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La civilisation occidentale en péril ? Un mathématicien analyse

La civilisation occidentale en péril ? Un mathématicien analyse

Peter Turchin alerte sur l’avenir de l’Occident

Peter Turchin, mathématicien russo-américain spécialiste de la modélisation mathématique et de l’analyse statistique, a récemment partagé son analyse sur le déclin potentiel de la civilisation occidentale.

Utilisant des modèles mathématiques appliqués à l’histoire, Turchin affirme que les sociétés occidentales approchent rapidement d’un point de rupture, similaire aux effondrements des grandes civilisations passées comme l’Empire romain et la civilisation maya.

Des cycles historiques de violence

Turchin a identifié des cycles de violence politique qui culminent environ tous les 50 ans, avec des crises majeures survenant tous les 200 à 300 ans.

En appliquant ces modèles aux sociétés contemporaines en Occident, il avait prévu dès 2010 que la décennie actuelle verrait une intensification des crises, une prédiction qui semble se vérifier aujourd’hui avec les diverses perturbations politiques et sociales observées.

Les signes d’une crise imminente

Les symptômes d’une crise imminente sont multiples : des inégalités économiques croissantes, des divisions politiques profondes, des conflits violents, et des catastrophes environnementales.

Turchin observe que ces crises sont souvent exacerbées par le “mécontentement populaire” et le “surplus d’élite”, c’est-à-dire un excès de personnes cherchant à rejoindre les rangs des élites sans que suffisamment de positions soient disponibles.

Exemples historiques de déclin

L’histoire offre de nombreux exemples de civilisations qui ont connu un déclin après une période de prospérité. L’Empire romain, par exemple, a vu sa chute en grande partie à cause des divisions internes et des pressions externes.

De même, la civilisation maya a décliné en raison de facteurs environnementaux et de conflits internes. La dynastie Qing en Chine, qui a connu des périodes de prospérité, a également subi des crises internes et des pressions extérieures qui ont conduit à son déclin.

Des solutions pour éviter l’effondrement

Malgré ses prévisions alarmantes, Turchin reste optimiste quant à la capacité des sociétés modernes à surmonter ces défis. Il souligne que les sociétés humaines ont évolué pour devenir plus résilientes face aux crises.

Les données historiques de “CrisisDB”, une base de données compilant 5000 ans de crises, montrent que les sociétés sont devenues moins susceptibles de s’effondrer complètement avec le temps. Pour éviter l’effondrement, Turchin propose plusieurs solutions basées sur ses analyses.

Renforcement des institutions

L’un des principaux moyens de prévenir l’effondrement est de renforcer les institutions. Par exemple, l’Empire britannique a évité une révolution violente au XIXe siècle grâce à des réformes qui ont inclus le droit de vote et l’organisation des travailleurs. De même, la Russie a évité l’effondrement après la défaite de la guerre de Crimée en adoptant des réformes significatives comme l’abolition du servage.

Réformes économiques et sociales

Turchin suggère également des réformes économiques et sociales pour réduire les inégalités et stabiliser les sociétés. Des politiques fiscales progressives, où les impôts augmentent avec le revenu, peuvent aider à réduire l’écart entre les riches et les pauvres. En outre, des institutions qui protègent les droits des travailleurs et assurent un minimum de bien-être pour tous les citoyens peuvent contribuer à réduire les tensions sociales.

Par exemple, un système fiscal progressif, où les impôts augmentent avec le revenu, aide à réduire la formation d’une élite très riche et à prévenir l’aggravation de la pauvreté dans le reste de la population.

De plus, accorder à tous les citoyens le droit de vote et d’élire des fonctionnaires publics limite les actions arbitraires et égoïstes des dirigeants. Lorsque les citoyens ont le droit de choisir leurs dirigeants par le biais des élections, ces derniers sont plus responsables envers le peuple, ce qui réduit la probabilité qu’ils prennent des décisions servant leurs intérêts personnels aux dépens de l’intérêt général.

Développement institutionnel et social

L’intégration des institutions qui protègent les droits des travailleurs et établissent des normes minimales de salaire, comme les syndicats, jouent un rôle crucial dans la réduction des écarts économiques. Ces organisations permettent une distribution plus équitable de la richesse et assurent un filet de sécurité pour tous les citoyens.

En outre, la coopération internationale est essentielle pour aborder les défis mondiaux tels que le changement climatique. Les actions coordonnées entre les nations et les organisations internationales peuvent contribuer à stabiliser l’économie mondiale et à prévenir des crises majeures.

