Janvier pointe son nez. Le premier mois de la nouvelle année est historiquement chaud. Pas au niveau du mercure. Mais, surtout au niveau du climat social. Il faut dire que l’actuel Gouvernement ne semble pas avoir retenu les leçons du passé et les expériences de ses prédécesseurs. En tous les cas, la centrale syndicale connaît aussi bien le terrain que les codes ou la musique. Elle vient de lancer ses premières missives. En guise d’alerte ! Précisions.
En conclave, ce 12 décembre 2022, dans le cadre de la réunion de son bureau exécutif, l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) a publié son habituel communiqué de circonstance. Mais, dès le premier point des 06 que renferme ce communiqué, le clash avec le Gouvernement est perceptible.
En effet, l’UGTT a exprimé son « indignation » tout en dénonçant l’ampleur des « contre-vérités » colportés par le Gouverneur de la Banque Centrale et des membres du Gouvernement, notamment les ministres des Finances et de l’Economie et du Plan. L’objet de la discorde est la supposée participation de l’UGTT ou de ses experts dans l’élaboration du programme des réformes présenté par le Gouvernement au Fonds monétaire international (FMI). Ce programme, relève l’UGTT, « est d’origine inconnue ». Elle réitère à l’occasion sa demande de le rendre public. Chose que le Gouvernement a toujours botté en touche. Mieux, le représentant du FMI a lancé la patate chaude à la Kasbah en déclarant à Sousse qu’il revient au Gouvernement de publier le Programme et qu’il reste disposé à intervenir pour éclaircir les points relatifs au FMI. Le Gouverneur prend gros car il a été la tête d’affiche des responsables présents à Sousse pour les Journées de l’Entreprise. En l’absence de la Cheffe du Gouvernement, des ministres des Finances ou du Commerce et du Développement des Exportations et avec le discours ultra technique de celui des Technologies de la communication, sinon l’intervention-bateau du ministre de l’Économie et de la Planification – grâce à laquelle il a tiré son épingle du jeu – il ne restait pas grande chose à se mettre sous la dent. Et pourtant ! Pour El Abassi, le programme présenté par le Gouvernement Bouden a été élaboré par des experts et des compétences tunisiens, dont des économistes de l’UGTT. Le tout en insistant sur l’étroitesse de la marge de manœuvre pour mettre en œuvre des réformes en dehors du cadre élaboré avec le FMI. Il fallait s’attendre que cette position ne plairait pas à l’UGTT. D’ailleurs, séance tenante, Abderrahman Lahga a répliqué, aimablement !
Revenons au communiqué de ce 12 décembre : Pour l’UGTT, il importe que le peuple, les organisations nationales et les partis politiques soient informés du contenu des conventions financières passées en catimini entre le Gouvernement tunisien et les instances internationales. Il n’est pas étrange de voir gicler cette réaction maintenant : au-moins, deux accords financiers ont été découverts par le hasard de leur publication dans le Journal Officiel de la République Tunisienne (JORT). Plus agaçant encore, le contenu de la publication ne renferme pas ou peu de détails. Certes, ce n’est pas la première fois que ça se passe ainsi. Depuis 2011, les couacs de communication gouvernementale se sont multipliés. Mais, qu’elles se succèdent, elles donnent l’impression qu’elles sont orchestrées. Mal d’ailleurs.
De ce fait, l’UGTT appuie où ça fait mal : à 7 jours de la date fatidique de la réunion du Conseil d’Administration du FMI (si elle aurait lieu), la Centrale syndicale rappelle qu’elle n’est point tenue d’appliquer des accords auxquels elle n’a pas participé, ni de près ni de loin, outre le fait que ces accords sont de nature à accroître la souffrance des Tunisiens et de nuire aux intérêts du pays.
Les griefs de l’UGTT ont, tour à tour, trait à la levée de la compensation, la privatisation des entreprises publiques, la diminution de la masse salariale et l’augmentation des impositions sur les salaires.
L’UGTT s’est dite attachée à la mise en place d’une approche participative des réformes. Elle se basera sur la préservation des acquis sociaux et du pouvoir d’achat des ménages tout en travaillant à la pérennisation de ces entreprises. Et d’avertir quant à toutes « mesures unilatérales » de nature à attiser la colère populaire et engendrer les protestations sociales.
Par ailleurs, l’UGTT estime que face à la situation actuelle, le Gouvernement emprunte une politique « d’improvisation ». En point de mire, le projet de la Loi des finances 2023. Pour l’UGTT, la justice fiscale est le moyen d’atténuer l’injustice sociale et le passage obligé pour réformer un système qui a consacré l’évasion fiscale et la fraude tout en engendrant la perte de pouvoir d‘achat. Elle demande, ainsi à Carthage et à la Kasbah d’agir avant qu’il ne soit trop tard et ce, en évitant la promulgation d’un « budget de contraintes ».
Face au manque de marge de manœuvre du Gouvernement, l’UGTT présente des alternatives tout à fait plausibles et crédibles. Elle a su choisir son Momentum. Ce communiqué le reflète bien. Respectivement Carthage, la Kasbah et Washington sont avertis. A quelques heures de la réunion du Board du FMI.
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