Société

Ma vie : Famille avec 3 grands enfants qui habite à Hay Tahrir, Tunis

Ma vie : Famille avec 3 grands enfants qui habite à Hay Tahrir, Tunis

Tunisie Numérique a mené une série d’interviews auprès des familles tunisiennes pour savoir  comment elles gèrent leurs budgets en ces temps de crise que traverse le pays.

Ces tunisiens proviennent de différentes classes sociales, sont d’âges différents et habitent dans des quartiers aussi bien huppés que populaires. Ils ont accepté volontairement de répondre de manière spontanée et anonyme aux questions de Tunisie Numérique. Les récits ont été retranscrits tels quels.

  • Le Mari : Mohamed , 57 ans, chef de chantier journalier travaillant pour son compte
  • La femme : Samia, 52 ans, femme au foyer
  • Les 3 enfants : Karim 26 ans, Sami 31 ans et Faten, 19 ans.

La famille vit dans une maison de location à Hay Tahrir, Tunis. Elle s’acquitte d’un loyer mensuel de 400 dinars, parce qu’il s’agit d’un vieux contrat de location ! En effet, une maison celle qu’ils louent est normalement à 800 dinars/mois. Le propriétaire veut augmenter leur loyer, les négociations sont en cours.

Mohamed c’est un monsieur de grande taille et très mince, il travaille dur : “Je travaille à Borj Cedria où actuellement il y a beaucoup de chantiers et aussi à Ben Arous. Je me déplace avec ma mobylette.”

Une famille sans revenu fixe

Parfois,  Mohamed trouve un chantier pour une durée de 2 mois. Dans ce cas, il fait travailler avec lui ses fils. Mohamed gagne 60-70 dinars par jour comme un chef chantier.  Ses deux fils n’ont pas terminé leur études secondaires. Les deux ont abandonné l’école pour apprendre le « métier » avec leur père. Les enfants sont moins qualifiés que leur père, ils sont payés 25dt/journée. Les 2 fils gardent pour eux l’argent qu’ils gagnent, ils participent volontairement dans le budget familial.

“Notre travail, c’est des hauts et des bas”, dit Mohamed. Quand les mois sont maigres, ont fait attention à nos dépenses. Quand il pleut on ne peut pas travailler sur les chantiers dehors, par exemple.

Pour faire face aux mois sans travail, Mohamed fait de l’épargne.

Mohamed refuse de vivre à crédit, il préfère vivre avec ce qu’il gagne, de jour en jour : ” Si j’ai un problème d’argent je demande à mes frères et à mes sœurs de m’aider.”

La Mobylette de Mohamed

La famille avait une voiture que Mohamed a vendu. Maintenant Mohamed a sa mobylette.  “Avec ma mobylette je ne peux transporter avec moi qu’un seul membre de ma famille, les autres se débrouillent avec le transport public. Avec ma mobylette je me déplace plus rapidement vers les chantiers, j’évite les embouteillages. La voiture est trop chère, les prix de l’essence et des pièces de rechange ont augmenté.  Je ne dépense que 5 à 7 dinars en essence pour ma mobylette par semaine”

Pendant la pandémie de COVID, il n’avait plus de travail, la fille abandonne ses études

“Dieu merci, j’ai mes enfants à qui j’ai appris à travailler depuis leur enfance”, dit Mohamed.

Pendant une année on n’avait pas de travail, les chantiers ont été en arrêt. Il n’y a eu que des petits boulots de 1 à 2 jours.

On a épuisé tout notre argent épargné pendant la pandémie. On n’a plus d’épargne.

Pour s’en sortir, j’ai pris la décision que ma fille doit arrêter les études à deux ans du BAC et travailler.

“Elle est employée dans une boulangerie/pâtisserie. Elle part au boulot à 4h de matin pour revenir a 18heures. Elle est payée 350 dinars/mois.On l’exploite parce qu’elle est jeune et sans diplôme… au moins elle a son argent”, dit Mohamed.

Mohamed : “En Tunisie les études ne mènent à rien, tu ne peux réussir que si tu as de l’argent, il faut travailler pour ça.”

Sa femme n’a jamais travaillé dans sa vie, mais comme dit Mohamed :”aujourd’hui yed barka mé safakch (on peut pas applaudir avec une seule main). La vie a changé maintenant, les prix aussi ont beaucoup changé.”

“Anti-technologies”

Mohamed dit que lui et sa femme n’aiment pas les technologies, il n’a pas de téléphone fixe d’ailleurs ni d’Internet chez lui. “Les enfants achètent leur internet avec leurs téléphones, moi et ma femme n’avons pas besoin d’Internet.”

Pas d’assurance maladie, pas de retraite, pas de budget santé.

“Si quelqu’un chez nous tombe malade, il reste au lit jusqu’à la guérison.Au pire des cas, on va à l’hôpital publique. Je n’ai pas d’argent pour les cliniques privées” dit Mohamed.

Ma femme est diabétique, plusieurs fois par an je vais avec elle à l’hôpital de l’Omrane pour le suivi et pour ses médicaments.

Samia gère tout

Mohamed :”C’est ma femme qui gère le budget de la famille, sans elle on ne s’en sortira pas. “

Samia : “Depuis le jour de notre mariage, mon mari me donne tout son argent, c’est moi qui gère notre budget. Ni moi, ni mon mari n’ont d’argent de poche. Je ne lui donne que de l’argent pour acheter ses cigarettes.Moi et mon mari, on évite les dépenses pour nos loisirs, on ne sort pas beaucoup. Avant avec la voiture, on sortait en famille pour manger une glace dans un parc ou pour aller à la plage en été. Les enfants ont leur propre argent de poche pour leurs loisirs.”

Vêtements

Samia : “C’est la fripe pour toute la famille.On n’achète rien dans les boutiques, c’est trop cher.D’ailleurs, la fripe est aussi devenue chère. Maintenant on y voit même, là-bas, « les gens bien » avec leurs voitures fouiller dans les tas.  On n’achète jamais les vêtements neufs pour Aid Sghir.”

Ramadan

On fait beaucoup d’efforts pendant ce mois, parce que c’est le mois le plus cher de l’année.

Les enfants participent avec les courses.

Mouton de L’aid

Le sacrifice du mouton de l’Aïd c’est sacré pour notre famille.

On a une cagnotte spécialement pour mouton de l’Aïd, on achète notre mouton en avance.

On a déjà acheté notre mouton de l’Aïd 2022.

Vacances d’été

Mohamed :”Ça dépend de l’année. Si l’année a été bonne et on a gagné assez d’argent, on loue la maison dans la zone touristique et familiale à Nabeul , parce que Hammamet n’est pas appropriée pour la famille. On n’a jamais visité un hôtel, ce n’est pas dans nos coutumes. Avec la voiture on a pu aller à la plage, cette année ça sera impossible.”

Retraite

Le couple compte sur leurs enfants pour les entretenir quand ils seront vieux. Le couple n’a jamais cotisé.

“Sinon, on ira à la maison des vieux”, dit Mohamed.

Mohamed (amèrement) : “Si j’ai pris la décision que mes enfants doivent arrêter leurs études et travailler, c’est parce que j’ai essayé toutes les autres solutions.”

 

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