Le premier coup porté au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) par le chef de l’Etat est-il le dernier ou le premier avant d’achever cet organisme qui irrite au plus haut point Kais Saied ? Sghaier Zakraoui, professeur et chef du département de droit public à la Faculté de Droit et des Sciences politiques de Tunis, est d’avis que le président de la République finira par dissoudre le CSM…
Selon Zakraoui, Kais Saied a tout à fait le droit, en vertu de l’état d’exception, d’endosser le costume du législateur et donc de procéder par décrets. Il a «donc le droit de geler les primes et privilèges octroyés aux membres du Conseil supérieur de la magistrature. Je crois qu’il se prépare à le dissoudre», a confié le spécialiste en droit public à une radio privée ce 21 janvier…
D’après lui le CSM a lamentablement échoué dans son projet de réforme de la justice. “La justice a été noyautée et utilisée par les différentes alliances qui ont piloté le pays. Le mot pouvoir est exagéré. Même Montesquieu n’avait pas érigé la justice en pouvoir. Il faut dissocier pouvoir et autorité. Kais Saied a le droit de mettre un coup d’arrêt à l’ordre institutionnel en place. Nous ne devons pas nous borner à une discussion purement juridique“, a déclaré le professeur de droit. C’est le deuxième soutien de poids de la décision présidentielle, après celui du bâtonnier des avocats…
“La singularité de la Tunisie c’est l’absence de contre-pouvoirs. Ceux qui dénonçaient le coup d’Etat sont responsables de cette situation“, a affirmé Sghaier Zakraoui
Par ailleurs il a dit qu’il ne pouvait pas avaliser la totalité des mesures prises par la présidence de la République. Il a ajouté que de toute façon il s’opposera à tous les types de régime, même si c’est le meilleur. Il a démenti les bruits selon lesquels il a été approché par le chef de l’Etat ou par les professeurs de droit que Kais Saied consulte régulièrement. Sghaier Zakraoui a indiqué qu’il est favorable aux annonces faites suite au 25 juillet 2021, mais qu’il n’agrée pas les méthodes du président de la République et sa démarche unilatérale…
Il a déclaré que la justice n’a pas joué son rôle dans la neutralisation des corrompus et criminels. Cet échec est imputable au CSM. «De nombreux juges s’expriment sur le Conseil supérieur des juges. L’échec est dû au corporatisme du CSM. Le procureur de la République a caché de nombreux dossiers dont certains qui touchent la sécurité nationale. Le CSM a opté pour l’inaction. Hélas cela a abouti à la diabolisation de la magistrature. Le président doit liquider le conseil et régler le problème. Nous devons lancer une consultation nationale autour de la justice», a déclaré le spécialiste en droit.
Au sujet du dialogue national, Sghaier Zakraoui a dit ceci : «Je pense que le chef de l’Etat en est conscient. C’est pour cette raison qu’il avait rencontré le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail, Noureddine Tabboubi. L’état d’exception doit se limiter à ses objectifs de départ. Est-ce qu’un autre modèle sociétal est possible ? C’est la seule question. Personnellement je m’oppose à la gouvernance par les bases. Le président doit prendre en compte ces sujets…».
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