Economie

On pédale dans la semoule alors que nos voisins négocient de gros investissements

Partager

La vie de l’exécutif et de ses administrés est rythmée par les saisies, des tonnes de denrées alimentaires de première nécessité qui avaient déserté les rayons des commerces et qui ressortent comme par enchantement. Bon, pas suffisamment pour soulager les souffrances des citoyens mais il faut reconnaître que ça commence à bouger. Personne ne s’en plaindra, au contraire, après tout c’est cela le premier rôle des autorités : Assurer la sécurité des biens et personnes, la sécurité alimentaire, etc. Le problème qu’on a avec ça c’est que ça a tendance à occuper tout l’espace, à faire le lit d’un battage médiatique qui occulte tout le reste,  le reste qui est au moins tout aussi important. Faire de la semoule, de la farine, de l’huile, du sucre et des oeufs l’alpha et l’oméga des politiques publiques alors que nos voisins vont à la pêche au gros (investissements) c’est une hérésie économique qu’il faut stopper de toute urgence.

L’ancien diplomate en chef de feu BCE a raison!

Il ne se passe plus rien, ou presque, à part l’avalanche de saisies quotidiennes. Elles semblent s’être imposées comme l’horizon indépassable d’un pays qui il y a peu imposait le respect à ses voisins. On a des tas de reproches à faire à l’ancien ministre des Affaires étrangères de feu Béji Caied Essebsi (BCE), Khemaies Jhinaoui, – notamment pour ne pas avoir fait ce qu’il préconise alors que les temps étaient moins durs – mais il faut avoir l’honnêteté de reconnaître qu’il ne se passe plus grand chose en Tunisie. Il faut admettre que Tunis ne fait plus battre le coeur des investisseurs, que les délégations étrangères n’y défilent plus et que les délégations tunisiennes brillent de moins en moins à l’étranger. C’est un fait incontestable.

Quand les ambassadeurs étrangers en poste en Tunisie parlent du pays c’est souvent pour en dire du mal. La révolution du jasmin a mangé son pain blanc et le temps des déclarations d’amour est révolu. Jhinaoui a raison de dire que la Tunisie peut et doit mieux faire pour s’expliquer, pour expliquer à ses partenaires, au monde pourquoi elle a pris cette trajectoire qui en décoiffe plus d’un après le 25 juillet 2021. Il a raison de dire que la diplomatie tunisienne s’est émoussée, rabougrie, qu’elle ne pulse plus aux quatre coins et que ce ne sont pas avec ses maigres moyens (à peine 1% du budget de l’Etat) qu’elle fera feu de tout bois…

Ce qu’il faut à la Tunisie c’est plus d’émissaires, de bons et dynamiques ambassadeurs qui “vendent” leur pays avec passion et imagination, mais il faut aussi des ambassadeurs au sein même des Parlements étrangers, européen surtout. C’est ce que la Tunisie avait après la Révolution, même si c’était souvent pour vendre la soupe des islamistes, mais ça profitait aussi au pays. C’est ce que le Maroc a ; si le royaume chérifien va passer d’un financement européen de 1,6 milliard d’euros à 8,4 milliards ce n’est certainement pas le fruit du hasard ! Il y a du boulot en amont et en aval. Tunis est-il capable, en ce moment même, d’une telle débauche d’énergie ? Assurément non…

Le sursaut algérien indique la voie

Les traits de la mariée – la Tunisie – se sont flétris depuis l’envol et les envolées du 14 janvier 2011. La dernière fois que la Tunisie a fait rêver son petit monde c’était lors de “Tunisia 2020,” en novembre 2016, un déluge de financements pour au bout des promesses qui n’ont pas été tenues. Depuis les choses se sont considérablement durcies, avec des Tunisiens moins enclins au travail, une corruption endémique, un climat des affaires lesté par une bureaucratie mortifère en dépit de toutes les promesses de simplification – jamais tenues -, une instabilité fiscale qui décourage les plus preux investisseurs, etc. La liste est encore très longue…

Même le voisin algérien, qui s’est assoupie pendant des décennies, dorlotée par ses confortables recettes pétrolières, va donner le la aux investisseurs étrangers avec un projet révolutionnaire. Le président algérien, Abdelmajid Tebboune, fait ce que son frère tunisien, Kais Saied, devrait faire sans tarder : Prendre son avion et aller prêcher la bonne parole auprès des investisseurs étrangers, des fils et filles du pays qui se sont expatriés. Au lieu de laisser l’avion scotché sur le tarmac de l’aéroport de Tunis-Carthage, pendant que le chef de l’Etat court derrière les bandits de la République…

Attention : je ne dis pas que ce n’est pas important, ça l’est, je dis juste qu’il ne faut pas que ça grille autant de temps, tout le temps. Et surtout il faut déléguer ça à d’autres pour aller à la pêche aux investissements, comme le fait en ce moment l’exécutif algérien. Et ça paye puisque les deux dossiers – lutte contre les détournements et la corruption/incitations à l’investissement – avancent ensemble, le premier permettant justement d’assainir le climat des affaires pour préparer le terrain au deuxième…

Le hic en Tunisie c’est que ni l’un ni l’autre ne vont de l’avant. Le président de la République n’avait pas tort de mettre en relief le combat contre ceux qui ont mis la main sur les deniers du pays, c’est un combat salutaire pour l’économie du pays. Mais Kais Saied a certainement tort de ne servir que çà à une nation qui jouait dans la cour des grands du continent il y a à peine 10 ans et qui s’est maintenant rapetissée – ce n’est pas uniquement la faute de Saied mais aussi celle de ses prédécesseurs – au point que son problème numéro 1 ce sont les denrées de première nécessité…

Laissez un commentaire