A quelques jours du premier anniversaire de l’incursion russe en Ukraine – le 24 février – les choses sont limpides : la Russie n’a pas réussi à terrasser et avaler sa voisine. Et plus le temps passe plus la fenêtre des exploits militaires russes se ferme, pour la simple et bonne raison que les forces de Vladimir Poutine décroissent alors que celles de Volodymyr Zelensky montent en puissance…
Très mauvais pour les affaires de Moscou
L’intense campagne militaire et dans la durée – beaucoup plus que ce que Poutine imaginait – a coûté très cher à la Russie. Il est très probable que le niveau des pertes matérielles et humaines ne permet plus à Moscou d’envisager une offensive de grande ampleur dans l’est de l’Ukraine, en dépit des bruits pour terroriser l’adversaire. Le secrétaire britannique à la Défense, Ben Wallace, a dit sur la BBC que le Royaume-Uni n’avait pas vu les Russes “se rassembler d’une seule force pour percer dans une grande offensive“.
Il a ajouté que les Russes tentent de se rabattre sur le Donbass pour y grignoter le maximum de terrain (histoire peut-être d’avoir quelque chose à brandir pour célébrer le premier anniversaire du conflit). Mais ce choix dicté par l’impossibilité de percer ailleurs à un “coût énorme“, rapporte Institute for the study of the war (ISW). Wallace est même d’avis que la Russie aurait déployé jusqu’à 97% de ses troupes dans sa guerre en Ukraine et que ses prouesses sur le terrain ont chuté de 40% du fait d’un “niveau d’attrition presque de la Première Guerre mondiale“.
Bon, ISW n’est pas en mesure de s’assurer en toute indépendance des évaluations du secrétaire britannique à la Défense, mais en tenant compte des précédentes études factuelles l’armée russe n’a plus suffisamment de véhicules – les chars surtout – pour se mouvoir efficacement sur le terrain. D’après le Pentagone la défense ukrainienne aurait pulvérisé près de la moitié des chars d’assaut de Poutine, ce qui barre la route à toute percée majeure en Ukraine.
De toute évidence Moscou a besoin de temps pour réorganiser son armée et retrouver sa capacité à lancer une grande opération, mais les alliés de l’Ukraine ne le laisseront pas faire, au contraire ils profiteront de la baisse de régime pour aider Kiev à frapper. D’ailleurs le secrétaire américain à la Défense a prédit une grande offensive ukrainienne ce printemps. D’ici là les centaines de chars promis par les Occidentaux seront sur place et les militaires formés à cet effet par les Européens seront opérationnels.
Par ailleurs les alliés se sont accordés autour de mécanismes pour accélérer la livraison de munitions à l’Ukraine, ce qui accélérera aussi l’équilibre des forces dans la perspective des prochaines contre-attaques de Kiev. Et puisque d’après Wallace, corroboré par l’ISW, la Russie n’a plus d’unités de réserves aptes à conduire une offensive à grande échelle Moscou doit s’attendre à des revers en cascade dans les mois à venir.
Il y a le feu dans la maison Poutine
Plus inquiétants encore, les remous dans les rangs de Poutine : le bras de fer entre le groupe paramilitaire russe Wagner et l’armée régulière. Cette dernière vit de plus en plus mal le vedettariat des unités d’Evguéni Prigojine, notamment à Bakhmout, ville emblématique où les combats font rage. Pour le Kremlin il n’est pas question d’encaisser une autre déroute, après la débâcle de Kherson. Et qui est au front ? Prigojine et ses mercenaires, des sanguinaires…
Mais le problème c’est que cette affaire n’avance pas et la prise de la ville est sans cesse repoussée. “Je pense que c’est mars ou avril. Pour prendre Bakhmout, il faut couper toutes les routes d’approvisionnement“, a indiqué le patron de Wagner dans une vidéo mise en ligne sur la chaîne Telegram WarGonzo.
L’ancien cuisinier de Poutine ne s’est pas arrêté là, il a ajouté ceci dans une autre vidéo : “Je pense qu’on aurait pris Bakhmout s’il n’y avait pas cette monstrueuse bureaucratie militaire, et si on ne nous mettait pas des bâtons dans les roues tous les jours“. Il s’est plaint du fait que Wagner ne puisse plus piocher dans les rangs des prisonniers pour les mobiliser dans les combats. “A un moment donné, le nombre des unités va baisser et en conséquence le volume des tâches qu’on veut exécuter” également, a-t-il averti.
La France et la Chine en ont marre, le monde en a marre
Que ce soit à Bakhmout ou ailleurs, ça sent le roussi pour Moscou. A moins que toutes ces effusions de sang ne soient abrégées par les négociations auxquelles la France, semble-t-il, n’a jamais renoncé. Le président français, Emmanuel Macron, l’a d’ailleurs réaffirmé hier mercredi 15 février face au chef de la diplomatie chinois, Wang Yi, en visite à Paris…
La France et la Chine «ont exprimé le même objectif de contribuer à la paix dans le respect du droit international», mais elles ont surtout “rappelé” leur “attachement (…), en tant que membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations unies, à l’intégrité territoriale et à la souveraineté de l’Ukraine», dit le communiqué du palais de l’Elysée.
Pour Pékin, qui n’a jamais condamné formellement l’invasion de l’Ukraine et qui a dernièrement demandé aux USA de cesser d’armer Kiev, c’est un changement de ton notable. Pour Paris également qui se bornait jusqu’ici à avancer la nécessité absolue de finir ce conflit sur la table des négociations. Le fait que la France dise entre les lignes qu’avant toute négociation de paix Poutine devra rendre toutes les terres qu’il a arrachées est une inflexion majeure.
Par ce positionnement Paris et Pékin, des “amis” de Poutine, lui signifient que cette guerre provoquée par son ego surdimensionné n’a que trop duré et le monde entier en a suffisamment payé le prix. Il est temps d’arrêter les dégâts pour s’occuper d’autres sujets (le réchauffement climatique, etc). Le Kremlin l’entendra-t-il ? S’il ne veut pas écouter ce son de cloche ce sont les armes occidentales qui le lui imposeront…
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