Economie

USA – Afrique Du Sud : Le bras de fer entre Trump et Ramaphosa autour du nouveau code foncier

USA – Afrique Du Sud : Le bras de fer entre Trump et Ramaphosa autour du nouveau code foncier

La rencontre de mercredi entre le président sud-africain Cyril Ramaphosa et l’ancien président américain Donald Trump à la Maison Blanche s’est tenue dans un climat de tension diplomatique, sur fond de désaccord profond autour de la loi sud-africaine sur l’expropriation foncière, adoptée en janvier dernier.

Le sujet cristallise une fracture politique, idéologique et symbolique entre deux visions opposées des réparations historiques et des droits de propriété.

Une loi pour rééquilibrer les injustices de l’apartheid

Le nouveau texte législatif sud-africain, promulgué en janvier 2025, permet à l’État de saisir des terres privées pour des projets d’intérêt général – infrastructures, logements, développement agricole – avec, dans certains cas exceptionnels, la possibilité de procéder sans compensation financière. Il remplace une loi de 1975 datant de l’ère de l’apartheid, jugée inadaptée et floue sur la question des compensations.

Le président Ramaphosa défend cette réforme comme un mécanisme constitutionnel de justice sociale, visant à corriger les inégalités raciales héritées du passé. Aujourd’hui encore, environ 70 % des terres agricoles appartiennent à la minorité blanche, qui représente moins de 7 % de la population.

Les craintes de la minorité blanche et la réaction de Washington

Pour de nombreux Afrikaners, descendants de colons européens, cette loi constitue une menace directe sur leurs biens, ravivant un sentiment d’insécurité juridique et identitaire. Ces inquiétudes sont soutenues politiquement par l’Alliance démocratique, principal parti d’opposition à l’ANC, favorable à la protection des droits fonciers individuels.

Aux États-Unis, Donald Trump a dénoncé ce qu’il appelle un « apartheid inversé », qualifiant la réforme d’« oppression » à l’encontre de la minorité blanche. En février, il a ordonné la suspension des aides américaines à Pretoria, notamment celles allouées à la lutte contre le VIH/Sida, historiquement importantes dans la coopération bilatérale.

Trump a également soutenu un programme de réinstallation de familles blanches sud-africaines aux États-Unis, alimentant les critiques d’une politisation du débat racial à des fins électoralistes.

Ramaphosa dément toute « épuration »

Face aux accusations de « génocide blanc » relayées par certains cercles conservateurs américains et figures médiatiques, la présidence sud-africaine a nié toute velléité discriminatoire. Dans un communiqué publié en février, le gouvernement précise que « la loi vise à garantir un accès équitable à la terre, sans cibler aucun groupe ethnique ».

Il rappelle que aucune expropriation sans compensation n’a encore eu lieu à ce jour, et que la mesure reste encadrée par des critères stricts.

L’ombre d’Elon Musk et des intérêts économiques

Originaire d’Afrique du Sud, Elon Musk a lui aussi pris position dans ce débat, accusant le gouvernement Ramaphosa de « lois foncières racistes » qui nuiraient à l’économie et à l’investissement.

Il cite notamment les contraintes réglementaires sur les partenariats locaux comme un frein à l’implantation de son projet Starlink dans le pays.

Des tensions amplifiées par le dossier Gaza

La plaintes déposée par Pretoria contre Israël à la Cour internationale de justice en décembre 2023, accusant l’État hébreu de génocide à Gaza, n’a fait qu’envenimer les relations entre les deux pays. Washington, allié stratégique d’Israël, voit cette démarche comme une provocation politique, tandis que Ramaphosa l’inscrit dans une tradition d’engagement pour les droits humains.

Ainsi, la réforme foncière sud-africaine, pensée comme une réponse à des décennies d’injustice, s’est transformée en enjeu géopolitique majeur, mettant à nu les fractures idéologiques entre Washington et Pretoria.

Entre accusations d’oppression, impératifs de justice sociale et stratégies d’influence, le dossier foncier devient le théâtre d’un affrontement bien plus large sur la mémoire, la souveraineté et les priorités du XXIe siècle.

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