La France et surtout son ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, en a fait un sujet phare ; la sentence est tombée ce jeudi 27 mars mais ce n’est certainement pas l’épilogue de cette épineuse affaire. L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal a écopé d’une peine de prison de 5 ans ferme assortie d’une amende de 500 000 dinars (quelque 3500 euros). Rappelons que le procureur du Tribunal de Dar El Beida, à l’est d’Alger, avait requis 10 ans et 1 million de dinars d’amende. Ce verdict tombe une semaine après le procès «surprise» et express (20 minutes à peine), le jeudi 20 mars 2025, devant la même juridiction…
Les mauvais bruits se dégonflent comme une baudruche
Pour rappel Sansal est accusé d’atteinte à l’unité nationale, d’outrage à corps constitué (notamment l’armée), d’atteinte à l’économie nationale et de détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité nationales. L’accusation d’«intelligence avec l’ennemi» qui lui a été notifiée le 13 mars par un Tribunal criminel a été abandonnée. Ce qui en soi était déjà un signal qu’on peut qualifier de positif dans cette affaire qui cristallise les tensions entre Paris et Alger.
L’écrivain s’est présenté au tribunal «cheveu court et apparemment en bonne santé, sans menottes», rapporte le journal français Le Point, ce qui contredit les bruits sur la dégradation de sa forme physique et les conditions de sa détention. Sansal s’est défendu seul après avoir congédié ses avocats. «Mes propos ou écrits étaient simplement une opinion personnelle, j’en ai le droit comme tout citoyen algérien. Je n’ai pas mesuré l’impact que pouvaient avoir certaines de mes déclarations sur les institutions nationales [algériennes] et je n’avais nulle intention de nuire à l’Algérie», a plaidé l’écrivain devant le Tribunal.
Un avocat d’office lui avait été imposé par le tribunal, mais puisqu’il comparaissait en correctionnelle «il peut se passer de se faire représenter», commente un avocat algérois. Sansal a répondu en français au juge, en arguant qu’il ne comprend ni l’arabe classique, langue officielle durant les audiences, ni le dialecte algérien. Le magistrat est revenu sur les informations trouvées dans son téléphone, son ordinateur et ses clés USB, il a reproché à l’accusé «des messages sur WhatsApp échangés avec l’ex-ambassadeur de France [Xavier Driencourt] contenant des atteintes contre l’armée et les institutions»…
Sansal, avec un calme apparent, a reconnu les faits tout en indiquant qu’il s’agissait d’«échanges banals sans qu’il y ait une insulte». Mais il a tenu à dire que ces causeries sur WhatsApp, entre amis, relevaient de «la liberté d’expression». Le juge est revenu sur ce point en évoquant des «messages» échangés avec un certain «Yazid», membre du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK, classé entité terroriste par Alger). «Vous lui avez envoyé des messages de soutien à la cause séparatiste», avait asséné le juge. Mais Sansal a énergiquement nié l’envoi de ces messages.
Les charges abandonnées, Ségolène Royal, la visite de Barrot à Alger : Les signes de la désescalade sont là
Par contre les propos fracassants et lourds pénalement – jusqu’à la condamnation à mort – sur la «marocanité» de l’Ouest algérien, que l’écrivain a tenus dans le média “Frontières”, n’ont pas été évoqués par le juge. Là aussi c’était déjà un signal positif. L’accélération de la procédure judiciaire donne des indications sur les intentions des autorités algériennes. Le bâtonnier d’Alger, Mohamed Baghdadi, a confié à un média local qu’il est «agréablement surpris puisqu’il y a eu une forme d’apaisement, le juge d’instruction a requalifié les faits en considérant que ce sont beaucoup plus des délits»…
On est passé du criminel au correctionnel dans ce dossier, ce n’est pas rien. «Compte tenu de l’ampleur que cela a prise, c’est une façon aussi de faire en sorte qu’il y ait une accélération judiciaire de manière à permettre d’aller vers une forme de décrispation», a ajouté le bâtonnier d’Alger. «L’idée qui circule à Alger est de faire vite condamner Sansal pour ouvrir la voie à une grâce présidentielle», corrobore un autre avocat algérois. Mais pour cela il faudrait que ni le Parquet ni Sansal ne fassent appel.
«Je ne peux présager de rien», avait répliqué le président Abdelmadjid Tebboune, interrogé sur cette affaire par le journal français “L’Opinion” en février dernier. Ce qu’on sait c’est que l’ancienne ministre Ségolène Royal, citée par Tebboune parmi les personnalités françaises capables de recréer une dynamique positive entre Paris et Alger, a formellement demandé au chef de l’Etat algérien de gracier Sansal. On sait aussi que le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, pourrait visiter Alger début ou mi-avril pour évoquer des dossiers clés dont certainement l’affaire Sansal…
Barrot a tendu la perche depuis janvier dernier et il y a un eu un rapprochement très discret dernièrement, consolidé par les signaux d’apaisement émis par le président algérien dans sa sortie télévisée du 22 mars. Le voyage du chef de la diplomatie française est mûr. Il est grand temps de dégonfler le funeste argumentaire électoraliste du ministre de l’Intérieur français, sa rampe de lancement pour la présidentielle de 2027.
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