

De ce fait et sur plus de six décennies, et surtout depuis la révolution de 2011, une nouvelle classe de très riches commerçants transfrontaliers s’est constituée ayant un grand pouvoir financier qui échappe au système bancaire conventionnel (manipulation du cash en dinars et en devises).

Aujourd’hui en Tunisie, ces contrebandiers, sont riches, bien connectés entre eux, pyramidalement et informellement structurés, représentent une sorte d’un Etat financier dans un Etat de droit trébuchant qui cherche à se construire, à mettre une nouvelle réglementation….

Ainsi, on note que pour les décideurs de la politique économique du pays, toute la réflexion doit porter sur la recherche d’une stratégie de nature à intégrer ces BBI dans un développement économique régional générateur d’emplois et de dynamique économique. Une stratégie qui permettra aux BBI, tout en sortant de la clandestinité, d’intégrer le secteur structuré par la grande porte de la légalité comme ils l’ont souhaité et affirmé aux enquêteurs de différents ONG telles que « Crisis Group ».

Une telle stratégie viserait deux objectifs : le premier est d’éviter la fuite des capitaux –surtout des devises- vers l’étranger, le deuxième est une légalisation des BBI qui élargirait l’assiette fiscale de l’Etat et donc augmenterait ses recettes.

Le rapport souligne que l’erreur à ne pas commettre est de continuer « la chasse aux sorcières » des BBI, bien au contraire il faut les amadouer, les inviter à la table de négociation. L’épreuve de force entrainerait à coup sûr la fuite des capitaux et surtout des devises dont le pays en a un grand besoin.

Parmi ces éléments et sans aucune intention d’être exhaustif, on peut citer :

  • L’Etat, par sa reconnaissance légale, leur délivrera une carte de commerçants ou d’entrepreneurs avec la possibilité de créer des sociétés d’import-export.
  • L’Etat devra les convaincre pour récupérer ses dus, au moins partiellement, sur les droits de douane prouvés, établis et restés impayés par les BBI.
  • L’Etat pourrait trouver chez les BBI, une source d’emprunt et de crédit (en dinars et en devises) à faible taux d’intérêt et ce pour pallier au manque de capitaux dans les finances publiques ; c’est plus rationnel que de s’endetter sur le marché international à des conditions draconiennes.
  • L’Etat peut et doit proposer aux BBI le financement des projets d’investissements pour le développement des régions défavorisées (au Sud : Ben Guerdane, Tatouine… au Nord-Ouest : Kef, Kasserine, Siliana…).
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Publié par
Mohamed Ben Abderrazek