La chose est assez rare pour être soulignée, dans un continent où les chefs d’Etat, qui sont Chefs de tout, enchaînent les records de longévité sans que cela apporte le développement et la prospérité à leurs pays malgré les richesses naturelles. En Guinée-Bissau le président Umaro Sissoco Embalo, âgé de 51 ans, a estimé qu’il est allé au bout de ce qu’il pouvait faire et qu’il faille céder la place à un autre. Il ne s’est pas épanché sur tous les motifs de sa décision surprise, il s’est borné à dire que son épouse l’a convaincu de ne pas briguer un second mandat à la présidentielle de 2025.
C’est la fin d’un long tumulte qui a commencé quand le général de réserve s’est installé à la tête du pays, en février 2020 après son élection en décembre 2019. Ses opposants, en premier Domingos Simoes Pereira, ont d’abord commencé par contester les résultats de l’élection avant de se mettre à agiter méthodiquement le pays. Il y a même eu deux tentatives de coup d’Etat pour déloger le très pugnace président de la République. Ce dernier a tenu…
Il a même dissous à deux reprises le Parlement pour essayer de reprendre la main mais il n’a pas pu décrocher une majorité confortable pour gouverner à sa guise et surtout appliquer ses réformes, notamment la révision de la Constitution pour refondre le régime semi-présidentiel. C’est donc la douche froide pour ses partisans, qui commençaient déjà à se mobiliser pour le scrutin de 2025.
Pour le pays c’est une longue période d’incertitude qui s’ouvre. Depuis son indépendance, en 1974, la Guinée-Bissau est secouée par des coups d’État cycliques et une forte instabilité politique. Mais depuis l’élection de 2014 les institutions ont pris la voie d’une relative stabilité constitutionnelle, notamment depuis l’élection d’Embalo. Tout ça vient de voler en éclats…
Et quand on pose la question au chef de l’Etat sur sa succession, sur l’avenir politique du pays il rétorque : «Ce ne sera ni Domingos Simoes Pereira, ni Nuno Gomes Nabiam, ni Braima Camara qui me remplaceront». Le moins qu’on puisse dire est que ce sera mouvementé après le départ du président, le combat pour prendre les rênes du pays sera féroce.
Pour le “syndicat des chefs d’Etat” (la CEDEAO) le départ du trublion guinéen sera diversement apprécié. Certains leaders ouest-africains, surtout les voisins immédiats de la Guinée-Bissau, sont terrorisés par l’instabilité sécuritaire générée par cette annonce. Mais d’autres, comme les présidents béninois et ivoirien, Patrice Talon et Alassane Ouattara, seront soulagés par la disparition de celui qui leur donnait des leçons sur les troisièmes mandats…
Talon avait proposé au départ un seul et unique mandat de 7 ans, on connait la suite ; quant à Ouattara il a cédé aux sirènes du 3e mandat. L’ex-président sénégalais Macky Sall lui aussi n’avait pas apprécié les sorties d’Embalo sur la limitation des mandats. Sall a été tenté par un 3e mandat mais les Sénégalais l’ont contraint à sortir, par la petite porte.
Mais ces crimes contre les usages démocratiques universels ne sont rien au regard des autres records mondiaux affichés par le continent africain : le président camerounais Paul Biya, âgé de 91 ans dont plus 41 ans au pouvoir ; le président congolais Denis Sassou-Nguesso, 80 ans, il cumule presque 40 ans à la tête de son pays ; le président équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, 82 ans, au pouvoir depuis 1979 et en plus il prépare son fils pour lui succéder, etc. Bref, Embalo est une rareté et une fierté dans notre continent.
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