Les agriculteurs tunisiens seront probablement les premiers à être perdants ou à être affectés négativement par les politiques de libéralisation du commerce alimentaire.
Dans une étude sur les enjeux de la production et de l’exportation de l’huile olive tunisien, intitulé « Olive Oil and Water : Moving towards sustainable agricultural trade between the EU and Tunisia », le Transnational Institute (TNI), un institut de recherche spécialisé dans les questions de la mondialisation, indique que les agriculteurs sont confrontés à une flambée des prix des intrants qui sont pour la plupart importés par certaines entreprises détenant le monopole de l’approvisionnement et de la distribution.
À cela s’ajoute l’impact de la dévaluation continue du dinar, qui est désormais utilisé comme mécanisme pour encourager les exportations. En 2018, en raison des coûts de production élevés, plus de 12 000 agriculteurs tunisiens ont abandonné l’agriculture, d’après le TNI.
Augmentation du coût local de l’huile d’olive
L’étude précise également qu’aux termes de l’accord d’association avec l’UE, l’huile d’olive tunisienne est exportée majoritairement sous forme brute (90%) et à faible coût (2,845 $ le litre en 2019) principalement vers l’Italie et l’Espagne, où elle est conditionnée et vendus à des prix plus élevés. Cela constitue une perte de revenus pour la Tunisie, alors que les négociants italiens et espagnols captent l’essentiel de la valeur ajoutée avec un approvisionnement stable et à un coût relativement faible.
De plus, la production tournée vers l’exportation a entraîné une augmentation du coût local de l’huile d’olive, devenue inabordable pour les Tunisiens, d’autant plus que leur pouvoir d’achat se dégrade. Le pays importe des huiles végétales pour répondre à la demande intérieure et augmenter l’excédent de l’huile d’olive exportable. Ainsi, une part importante des recettes de l’exportation de l’huile d’olive sert à financer les importations d’huiles végétales.
D’après le TNI, cela signifie que, bien que la Tunisie soit l’un des plus grands producteurs d’huile d’olive au monde, la consommation moyenne d’huile d’olive par personne et par an est passée de 8,2 kg en 2000 à 6,7 kg en 2010 et 3,7 kg en 2020 ce qui correspond aux niveaux les plus bas dans la région méditerranéenne (3,7 kg/personne contre 9,2 en Italie, 10,4 en Espagne et 16,3 en Grèce).
Ceci a contribué à la détérioration des conditions de santé de la population tunisienne et à la propagation de maladies liées à une alimentation déséquilibrée, martèle l’étude.
L’examen de la nature de la politique commerciale agroalimentaire de la Tunisie nous permet de tirer certaines conclusions sur ceux qui en bénéficient, assure l’étude qui souligne que la première à en bénéficier est l’Union européenne, qui contrôle d’importants excédents de produits alimentaires de base (céréales, huiles végétales, produits d’origine animale).
Chiffres clés de la chaîne de valeur
Les Accords de partenariat négociés par l’Union européenne et les pays du sud de la Méditerranée (dont la Tunisie) leur permettent de protéger leurs producteurs contre la concurrence étrangère tout en ouvrant les marchés des pays du sud de la Méditerranée aux excédents de l’UE.
Les deuxièmes bénéficiaires ont été les sociétés nationales d’importation et d’exportation de produits alimentaires. La libéralisation du commerce s’est accompagnée du retrait de l’État et de la privatisation de toutes les activités de collecte, de distribution, d’exportation et d’approvisionnement alimentaires. Ces mesures ont permis à quelques acteurs d’accumuler d’énormes profits aux dépens des agriculteurs et des consommateurs.
Les chiffres clés de la chaîne de valeur de l’huile d’olive ont été présenté par le TNI comme suit :
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