Politique

Par Abdelaziz Gatri: Non, je n’adhère pas à la démarche insensée du président

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Je ne participerai ni à la consultation nationale ni au référendum, décidés unilatéralement par le président, et j’appelle mes compatriotes non seulement à l’abstention, mais à l’opposition.

Voici mes raisons :

  1. Ma liberté de citoyen qui me donne le droit de m’abstenir et d’appeler à l’abstention.
  2. Les propos de Kaïs saïed lui-même, qui disait il y a quelques années que les référendums sont l’un des instruments de la dictature et aboutissent à un plébiscite du dictateur au pouvoir. Quest-ce qu’un dictateur, sinon un président qui gèle le Parlement, qui décide de gouverner par ordonnances, qui dissout l’Instance de contrôle de la constitutionnalité des lois, qui interdit aux citoyens tout recours contre ses ordonnances, qui ferme l’Instance de lutte contre la corruption sans aucune forme de procès et sans alternative, qui dissout le Conseil supérieur de la magistrature et le remplace par un conseil dont les membres sont désignés par lui directement, ou indirectement ès qualité, qui dresse les foules contre ses opposants en les livrant sans discernement à la vindicte de la plèbe en transe ?
  3. Les dérives techniques, administratives et financières constatées dans la plateforme électronique en rapport avec les risques pour la protection des données personnelles et les conditions opaques dans lesquelles a été attribué le marché de conception, mise en marche et gestion de la plateforme, dérives relevées par les composantes de la société civile.
  4. Le taux d’analphabétisme estimé par le ministre des affaires sociales même du gouvernement Saïed à 17,7%, c’est-à-dire 1,8 millions de tunisiens que le recours à la technologie numérique exclut de facto. Pire, les taux d’analphabétisme atteignent les 30% dans les régions de l’ouest du pays, et 42% chez les femmes rurales, avec un accès internet limité à 10% pour certaines régions, contre 64% à Tunis par exemple. Résultat des courses: l’écrasante majorité des 113.457 participants jusqu’à fin janvier (1,4% des individus majeurs recensés en 2018) sont des hommes habitant Tunis, Sfax et le Sahel, et on ne compte que 25.641 femmes, soit 22,6%. Ce n’est ni plus ni moins qu’une ségrégation par genre et par région. Il ne fait bon être une femme, analphabète, n’ayant pas d’accès à internet et habitant l’ouest du pays.
  5. Enfin, j’ai consulté les questionnaires de la consultation et les réponses façon QCM proposées aux participants, et j’ai été sidéré par la volonté manifeste d’orienter les citoyens de manière scandaleuse. Au niveau politique, et à titre d’exemple, la question suivante est posée au citoyen : Quel avenir préférez-vous pour la Tunisie ? Cinq réponses sont proposées

Un, Etat de droit.

Deux, Etat de travail, liberté et dignité nationale.

Trois, Tunisie effort, compétence, créativité et conception.

Quatre, Tunisie modernité, tolérance et ouverture sur le monde.

Cinq, Tunisie démocratie, sécurité et souveraineté.

Le citoyen est appelé à ne choisir que trois des cinq options. Or, en y voyant de plus près, on se rend aisément compte qu’il ne s’agit en fait que d’une même et seule réponse développée de cinq manières différentes. Comment peut-on concevoir un Etat de droit (réponse 1) qui n’offre pas de libertés (réponse 2), ou un Etat démocratique (réponse 5) qui ne consacre pas la tolérance (réponse 4) ?

Pourquoi n’a-t-on pas prévu une réponse pour ceux qui désirent intégrer un califat islamique où la Tunisie ne serait qu’une province de la Porte Sublime, tel que souhaité par l’ancien secrétaire général du parti intégriste et son chef de gouvernement, Hamadi Jebali, et les 1,6 millions d’électeurs qui l’ont suivi ? N’ont-ils pas droit de cité ? N’avons-nous pas le droit de connaitre leur poids réel ?

Et qu’a-t-on prévu pour ceux qui, parmi les gauchistes, rêvent toujours d’une dictature du prolétariat, ou de la propriété commune des moyens de production, ou d’un Etat providence qui subviendrait aux besoins de tous les citoyens, rien ?

Et moi, qui suis pour un Etat laÏc, qui consacre la liberté d’entreprendre et l’économie de marché, tout en garantissant à toutes les couches sociales un système de santé, d’éducation, de transport… viable et performant, où suis-je dans vos élucubrations, monsieur le président ?

Ou alors, êtes-vous tout simplement en train de nous endormir pour nous servir le système de construction à la base que vous mijotez avec vos apôtres ?

Pressé par l’opinion publique nationale pour présenter un carnet de route, vous nous aviez renvoyés à nos cahiers de géographie. Ce n‘est que sous les coups de butoir des instances financières internationales et de nos partenaires étrangers que vous vous êtes exécuté, et que vous avez a bien voulu en établir un, en votre âme et conscience, c’est-à-dire sans prendre son avis à personne. Au lieu d’en fixer les échéances rationnellement, selon le volume de travail qu’exige chaque étape, vous avez choisi arbitrairement des dates correspondant à des fêtes nationales, fêtes que vous-même aviez superbement ignorées l’année dernière.

Aujourd’hui, vous conduisez le pays fermement dans le mur, sous les applaudissements d’une plèbe subjuguée par votre obstination à toute épreuve.

Je ne me rangerai jamais aux côtés du parti terroriste et de ses acolytes intéressés, mais je ne vais pas me taire en laissant le pays aux mains d’un homme seul, mû par je ne sais quel esprit revanchard et belliqueux, et de quelques charlatans tournoyant autour de lui tels des derviches.

Heureusement, il y a une lueur d’espoir dans cette folie régnante, le taux élevé d’abstention à cette mascarade.

Je me positionne dans une opposition nette, mais constructive.

Mon prochain article portera sur mes propositions pour sauver le pays de cette impasse, et Kaïs Saïed de lui-même, si c’est encore possible.

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Publié par
Tunisie Numérique