Il ne sont pas nombreux à rencontrer en ce moment le président russe, Vladimir Poutine, le chef de l’Etat sénégalais et président de l’Union africaine (UE), Macky Sall, l’a fait ce vendredi 3 juin dans le décor paradisiaque du chalet de Sotchi, au sud de la Russie. Un lieu cossu qui tranche avec le fracas des bombes pas loin de là, en Ukraine. Macky Sall, au nom de toute l’Afrique, a demandé à Poutine de “prendre conscience” que les Africains sont “des victimes” du conflit en Ukraine…
Ce que cherche à obtenir le président sénégalais c’est que le maître du Kremlin lâche du lest pour éviter au continent “un ouragan de famines“, comme le redoute l’ONU. “Je suis venu vous voir pour vous demander de prendre conscience que nos pays (…) sont des victimes de cette crise au plan économique“, a déclaré d’emblée Macky Sall, rapporte France 24.
Pour l’Afrique il y a urgence vu qu’elle dépend fortement du blé ukrainien et russe – plus de 50% des importations – et il n’y a pas d’alternative dans un marché mondial qui se tend. Macky Sall a souligné le fait que les pays africains sont frappés de plein fouet par les contrecoups de l’incursion russe en Ukraine alors que “la majorité des pays africains a évité de condamner la Russie” à deux reprises à l’ONU, et qu’avec “l’Asie, le Moyen-Orient ainsi que l’Amérique latine, une bonne partie de l’humanité” a choisi de ne pas prendre partie dans ce conflit.
Et pour amener encore plus Poutine à de meilleurs sentiments, le président sénégalais, en diplomate chevronné, a précisé que si le péril alimentaire a atteint ce niveau c’est aussi parce que les sanctions occidentales ont paralysé une bonne partie de l’architecture logistique, commerciale et financière de la Russie. Sall a par conséquent ajouté que la chaine alimentaire doit être écartée de la batterie de sanctions qui frappent Moscou…
“Les sanctions contre la Russie ont entraîné plus de gravité, nous n’avons plus accès aux céréales venant de Russie, mais surtout aux engrais (…). Cela crée vraiment de sérieuses menaces sur la sécurité alimentaire du continent” a indiqué le président sénégalais…
Dans la partie de l’entretien qui a été rendu publique Poutine a évité de commenter les demandes du président de l’UA, mais nul doute qu’il a bien apprécié que l’Afrique coupe la poire en deux et que tous les torts dans cette affaire ne soient pas du côté russe. Reste à savoir s’il fera un geste pour soulager les Africains…
Ce qui est certain c’est que la partie qui se joue dépasse largement le cadre de l’Afrique, le président russe se sert de cette visite qui compte beaucoup pour parler à l’Occident, pour parler au monde. Poutine a d’abord rappelé le “soutien” de l’Union soviétique aux nations africaines “dans la lutte contre la colonisation” et la bonne santé des rapports russo-africains…
Mais ce que voulait surtout le maître du Kremlin c’est mettre à profit la venue du président sénégalais pour “donner une explication complète de sa vision de la situation concernant les céréales ukrainiennes“. Il ne faut jamais perdre de vue le fait que si Poutine a pris en orage les céréales ukrainiennes c’est surtout pour s’en servir comme monnaie d’échange pour obtenir de l’Occident qu’il desserre l’étau des sanctions. Et c’est ce que Macky Sall a plaidé, à demi-mots…
On sait qu’avant de se rendre à Sotchi le président de l’UA a consulté ses partenaires européens, qui ont donné leur bénédiction. Donc ils sont tous d’accord sur ce qui s’est dit en Russie et ils savent ce que Poutine veut. Jusqu’au bout Moscou se servira de la crise alimentaire dans ses “négociations” avec les Occidentaux. Et on est à peu certain qu’il ne lâchera rien avant d’avoir obtenu quelque chose…
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