Categories: A la unenewsPolitique

Par le polytechnicien Hazem Bouzaiane : Changer la loi électorale…utile mais insuffisant…

Partager

Après ce long feuilleton de changement du gouvernement, il est temps de passer à l’action et au travail. En effet, il ne faut pas être un géni pour deviner que cette mise en place d’un (énième) nouveau gouvernement ne sera pas le « remède magique » pour la détresse actuelle de notre cher pays.

Dans mon dernier article, j’ai parlé des différentes approches qui reviennent souvent en tant que solutions possibles, puis dans une deuxième partie, j’ai détaillé ma perception du premier pas à faire, à savoir le passage vers un régime présidentiel (suite à un referendum).

Maintenant, je vais juste m’attarder sur le point du changement de la loi électorale pour expliquer que c’est utile mais, à mon avis, ne pourra pas être LA solution.

Introduire le fameux « seuil » …

En parlant du changement de la loi électorale, il y a une proposition qui revient souvent à savoir l’introduction d’un « seuil » au-dessous duquel la liste concernée ne passe pas. L’idée était de considérer 3% ou 5%.

J’ai considéré le cas extrême (5%) pour simuler le paysage parlementaire (éventuel) qu’on aurait eu si jamais on avait appliqué cette loi lors des dernières élections législatives (2019), et ce pour comprendre l’impact d’un tel changement.

 

Les remarques principales :

  • Les deux partis vainqueurs auraient eu beaucoup plus de sièges. A eux seuls, ils auraient eu 119 sièges soit plus que la majorité parlementaire de 50%+1
  • Une coalition parlementaire entre les 3 partis vainqueurs aurait eu une majorité confortable (142)
  • Une grande partie des listes indépendantes auraient disparu du parlement ainsi que certains partis politiques (tels que Machrou Tunis, Afek Tunis, UPR, UDS), d’autres auraient été nettement impactés tel que Tahya Tounes.

En résumé, on aurait eu un paysage politique moins fragmenté, ce qui faciliterait les coalitions et donnerait un peu plus de stabilité.

Cependant, avec la non maturité d’une grande partie de nos partis politiques, ceci ne pourra pas résoudre tous les problèmes, puisque les accords peuvent changer selon les intérêts et les contextes, et on ne peut pas se permettre, dans le contexte actuel de la Tunisie, de mettre le destin du gouvernement à la merci de ces accords éphémères.

D’autant plus qu’il y a un parti dont la popularité monte en puissance, le PDL, et qui, selon tous les sondages actuels, a de fortes chances d’être dans le peloton de tête dans des prochaines élections, ce qui compromettrait des coalitions majoritaires.

Autres changements…

L’autre changement possible pour la loi électorale est de faire des élections législatives sur deux tours (et avec seuil). Ceci donnerait, sans doute, plus de poids aux deux partis vainqueurs. Avec un prévisionnel raisonnable et en considérant les tensions actuelles, je ne vois pas comment les deux vainqueurs des prochaines élections (qu’on pourrait peut-être deviner… !) peuvent gouverner ensemble.

Le dernier changement principal proposé pour la loi électorale était de poser des conditions plus strictes pour les candidats, les partis et les listes. Ceci entrainerait le pays, sans doute, dans un débat interminable et des polémiques venimeuses autour des sujets d’exclusion et de liberté, des polémiques dont on n’a pas besoin actuellement.

Pourquoi perdre plus de temps… ?

Il y a une discordance de plus en plus flagrante entre le paysage politique actuel, la loi électorale et le système politique, une discordance accentuée par un déséquilibre de pouvoirs. Et évidemment cette anarchie politique ne peut que se refléter sur les aspects socio-économiques…

Je suis apolitique et c’est un loin d’être mon sujet préféré mais pour ceux qui parlent de réformes structurelles et de changements radicaux dans plusieurs secteurs, et bien ceci est concrètement impossible avec le système politique actuel, qui, de par sa discordance avec le contexte en Tunisie, ne peut créer que de l’instabilité.

Il est très probable qu’on se rende compte de cela et qu’on finira par changer le système politique en Tunisie, juste faisons-le avec le moins de dégâts…donc le plus rapidement possible…et avant que ça dégénère davantage…en commençant par un referendum populaire (une pétition publique sur les réseaux sociaux pourrait être un déclencheur) ….

Indépendamment du rendement du président et parlement actuels, nous parlons d’un changement, qu’il faudra initier maintenant pour être, dans le meilleur des cas, appliqué lors des prochaines élections de 2024.

Même si le référendum confirme le système politique actuel, au moins on aurait eu l’opinion du peuple pour trancher une fois pour toute sur ce sujet primordial… et qui, de mieux que le peuple lui-même, pour décider de son destin… ?

Hazem Bouzaiane, ingénieur polytechnicien et Master in Business Administration (MBA) de l’université de Manchester. Directeur régional dans une multinationale.

Laissez un commentaire
Publié par
Tunisie Numérique