Complexité institutionnelle accrue

Turchin explique que la complexité accrue des sociétés, bien que souvent perçue comme une faiblesse, peut en réalité offrir une résilience accrue. Les sociétés modernes ont développé des systèmes administratifs sophistiqués capables de gérer des crises internes et externes de manière plus efficace.

La première dimension de la complexité est la taille. Cela inclut la population, c’est-à-dire le nombre de personnes gouvernées par un État ou un empire. Cependant, d’autres aspects de la taille comptent, tels que la superficie de l’État et le nombre de personnes vivant dans la capitale et les autres villes. À mesure que la taille de la société augmente, il devient plus difficile pour l’État de gouverner efficacement, les régions éloignées de la capitale étant plus sujettes à la sécession et les tensions s’intensifiant entre les différents groupes ethniques au sein des grands empires multinationaux. Depuis l’émergence des États il y a environ 5000 ans, cette augmentation de la taille aurait dû les rendre plus fragiles.

La seconde dimension de la complexité fournit une direction opposée. Les États ne se sont pas seulement agrandis, ils ont également évolué sur le plan institutionnel. En raison de la compétition et des conflits entre eux, les États ont acquis des systèmes plus avancés pour traiter l’information, échanger économiquement et gouverner. Les systèmes administratifs et organisationnels au sein des gouvernements sont devenus plus efficaces pour accomplir leurs tâches. Cette évolution en efficacité signifie des méthodes de travail améliorées, moins de bureaucratie, et une meilleure restriction des pouvoirs des dirigeants et des élites. Comme toute forme d’évolution, les systèmes les mieux adaptés et les plus efficaces sont ceux qui survivent généralement.

Les États qui ont échoué à acquérir ce type de complexité se sont effondrés et leurs terres ont été conquises par des rivaux plus puissants. Ce qui rend les sociétés plus résilientes face aux chocs internes et externes est la “complexité utile”, qui se traduit principalement par l’accumulation de technologies sociales rendant les sociétés plus organisées et cohérentes à l’intérieur.

Pour développer davantage cette idée, l’équipe de Turchin a récemment analysé les sociétés néolithiques pendant leur expansion de l’Asie vers l’Europe entre 9000 et 5000 ans. Ces premiers agriculteurs européens vivaient dans des sociétés simples où chaque village était gouverné indépendamment sans écriture, bureaucratie ou dirigeants héréditaires. Ces sociétés n’étaient pas à l’abri des effondrements démographiques. Partout où des informations détaillées sur les dynamiques de population sont disponibles, on observe que des pics de population étaient suivis de déclins abrupts, parfois de plus de la moitié, et les régions étaient souvent abandonnées.

Certains chercheurs pensent que les changements climatiques, l’épuisement des sols ou les épidémies sont des causes possibles de ces déclins démographiques. Cependant, l’analyse de Turchin indique que les conflits violents étaient une cause principale de ces effondrements.

Les preuves croissantes montrent que les effondrements démographiques n’étaient pas rares à l’époque préhistorique. Avec la collecte de plus de données quantitatives de différentes régions, il devient clair que ces déclins démographiques importants étaient la norme plutôt que l’exception. Les implications de cette étude, ainsi que l’analyse basée sur la base de données “CrisisDB”, sont stupéfiantes. Au cours des 10 000 dernières années, les sociétés humaines ont évolué culturellement pour devenir plus grandes et plus complexes.

Pendant cette période, ces sociétés ont tenté, avec des degrés de succès variables, de réprimer la violence interne. Au début, elles échouaient souvent en raison de leur grande fragilité, se retrouvant rapidement dans des guerres civiles qui déchiraient leurs liens internes. Mais avec le temps, ces sociétés ont développé des institutions meilleures et plus efficaces, augmentant ainsi leur capacité à faire face aux chocs internes et externes.

En conséquence, l’effondrement de ces sociétés est devenu moins probable. Cependant, étant donné le temps limité pour agir, nous ne pouvons pas compter uniquement sur l’évolution culturelle pour résoudre la crise actuelle des civilisations occidentales.

En analysant en détail les réussites passées où les États ont évité l’effondrement et les guerres civiles, il devient évident que la clé réside dans des actions décisives de la part des individus influents au sein de la société et dans la mobilisation des élites pour qu’elles se concentrent sur le bien commun.

Pour ce faire, deux éléments essentiels sont nécessaires : la pression des mouvements sociaux populaires et la présence de leaders non égoïstes pour diriger ces mouvements.

 

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