Economie

Volailles – Pénurie : Le piège tendu par le clan des rentiers

Volailles – Pénurie : Le piège tendu par le clan des rentiers

Le président de la chambre du secteur avicole, Wassim Boukhris a lancé hier une alerte contre une hausse vertigineuse très probable des prix des produits avicoles. Il a assuré, à cet effet, que face à l’absence d’appui aux petits éleveurs, le prix des œufs connaîtra une augmentation énorme à tel point que les 4 œufs seront vendus à 3 dinars. Boukhris a assuré que les œufs en vrac produits par les petits aviculteurs pourraient disparaitre du marché.

Rappelons d’abord que l’aviculture en Tunisie est un secteur stratégique. Elle représente 33% de la production animale, 12% de la production agricole, 59% de la production de viande et offre 15000 emplois. Après 2011 et particulièrement en 2012, le secteur a connu une libéralisation alors qu’il était basé depuis 1987 sur un système de quota et de programmation des importations. Cette libéralisation a été établie sans toutefois mettre en place une solution de remplacement ce qui a entrainé la perturbation de la chaîne de production.

En l’absence de structure représentative agricole efficiente et vu la démission des autorités de tutelle, le secteur n’a cessé de connaitre durant la dernière décennie des crises récurrentes de plus en plus sévères. Ces perturbations ont souvent pour origine la désorganisation des circuits d’approvisionnement et de commercialisation et l’emprise croissante des spéculateurs et contrebandiers.

En outre, la libéralisation, les importations anarchiques ont favorisé l’émergence de nouveaux acteurs, tels que les contrebandiers, les intermédiaires et a renforcé la position de certains entrepreneurs qui se sont transformés en simples rentiers faisant leur business au détriment des éleveurs et des créateurs de valeur ajoutée.

L’emprise de ces acteurs sur les ressources du secteur et leur effet particulièrement néfaste sur les petits éleveurs est d’autant plus importante que les gouvernements successifs se sont progressivement désengagés de l’encadrement et du soutien de ce secteur vital sous la pression de ces lobbies qui ont investi aussi la vie politique et qui ont su soutirer de nouveaux avantages en écrasant au passage, petits éleveurs et consommateurs.

Asservis par les lobbies et rentiers du secteur, les petits éleveurs devenus de simples salariés précaires séquestrés par ces gens sans scrupules, ne cessent d’exprimer leur détresse en signalant que l’alimentation de volaille fait l’objet de monopole et de trafic à grande échelle au point que la pénurie est la devenue la règle. L’importation et la commercialisation de ce produit stratégique se base principalement sur l’importation de tourteau de soja et de maïs.

L’alimentation animale est devenue le monopole d’une poignée de sociétés privées dont une qui a bénéficié d’une exonération fiscale et qui pratique une entente illicite avec les autres acteurs du secteur concernant les prix de vente aux petits aviculteurs.

Face à cette situation, un grand nombre de petits éleveurs ont fait faillite et plusieurs ont vendu leurs propriétés pour rembourser leurs dettes, tandis que les gouvernements successifs et l’UTAP sous l’emprise d’Ennahdha, gardent le silence.

En outre, les fournisseurs rentiers soutenus, entre autres, par le régime déchu des islamistes augmentent toujours les prix des aliments destinés à la filière, en dépit de la stabilité du taux de change du dinar par rapport aux devises étrangères et de la baisse des prix sur le marché mondial.

Récemment, le ministère du commerce a décidé d’appliquer la loi de 1991 modifiée en 2015 et relative à la concurrence et les prix en se basant sur son article 4 qui stipule qu’ en vue de « faire face à des hausses excessives ou un effondrement des prix, des mesures temporaires motivées par une situation de crise ou de calamité, par des circonstances exceptionnelles ou par une situation de marché manifestement anormale dans un secteur déterminé, peuvent être prises par arrêté du ministre chargé du commerce et dont la durée d’application ne peut excéder six mois ».

Le ministre du commerce a pris la décision de fixer les prix des volailles, au niveau de toute la chaine de production et ce, sans limiter dans le temps l’application de sa décision. Il s’agit selon certains observateurs, d’une erreur car le plafonnement des prix ne doit être que temporaire en attendant des solutions durables qui raniment la chaine de production en soutenant directement les petits éleveurs.

En cas de plafonnement des prix, les gros producteurs et leurs fournisseurs vont continuer la production et la commercialisation tout en approvisionnant en intrants les petits éleveurs jusqu’à épuisement des stocks. Une pénurie s’installera par la suite pour un aliment de base pour les consommateurs ce qui ravivera systématiquement la spéculation, la hausse des prix et la contrebande et certes le mécontentement social qui en découle.

Les clans qui dominent le secteur avicole et leurs complices savent pertinemment que les problèmes du secteur, qu’ils ont d’ailleurs créé eux même, sont structurels, en conséquence, la régulation des prix donnera un effet contraire et sera à leur faveur dans peu de temps. Ainsi, les efforts pour la préservation du pouvoir d’achat, cheval de bataille du président, risquent d’être éphémères voire même donner l’effet non escompté.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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