Economie

Le “Dôme d’or” de Donald Trump : un projet pharaonique entre ambitions stratégiques et défis irréalistes

Le “Dôme d’or” de Donald Trump : un projet pharaonique entre ambitions stratégiques et défis irréalistes

Donald Trump voit grand. Très grand…

À moins de deux ans de la fin de son mandat, le président américain a relancé un projet de bouclier antimissile national d’envergure baptisé « Dôme d’or ». Objectif : protéger les États-Unis contre une vaste gamme de menaces, des missiles balistiques intercontinentaux aux drones kamikazes.

Mais derrière l’ambition géostratégique se cache une série de réalités techniques, industrielles et budgétaires qui rendent la concrétisation de ce projet hautement improbable.

Une idée ambitieuse… et déconnectée des réalités

Inspiré du célèbre « Dôme de fer » israélien, conçu pour intercepter des roquettes à courte portée, le « Dôme d’or » serait censé repousser des attaques bien plus complexes : missiles hypersoniques, engins balistiques intercontinentaux, drones autonomes et roquettes de précision, y compris provenant d’acteurs non étatiques. Mais, à la différence de son modèle israélien, le système imaginé par Trump ambitionne une couverture totale du territoire américain, voire une protection orbitale.

Le président a estimé que le coût de ce projet tournerait autour de 175 milliards de dollars. Un chiffre jugé largement sous-évalué par de nombreux experts. Selon une agence du Congrès sans affiliation partisane, un système spatial d’interception ne visant qu’un nombre limité de missiles intercontinentaux coûterait déjà entre 161 et 542 milliards de dollars sur 20 ans, sans compter les besoins accrus en intercepteurs et infrastructures que requiert un système global.

Une industrie de défense « atrophiée »

Pour Melanie Marlowe, experte au Centre d’études stratégiques et internationales, « les défis sont énormes, qu’ils soient budgétaires, politiques ou industriels ». Elle souligne que l’industrie américaine de la défense a été affaiblie ces dernières décennies et que « relancer une production massive de capteurs, de radars et d’intercepteurs nécessitera des années d’investissements soutenus ».

Même son de cloche chez Thomas Roberts, professeur à Georgia Tech, qui qualifie le projet d’« irréaliste ». « Il n’y a aucun détail technique permettant de modéliser ce système. Nous sommes encore au stade du slogan politique. »

La menace bien réelle, mais le remède incertain

L’administration Trump justifie son projet par une multiplication des menaces. La Missile Defense Review de l’armée américaine publiée en 2022 alerte sur l’avancée rapide de la Chine dans le domaine des missiles balistiques et hypersoniques, et sur la modernisation des systèmes nucléaires russes. Le document met également en garde contre les missiles de la Corée du Nord, les programmes de l’Iran, ou encore les attaques de drones, devenues monnaie courante sur les théâtres d’opérations comme l’Ukraine.

Pour Chad Ohlandt, analyste à la RAND Corporation, « se défendre contre toutes ces menaces à la fois est une entreprise monumentale. La vraie question est de savoir combien d’attaques on veut pouvoir stopper et à quel coût. »

La Maison Blanche et le Congrès devront, au-delà des contraintes techniques, s’accorder sur le financement d’un projet potentiellement aussi lourd que le programme spatial Apollo. Plusieurs étapes politiques et bureaucratiques restent à franchir. Selon Thomas Withington, du Royal United Services Institute, « il s’agit de l’un des projets de défense les plus coûteux jamais envisagés. Même pour un pays doté du plus grand budget militaire au monde, cela représente une somme colossale ».

Le Canada intéressé, mais prudent

Fait notable : le Canada a révélé être en discussions à “haut niveau” avec Washington sur une éventuelle participation au « Dôme d’or ». Lors d’une conférence de presse, le Premier ministre Mark Carney a évoqué la possibilité d’investissements conjoints via le NORAD, tout en soulignant que les menaces « pourraient bientôt venir de l’espace ». Il a toutefois refusé de confirmer un engagement concret à ce stade.

Ainsi, porté par une rhétorique sécuritaire offensive et une vision géopolitique axée sur la dissuasion totale, le projet de « Dôme d’or » voulu par Donald Trump apparaît, pour l’heure, davantage comme un symbole politique que comme une réalité militaire réalisable.

Face aux menaces bien réelles, la recherche d’une réponse proportionnée, pragmatique et financièrement viable demeure, pour les experts, la véritable priorité stratégique.

 

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