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BCT : remboursement des dettes extérieures par les crédits intérieurs, bonne ou mauvaise décision ?

BCT : remboursement des dettes extérieures par les crédits intérieurs, bonne ou mauvaise décision ?

Récemment, la Tunisie a remboursé deux tranches d’un crédit extérieur contracté il y a quelques années sur le marché monétaire international avec caution américaine pour 1 milliard de dollars et un taux de 2,45% d’intérêt. Le pays a pu honorer son engagement à échéance, en monnaie étrangère suite à la mobilisation auprès des banques locales de l’équivalent de chaque tranche en contre-valeur dinars (2809,8 millions de dinars).

La mobilisation de ce montant a été réalisée dans le cadre de l’émission des bons d’Etat par le Trésor public souscrits par des banques locales pour un taux d’intérêt moyen de l’ordre de 7% soit l’équivalent du triple du taux d’intérêt extérieur initial…

Ainsi, les banques ont présenté, selon le schéma classique de l’endettement intérieur, les bons d’Etat à la Banque Centrale de Tunisie qui a assuré leur refinancement dans le cadre des opérations sur marché monétaire ouvert (Open Market). La BCT a financé donc et in fini l’Etat via le secteur bancaire avec tout de même un arbitrage sur les taux ce qui garantit au passage au secteur une marge d’intérêt conséquente pratiquement sans risque.

Toute la manœuvre comme plusieurs autres précédentes devenues courantes depuis 2016 avec la promulgation de la loi d’indépendance de la BCT n’est qu’un simple jeu d’écritures comptables. Cette manière de faire qui n’a aucune contrepartie de valeur ajoutée économique a été critiquée au niveau du dernier rapport de l’agence de notation internationale Fitch Rating qui a dégradé le 8 juillet dernier la note souveraine de la Tunisie à “B-“.

Au fait, l’agence a émis des réserves sur l’approche des autorités en ce qui concerne le remboursement de la dette extérieure avec une dette intérieure plus chère en intérêts, sous prétexte de refus de financement du déficit budgétaire.

Certains experts en particulier considèrent que le recours à telles pratiques minimise le risque de défaut de paiement et n’a aucune incidence sur l’inflation qui est selon eux strictement d’origine monétaire.

Ces experts qui adoptent parfaitement à la vision de la BCT évoquent rarement la question de la soutenabilité effective de la dette extérieure au futur, estimée à 40 milliards de dollars dont 17 milliards de dollars de dettes souveraines et qui ne peut jamais être gérée indéfiniment en s’endettant auprès des banques dont les assises en fonds propres sont largement limitées pour supporter un tel fardeau.

Pour mémoire, le FMI a évalué, en février dernier, la dette publique tunisienne comme une dette susceptible de devenir insoutenable à moins qu’un programme de réformes structurelles ne soit pas mis en œuvre. L’agence Fitch, a à son tour mis en garde contre l’impossibilité de trouver un accord avec le FMI pour assurer un accès aux marchés financiers internationaux, ce qui engendrerait une dépendance de plus en plus accrue au financement local, qui est une source de pression sur la capacité du pays en matière de  remboursement de la dette extérieure qui représente, d’après Fitch 4% du PIB par an en moyenne sur la période 2021-2023.

Dans tous les cas de figure, l’État ne peut pas payer d’une manière indéfinie la dette extérieure en monnaies étrangères via des crédits en dinars sauf s’il a la possibilité d’accroitre sensiblement le niveau de ses avoirs en devises, ce qui est peu probable du moins dans l’état actuel des choses voire même à court et à moyen terme.

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