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Par Tarak Cheikh-Rouhou : 70ème anniversaire de la capitulation française à Dien Bien Phu.

Par Tarak Cheikh-Rouhou : 70ème anniversaire de la capitulation française à Dien Bien Phu.

Il y a exactement 70 ans, le 7 mai 1954, la France capitulait à Dien Bien Phu, suite à la violente offensive du Général Giap qui fait plus de 10.000 soldats français prisonniers et plusieurs milliers d’autres tués. La stratégique de Giap était comparable à celle d’Hannibal contre Rome. Tout comme Hannibal qui avait traversé les Alpes avec ses éléphants pour surprendre les Romains par le Nord, le Général Võ Nguyên Giáp a traversé les jungles et montagnes avec l’artillerie lourde vers les collines inaccessibles entourant la vallée de Dien Bien Phu. Cette manœuvre décisive a pris la base principale de l’armée française au dépourvu qui attendait les Vietnamiens par le Sud. Les deux stratèges Hannibal et Giap, ont partagé une vision commune : l’importance de l’élément de surprise et de l’utilisation du terrain à leur avantage. Toutefois, là où Hannibal a échoué à capitaliser sur ses victoires pour obtenir un soutien stratégique à long terme de Carthage, le succès de Giap a directement conduit aux négociations. Dès le 8 mai lors de la conférence de Genève, les négociations de 75 jours, aboutissent à la Déclaration finale sur la restauration de la paix en Indochine, à affirmer l’indépendance, la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale du Vietnam, a empêcher le déploiement d’officiers et de personnel militaire étrangers au Vietnam.

Cette défaite française a aussi inspiré et motivé d’autres mouvements de libération nationale dans le monde, notamment les fellagas en Tunisie et l’insurrection armée en Algérie le 1er novembre 1954. La réussite de cette bataille a montré que les puissances coloniales pouvaient être vaincues, même par des forces apparemment moins équipées et moins nombreuses.

Une main tendue pour la paix, refusée par le colon.

Pourtant, alors que la guerre atteignait son paroxysme et quelque mois avant cette défaite française, Ho Chi Minh a mené une bataille sur le front diplomatique et tendu la main à la France: Dans un interview avec un journaliste suédois le 26 novembre 1953, Ho Chi Minh déclarait : « Si le gouvernement français a tiré les leçons de cette guerre de plusieurs années et souhaite cesser les hostilités au Vietnam par des négociations et régler la question vietnamienne de manière pacifique alors le peuple et le gouvernement de la République démocratique du Vietnam sont prêts à accueillir une telle intention » et « le fondement de la cessation des hostilités au Vietnam est le respect sincère de l’indépendance véritable du Vietnam par le gouvernement français. » Mais la France, confiante dans sa supériorité militaire et technologique, a choisi d’ignorer ces mains tendues.

Histoire de la communauté Tuniso-Vietnamienne :
Dans les années 1920, les deux leaders et pères des deux nations : Habib Bourguiba et Ho Chi Minh se réunissaient jeunes à Paris lorsque Bourguiba débutait ses études de Droit et Ho Chi Minh fréquentait les juristes vietnamiens de Paris. Ils ont partagé leurs idées d’indépendance de leurs pays respectifs : La Tunise et le Vietnam. Après la fin de deuxième guerre mondiale en 1945, l’empire Français était affaibli et peinait à maintenir son autorité sur ses colonies dont l’Indochine (Ex-Vietnam). La guerre d’Indochine a commencé le 19 décembre 1946, lorsque les forces nationalistes vietnamiennes, connues sous le nom de Viet Minh avec à leur tête le leader Ho Chi Minh, ont lancé des attaques contre les forces coloniales françaises, marquant le début de la Guerre d’Indochine.

Lors de cette guerre, l’armée française envoie 150.000 Marocains, Algériens et Tunisiens dont la fameuse 4ème RTT, pour combattre les résistants Vietminh (Ligue pour l’indépendance du Viêt Nam) chez eux. Malgré ces renforts d’Afrique, la France capitule en 1954 après la bataille de Dien Bien Phu.

