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France-Chronique d’un naufrage collectif : Attal défendait le port du voile, maintenant il veut traquer les fillettes dans la rue et punir leurs parents

France-Chronique d’un naufrage collectif : Attal défendait le port du voile, maintenant il veut traquer les fillettes dans la rue et punir leurs parents

Le thème phare de la campagne de la prochaine élection présidentielle ne sera pas l’état des finances de la France ou de son économie (trop technique et rebutant comme sujet mais surtout trop déprimant), ce sera “l’entrisme islamiste“. Le champion de la droite, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, a imposé le cap et donné le tempo, tout le monde suit, y compris le président Emmanuel Macron, qui n’a pas formellement acté sa retraite politique après son second mandat. Il y en a un qu’on a peu entendu dernièrement : l’éphémère ancien Premier ministre Gabriel Attal. Il devait sans doute chercher un moyen de “briller” de nouveau, il pense l’avoir trouvé : L’islamisme rampant. Attal n’a pas cherché bien loin.

C’est parti pour la surenchère politique et électoraliste

Le chef de file de Renaissance, la formation présidentielle, a dégainé quelques heures avant la publication par le gouvernement d’un rapport détonnant sur “l’entrisme islamiste” en France. Attal a frappé avant la tenue du Conseil de défense piloté par le président Macron, hier mercredi 21 mai, une rencontre qui a fait beaucoup de bruit. L’ancien Premier ministre a formulé trois propositions choc pour contrer l’islam politique en France : il veut l’interdiction du voile dans l’espace public pour les jeunes filles de moins de 15 ans et l’instauration du délit de contrainte au port du voile contre les parents qui obligeraient leurs filles mineures à se couvrir.

Il propose également, après la loi contre le séparatisme votée en 2021, une deuxième «loi contre l’entrisme islamiste (…). Il faut agir» face à l’islamisme radical, a clamé Attal hier mercredi à la salle des Quatre Colonnes de l’Assemblée nationale…

Une loi qui viendrait s’ajouter à une pléthore d’autres lois inappliquées ou très mal appliquées, parce qu’impossibles à appliquer techniquement et matériellement. La seule logique de cette surenchère est politique et électoraliste, il n’y en a pas d’autre. Imaginez le tableau : mobiliser des milliers de policiers pour traquer les filles voilées dans la rue, leur demander leur pièce d’identité pour s’assurer qu’elles sont mineures avant de leur ôter ce morceau de tissu. Les Républiques islamiques ont leur Police religieuse, la France aura sa Police laïque.

Imaginez la pression sur les agents et la tension dans la rue, avec la possibilité que beaucoup de filles se mettent subitement à se voiler non pas par conviction mais par simple provocation, pour manifester leur indignation face à la stigmatisation ou pour faire le buzz. Imaginez le chaos dans les rues des villes. Imaginez la traque de leurs parents pour faire le distinguo entre ceux qui contraignent leurs filles à se voiler – ils seraient punis par la loi – et ceux que les choix vestimentaires de leurs filles dépassent complètement.

Le fauteuil de Macron à tout prix, même au prix de l’implosion sociale

Il se dit que les propositions d’Attal ont été usinées dans le parti durant plusieurs mois, que c’est la première partie d’un chantier plus global pour requinquer Renaissance après la débâcle des législatives anticipées. Mais il y a aussi le combat pour la survie politique du député des Hauts-de-Seine, dont l’autorité et surtout le statut de candidat naturel à la présidentielle sont contestés par les ténors du centre. Pour passer Attal devra écraser le ministre de la Justice Gérald Darmanin et l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, qui lorgnent tous le palais de l’Elysée.

Ce combat fratricide passera par ladite lutte «contre l’entrisme islamiste». Manifestement Attal n’a pas digéré son bref passage à Matignon, à peine 8 mois. Le plus jeune Premier ministre de la 5e République, à peine 34 ans, n’avait pas caché sa mauvaise humeur quand par la faute de la dissolution ratée de Macron son gouvernement a explosé en plein vol. Il croyait avoir bétonné son affaire après quelques décisions fortes, dont l’interdiction de l’abaya et du qamis à l’école. Il croyait avoir trouvé sa rampe de lancement pour la succession du chef de l’Etat, ce dernier a tout envoyé valser. Attal devra tout recommencer.

Pourtant le socialiste qu’il était en 2016 s’était opposait à Manuel Valls quand il a voulu interdire le burkini. Idem quand il était secrétaire d’État à la Jeunesse, en 2021, il s’était  dressé contre Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale de l’époque, qui voulait restreindre le périmètre de la laïcité et serrer la vis sur l’islamisme. Rappelons également que le 28 octobre 2019 Attal défendait fermement ceci sur le plateau d’Apolline de Malherbe : «L’exercice d’une religion est un droit individuel, on peut exercer une religion, on peut porter le voile si on le souhaite quand on est une femme».

Les collaborateurs de l’ancien Premier ministre rejettent tout reniement ou revirement sur ses idéaux, ils arguent que «Gabriel a toujours défendu la fermeté sur ce sujet, dans tous les ministères où il est passé, il a œuvré en ce sens. C’est au cœur de son engagement politique». Le croiront ceux qui voudront, nous ce qu’on retient c’est que le parti présidentiel a bougé, mué même…

Le “phénomène” Retailleau empoisonne leurs esprits

En 2021, quand la loi contre le séparatisme a été mise sur la table, les députés Renaissance Aurore Bergé et Jean-Baptiste Moreau avaient choqué leurs camarades en proposant un amendement pour interdire le port du voile pour les «fillettes». Le Premier ministre de l’époque, Jean Castex, avait fermé la porte à cette idée en expliquant que «le sujet ne fait pas partie de notre agenda, car nous ne confondons pas l’expression de la foi religieuse et les atteintes aux valeurs de la République».

Les temps changent : Attal l’ancien socialiste court «après la droite et l’extrême droite». Ce qui a changé entre temps ce n’est pas la menace grandissante de Philippe ou Darmanin, ou encore la droite, créditée d’à peine 10% des voix à la présidentielle de 2027, ce qui a changé c’est le “phénomène” Retailleau. Enfin, un phénomène qui s’est auto-imposé, à coups de slogans et propositions plus que douteuses. Mais le fait est que la mayonnaise prend dans l’opinion publique…

Elle prend aussi dans son propre camp, les Républicains – la droite – ; le ministre de l’Intérieur a écrasé son challenger pour la présidence du parti (plus de 74% des voix) et maintenant cap sur l’Elysée. Le Premier flic du pays, ministre le plus populaire du gouvernement, a tellement la cote que d’après un récent sondage Cluster17 pour “Le Point”, 59% des électeurs de la Macronie aux élections européennes en 2024 le veulent comme candidat en 2027. C’est cela qui terrifie Attal au point de tourner casaque sur le voile, la laïcité et tout le toutim.

L’ancien Premier ministre était le mieux placé – dans les sondages – pour s’imposer au centre et siphonner les voix de la droite, la donne a changé. Il fera feu de tout bois pour inverser la tendance, une débauche d’énergie que les musulmans de France payeront cher, la République et ses valeurs le payeront très cher également.

 

 

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