On utilise souvent l’expression “tournant” dans la guerre que la Russie a imposée à l’Ukraine (il faut toujours rappeler que c’est Vladimir Poutine qui s’est invité chez son voisin), mais cette fois il s’agit bien d’un basculement, majeur. Depuis plus de 2 ans le principal soutien de Kiev, les USA, lui interdit formellement d’utiliser ses armes pour frapper le territoire russe ; il était astreint à la défense, juste pour repousser les troupes russes qui campent dans les régions ukrainiennes annexées. C’est la raison pour laquelle Washington se gardait de livrer les armes à longue portée que réclame à cor et à cri le président Volodymyr Zelensky. Le verrou a sauté, le parrain américain, Joe Biden, a levé son veto. La France et l’Allemagne ont suivi ce vendredi 31 mai.
Poutine vient d’enterrer le pacifisme allemand
Berlin l’a annoncé peu avant l’ouverture de la réunion de l’OTAN à Prague (République tchèque). Désormais l’armée ukrainienne aura toute latitude pour utiliser les armes allemandes afin de neutraliser les bases arrière russes d’où partent les attaques contre Kiev. Jusqu’ici l’Allemagne s’y refusait catégoriquement, corsetée par des décennies de pacifisme après les horreurs du régime d’Adolf Hitler. Berlin s’affranchit du poids de l’histoire et fait mouvement. Avant lui Paris avait formellement donné son accord, ce qui n’est pas une surprise vu les dernières prises de position, très fortes, du président Emmanuel Macron.
Un communiqué du gouvernement allemand a indiqué que durant les dernières semaines la Russie a mis au point des assauts contre la région de Kharkiv, au nord-est de l’Ukraine, la deuxième ville du pays. “Ensemble, nous sommes convaincus que l’Ukraine a le droit, en vertu du droit international, de se défendre contre ces attaques“, dit le communiqué. “Pour cela, il peut également utiliser les armes livrées à cet effet conformément à ses engagements juridiques internationaux, y compris celles livrées par nous“, ajoute le texte…
On n’a pas d’indication sur ce que cette annonce signifie concrètement, notamment les nouvelles armes à longue portée pour aider l’Ukraine à renverser la vapeur après les avancées russes, mais Washington avait annoncé dernièrement qu’il adaptera son appui à Kiev pour faire en sorte qu’il gagne la guerre. Donc on peut s’attendre à du très lourd de la part des alliés de l’Ukraine, beaucoup plus que ce qui est fait jusqu’ici, surtout après la validation de l’aide américaine de 61 milliards de dollars, en attendant les 50 milliards d’euros promis par l’Union européenne.
Kharkiv est le crime de trop pour Moscou
C’est Kharkiv qui a changé toute la donne, le maître du Kremlin a tombé le masque. Poutine ne cessait de dire qu’il est intervenu en Ukraine pour “dénazifier” le régime et protéger les minorités russes menacées de pogroms et même de génocide. Si c’était réellement ça son intention il se serait limité aux quatre régions qu’il a arrachées, son incursion dans la deuxième ville du pays prouve que c’est tout le morceau qu’il veut dévorer. Et après ça les autres “petites” République européennes qu’il a formellement menacées.
Moscou vient de démontrer tout le mal que Biden pense de lui : il ne s’arrêtera pas à l’Ukraine, dans son élan funeste de domination pour ressusciter la Grande Russie, celle de Pierre le Grand. L’Allemagne vient de prendre conscience de l’urgence de changer de braquet avant l’irréparable. La dynamique occidentale ne s’arrêtera pas avant de s’assurer que Moscou ne pourra pas refaire ce qu’il a fait à l’Ukraine. Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a balayé d’un revers de la main ce vendredi à Prague les menaces russes d’escalade après l’annonce de Berlin…
Les mêmes menaces que Poutine a brandies en mars dernier. Des airs de vieux disque rayé quoi. “Il n’y a rien de nouveau. Cela fait partie des efforts du président Poutine pour empêcher les alliés de l’OTAN de soutenir l’Ukraine“, a ajouté Stoltenberg. “Il s’agit de respecter le droit international, le droit de l’Ukraine à l’autodéfense (…). La Russie a attaqué l’Ukraine (qui) a le droit de se défendre. Et cela inclut également l’attaque de cibles militaires légitimes en Russie“, a martelé le patron de l’OTAN.
Macron l’a promis, “la promesse est une dette”…
Une pléthore de ministres, notamment ceux des Pays-Bas, de Finlande et de Pologne, ont officialisé leur soutien à la décision des USA de monter en puissance en Ukraine, pour contraindre la Russie à cesser de martyriser les civils. Ce front inédit ne signifie pas que les Occidentaux n’ont plus peur de Poutine, cela signifie simplement que cette terreur ne doit pas confiner à la paralysie, à l’inaction jusqu’à ce que Moscou vienne les débusquer. Cette peur l’Occident a décidé de la dominer pour faire la seule chose dictée par la raison : Donner à l’Ukraine les moyens, les vrais, pour en finir avec la Russie.
Le président français a dit et redit qu’il faudra accepter l’idée d’en découdre avec Poutine, avec toutes les conséquences que cela entraîne. Les Européens savent que leurs annonces en cascade pourraient provoquer des réactions apocalyptiques en face, mais l’Occident sait aussi que la Russie a autant à perdre que lui, voire plus, que la Justice et le Droit international ont les moyens de l’emporter sur le terrain militaire, que Poutine a autant peur de la mort que les Occidentaux et que toutes les horreurs – nucléaires – que Moscou pourrait balancer lui seraient renvoyées, en double ou en triple. C’est le principe de la dissuasion nucléaire…
Donc en définitive il ne restait que la peur irrationnelle des Occidentaux, elle commence à s’estomper.
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