Economie

Levée des subventions des carburants : risques d’exclusion sociale et chiffres biaisés

Levée des subventions des carburants : risques d’exclusion sociale et chiffres biaisés

Depuis le début de l’année 2022, le gouvernement a annoncé quatre augmentations des prix des carburants, en février, mars, avril puis septembre.

Comme annoncé dans son programme de réforme en juin 2022, l’Etat continue à implémenter sa stratégie de levée des subventions sur l’énergie, et en particulier sur les carburants, selon une récente note de recherche de l’Observatoire Tunisien de l’Economie (OTE).

Décryptage de l’implémentation de la réforme

Dans un rapport publié en 2014, le FMI reconnait la réforme en question aura des impacts directs, essentiellement sur l’élévation du niveau général des prix, la compétitivité internationale des produits locaux consommateurs d’énergie, et l’exposition des prix internes aux chocs qui peuvent découler des fluctuations des prix sur le marché mondial, souligne la note de recherche et pour cela, le FMI propose un certain nombre de recommandations.

En l’occurrence, on demande au gouvernement de faire accompagner la réforme par un mécanisme de compensation ciblée aux ménages les plus vulnérables.

Risques liés à l’exécution de la réforme

L’adoption d’un mécanisme de compensation ciblée aux ménages les plus vulnérables renvoie à une réforme plus large du système de protection sociale par ciblage de la pauvreté, le programme « Amen Social » lancé depuis 2019 et soutenu par ailleurs par la Banque Mondiale, note-t-on sachant que celui-ci vise à regrouper tous les mécanismes non-contributifs et ciblés de protection sociale existants et a aussi vocation à compenser la levée des subventions (actuellement universelles) pour les ménages les plus pauvres, par des transferts financiers directs.

Le FMI a demandé aux autorités de finaliser le développement de la base de données (Amen Social) et commencer à leur faire les transferts en espèces pour compenser les subventions annulées à l’énergie.

Toutefois, on souligne que le recensement et les modalités de ciblage retardent un versement compensatoire effectif et garanti pour les personnes les plus vulnérables et que la réforme « Amen Social » ne répond pas de manière générale aux risques pesant sur les secteurs économiques impactés par la réforme des subventions des carburants.

Les carburants sont-ils réellement subventionnés

L’analyse des chiffres relatifs à la subvention des produits pétroliers montre que ceux-ci subissent une lourde taxation qui dépasse souvent la valeur de la compensation de l’Etat.

Au fait, d’après les dernières données actualisées en 2019 et relatives aux importations des produits pétroliers, aux subventions et au système de taxation, la valeur de la compensation à la vente d’un litre d’essence sans plomb est de 238 millimes contre le paiement de taxes (Taxe sur la valeur ajoutée et Droit de consommation) de 743 millimes, ceci veut dire que le consommateur paye 505 millimes de plus par rapport au coût réel de commercialisation de ce produit.

Cette marge de profit de l’Etat est de 143 millimes pour un litre de Gasoil sans souffre et est de 54 millimes pour un litre de pétrole industriel. Ces produits sont les plus consommés en Tunisie et qu’on prétend les vendre comme produits totalement subventionnés par les fonds de la caisse de compensation.

Lever les subventions sur ces produits implique tout simplement l’accroissement de la marge bénéficiaire de l’Eta sur leur vente.

Rappelons que le gouvernement compte prendre des mesures pour la levée progressive de la compensation des produits de base afin d’atteindre les prix « réels » à l’horizon de 2026.

Le gouvernement tunisien compte économiser 1043 millions de dinars (MD) en 2022, suite à l’activation du mécanisme d’ajustement automatique des prix du carburant et 204 MD à travers la hausse des prix de l’électricité.

Le gouvernement s’attend à une économie de 212 MD sur les prix de l’électricité basse tension pour les foyers, 134 MD, via l’accroissement des prix du gaz naturel pour les gaz de haute et moyenne pression et 53 MD en augmentant les prix du gaz naturel pour les ménages basse pression.

Le gouvernement s’attend à ce que l’impact financier global de ces mesures soit de l’ordre de 1646 MD en 2022.

Que se passe-t-il en Tunisie?
Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!

Commentaires

Haut