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Barrages et changements climatiques : une course contre la montre pour la sécurité hydrique

Barrages et changements climatiques : une course contre la montre pour la sécurité hydrique

Un Héritage Ancien, un Défi Moderne

Depuis des temps immémoriaux, l’homme s’est lancé dans un combat titanesque contre les éléments naturels, cherchant à maîtriser les montagnes et les rivières pour mobiliser l’or bleu. Cette aventure humaine, digne des récits de Jules Verne, a donné naissance aux gigantesques barrages que nous connaissons aujourd’hui.

Cependant, au XXIe siècle, une nouvelle réalité émerge. Les sites propices à la construction de ces mastodontes hydrauliques se font de plus en plus rares, sous la pression croissante des défenseurs de l’environnement. Ces derniers plaident en faveur de l’abandon de la construction de nouveaux barrages, arguant que la nature doit retrouver sa place.

La Guerre Hydrique Invisible

Pourtant, une guerre hydrique sourde se joue également sous nos yeux. Le changement climatique et la sécheresse menacent notre planète, mettant en péril l’accès à l’eau pour une grande partie de la population mondiale. Cette bataille, aussi silencieuse que cruciale, oppose l’homme à un environnement de plus en plus imprévisible.

Les enjeux sont considérables, allant au-delà des simples besoins en eau. La question de l’accès au développement durable se pose avec acuité, car sans eau, pas de progrès possible.

Barrages Face aux Crises Climatiques

Cependant, ces défis ne représentent que la partie émergée de l’iceberg. Il est impératif de se demander si nos barrages, les gardiens de notre précieuse ressource en eau, sont prêts à faire face aux crues de plus en plus violentes dues au changement climatique.

Entre la menace de sécheresse et les inondations dévastatrices, le climat joue un rôle clé. Les épisodes de pluies sont devenus rares mais d’une intensité redoutable. Des études récentes menées sur des bassins versants significatifs ont révélé une réalité troublante : les apports en eau sont en baisse, mais les débits de crue atteignent des niveaux alarmants, augmentant de 50 à 100 %, voire plus, dans certains cas.

Face à cette évolution, il est impératif de réévaluer nos infrastructures hydrauliques. Nos barrages seront-ils en mesure de résister à des crues exceptionnelles, rares soient elles? Les évacuateurs de crues disposent-ils de la capacité nécessaire pour gérer ces débits sans compromettre l’intégrité des digues principales ? Devons-nous envisager des adaptations et un redimensionnement des ouvrages d’évacuations ? Des ajustements sont-ils requis pour accroître la capacité de stockage des barrages, souvent obstrués par les sédiments ?

Leçon Tirée de la Catastrophe de Derna

Revenons à la tragédie qui a frappé la ville de Derna. Les deux barrages en cascade, construits dans les années 70, ont une capacité de stockage totale de 24 millions de mètres cubes d’eau. Cependant, cette valeur est désormais obsolète en raison de l’envasement croissant, qui réduit considérablement la capacité utile des réservoirs au cours des années et aussi par rapport au volume de la crue exceptionnelle survenue le jour de la catastrophe (on parle d’une crue de 100 Millions de m3) ! .

Le survol de la zone a révélé que les évacuateurs de crues, de type puits, étaient conçus pour des débits de crue faibles. Bien que nous ne puissions affirmer que les concepteurs aient sous-estimé les débits potentiels, il est clair que des adaptations sont nécessaires pour tenir compte des nouvelles données hydrologiques, influencées par les changements climatiques. La destruction du barrage situé en aval est la conséquence de la destruction du premier barrage qui se trouvait à l’amont.

Vers une Modernisation Urgente

Il est crucial d’envisager la construction d’évacuateurs de crues de surface sous forme de canaux à ciel ouvert. La morphologie et la topographie des rives le permettent, et cette mesure serait à la fois abordable et à la portée des entrepreneurs locaux.

De plus, ces barrages, situés en amont de la ville, doivent être mis en conformité avec les nouvelles normes de sécurité des barrages du Comité International des Grands Barrages.

La catastrophe de Derna a révélé des failles graves dans la gestion de la crise. Le barrage en amont a été submergé, non pas par défaut d’entretien, mais en raison de sa vulnérabilité structurelle face à une crue aussi brutale. De plus, le système d’alerte n’a pas été activé en temps voulu, entraînant un bilan humain tragiquement élevé. Il est également inquiétant de constater que la population continue de construire dans le lit de l’oued en toute impunité.

En conclusion, il est important de rassurer nos concitoyens que nos barrages ne sont pas à l’abandon ni hors de contrôle. La majorité d’entre eux sont interconnectés par des ouvrages de transfert ce qui leur donne plus de sécurité. Cependant, la prudence reste de mise, et une modernisation urgente de nos infrastructures hydrauliques s’impose pour faire face aux défis climatiques croissants.

Par R.C Barragiste

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