Economie

Rapport : L’insécurité alimentaire menace la Tunisie (3/3)

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Nous publions aujourd’hui mercredi 20 février 2021 la troisième et dernière partie de la synthèse du rapport intitulé « Situation fragile de la sécurité alimentaire au Maghreb : impact de la crise des céréales de 2021 en Tunisie, en Algérie et au Maroc » édité dernièrement par Le Middle East Institute (MEI) qui est un groupe de réflexion basé à Washington et qui se présente comme non partisan et cherchant à accroître la connaissance du Moyen-Orient.

Le rapport de l’institut spécialisé dans les questions géoéconomiques de la région MENA souligne pour le cas de la Tunisie que l’insécurité alimentaire croissante au pays est devenue un facteur déterminant de la situation politique précaire du pays depuis l’adoption en 2014 d’une nouvelle constitution. Dans la période qui a suivi cet événement, l’insécurité alimentaire a augmenté à un rythme accéléré.

En 2021, il a été estimé que la Tunisie devra importer 70% de ses besoins totaux en céréales et 90% du blé tendre utilisé pour faire de la farine pour le pain et les produits de boulangerie. Au premier semestre 2021, le MEI assure que l’augmentation du taux des importations céréalières de la Tunisie a été de 20,9%, contribuant à un déséquilibre du commerce alimentaire de 290,9 millions de dollars au cours de ladite période, contre 49,4 millions de dollars au cours de la même période en 2020.

On note aussi que l’office des céréales tunisien a acheté 50000 tonnes de céréales blé auprès de négociants européens en juin puis 100000 tonnes supplémentaires en juillet, ainsi que 100000 tonnes d’orge pour l’alimentation du bétail. Mais ces efforts se sont avérés tardives pour stabiliser les prix et aider à apaiser le mécontentement civil.

Jusqu’à présent, les perspectives de sécurité alimentaire de la Tunisie ne se sont pas améliorées sous le régime présidentiel, précise de rapport du think tank international. Le déséquilibre du commerce alimentaire à la fin du 3e trimestre de l’année 2021 s’est établie à 1,32 milliard de dinars, avec des prix des céréales importées en hausse de 23,9% pour le blé tendre et de 12,6% pour le blé dur. Les prix des céréales fourragères ont également augmenté, l’orge enregistrant un bond de 18,4 % et le maïs un pic de 46,9%.

Augmenter la production nationale de céréales de la Tunisie ne sera ni rapide ni facile, conclut le rapport du MEI. La Tunisie a du mal à assurer un approvisionnement suffisant en engrais, dans un contexte de crise mondiale de l’offre, car la flambée des prix de l’énergie a réduit la production dans de nombreux pays d’Asie, d’Europe et d’Amérique du Nord et a provoqué une flambée des prix des engrais.

En octobre 2021, la Tunisie pourrait satisfaire que 25% de sa demande intérieure d’engrais rapporte-t-on. Les approvisionnements intérieurs ont également été considérablement réduits par la fermeture de six mois, de novembre 2020 à mai 2021, de l’usine d’engrais chimiques de Mdhilla à Gafsa en raison de grèves et de manifestations répétées. Même si le gouvernement a autorisé des importations supplémentaires, les agriculteurs tunisiens ont connu une augmentation de 30 à 50 % des coûts des engrais.

La rareté de l’eau est un obstacle encore plus important à la relance de la production agricole, dangereusement exacerbée par les pauvres l’intendance des maigres ressources en eau du pays, dont environ 80 % sont utilisées pour l’agriculture.

Selon le rapport international, la Tunisie a connu des températures record et des sécheresses alternant avec des épisodes de pluies torrentielles et des inondations qui ont fait des ravages sur l’agriculture et l’approvisionnement en eau des humains. Une mauvaise gestion de l’eau et des infrastructures défectueuses rend le pays très vulnérable aux conditions météorologiques extrêmes événements provoqués par le changement climatique. Dans certaines régions de Tunisie, jusqu’à 50% de l’eau est perdue avant d’atteindre le robinet en raison de la mauvaise infrastructure de distribution d’eau.

La sécheresse a également entraîné une grave diminution des réserves d’eau. En septembre 2021, les volumes d’eau dans les barrages tunisiens s’élevaient à 730 millions de mètres cubes (mcm), contre 1,1 milliard de mètres cubes au cours de la même période en 2020. La capacité de stockage d’eau de la Tunisie diminue également en raison de l’envasement croissant de ses barrages. D’ici 2035, les barrages de Mellègue et de R’mal seront complètement envasés, le même sort attend le barrage de Siliana en 2047.

Il y a des solutions à de nombreux problèmes qui contribuent à la crise alimentaire et hydrique de la Tunisie, mais il existe peu de solutions immédiates. La construction de nouveaux barrages, systèmes d’irrigation et installations de dessalement, ainsi que les centrales électriques supplémentaires pour les faire fonctionner, nécessiteront des investissements en temps et en capital. Surtout, les solutions aux problèmes de la Tunisie nécessiteront une planification politique experte et la bonne gouvernance pour mettre en œuvre les mesures.

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Publié par
Mohamed Ben Abderrazek