A la suite de cette défaite française, les Fellagas algériens, Marocains et Tunisiens se mobilisent à leur tour chez eux. En même temps, au Vietnam, il n’était plus question de rapatrier des Tunisiens sachant manier les armes dont la loyauté à la France n’était pas assurée et le risque certain de les voir se rallier aux Fellagas. De ce fait, des milliers de combattants Maghrébins ont été abandonnés au Vietnam alors que Habib Bourguiba obtient l’indépendance de la Tunisie en 1956 : Raison de plus pour ne plus rapatrier les tunisiens, qui ont été adoptés par le Vietnam.

Dix ans plu tard… Rebelotte…

Lors de la Guerre Froide opposant Communistes soutenus par l’URSS et capitalistes soutenus par les Américains, la Guerre civile éclate et ces anciens combattants Tunisiens abandonnés par la France, ont été appelés à reprendre les armes auprès de leurs belles familles vietnamiennes du nord et cette fois-ci sous drapeau Vietnamien. Ils devinrent rapidement officiés de l’armée Front national de libération du Sud Viêt Nam (Viet Cong). C’est en 1965, qu’à la suite de plusieurs combats ayant mené les soldats américains en défaite, qu’Ho Chi Minh eu vent de ces abandonnés Tunisiens. Il prévient alors son ancien camarade Habib Bourguiba, et ensemble, organisent le rapatriement de ces Tunisiens dont certains sont officier Viêt-Congs, avec leurs épouses vietnamiennes et enfants:
Salah Debbich de Hanoï (Zahrouni), Moustapha Rezgui de Minh Hải (Ouardia), Omar Hidri de Son Taï (Salambo), Taher Mhamdi de Hai phong (Kasserine), Aid Mennaï de Son Taï (Dougga), Abdallah Askri de Ba Vi (Kasserine), Ahmed Nassib de Hanoï (Tunis), Salah Ferhani de Son Taï (Sidi Bouzid), Mouldi Hannechi de Son Taï (Sidi Bouzid), Mokhtar Sassi de Ba Vi (Mnihla), Abdelkader Maamar de Son Taï (Bizerte), Bachir (Hammamet), Borni (Beja).

Le dernier survivant de ces Tunisiens était Moustapha Rezgui, qui nous a quitté en janvier 2024. Il reste à ce jour quatre épouses Vietnamiennes ayant suivi leurs époux en Tunisie et une communauté de près d’une centaine de citoyens tunisiens aux deux origines, descendant de ces combattants abandonnés au Vietnam, officiers de l’armée Viêt-Cong et rapatriés en Tunisie en 1965.

Relation diplomatique Tunisie/Vietnam :

Le 5 mars dernier, et après des décennies d’absence de relation diplomatique, l’ambassadeur du Vietnam en Tunisie (Résidant au Caire) Nguyen Huy Dung, a remis ses lettres de créance au président tunisien Kaïs Saïed. Le président tunisien a salué le nouveau mandat de l’ambassadeur, soulignant les relations historiques entre les deux nations, établies par les anciens présidents Habib Bourguiba et Hô Chi Minh. Kaïs Saïed a loué les réalisations socio-économiques du Vietnam et a exprimé son désir de renforcer les liens bilatéraux, suggérant une intensification des échanges de délégations. Nguyen Huy Dung s’est engagé à favoriser le développement des relations bilatérales.

Nguyen Huy Dung a également exprimé la volonté de renforcer les mécanismes de coopération existants entre le Vietnam et la Tunisie, en mettant l’accent sur les piliers traditionnels de la diplomatie économique, populaire, culturelle et politique. Il a en outre effectué des visites protocolaires et collaboré avec des organes tunisiens, ainsi que participé à une rencontre organisée par l’association d’Amitié Tuniso-Vietnamienne avec la communauté vietnamienne en Tunisie et descendants de ces couples mixtes.

Notons que Son Excellence monsieur l’ambassadeur du Vietnam en Tunisie Nguyen Huy Dung, est également ambassadeur du Vietnam au Caire où il y réside, en Libye, et en Palestine incluant la Cisjordanie et la bande de Gaza en sachant que le Vietnam a reconnu l’État de Palestine et a établi des relations diplomatiques avec la Palestine le 19 novembre 1988.

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