L’état de la Tunisie c’est la décision surréaliste du vice-président de la mairie de Skhira, à Sfax, qui nous le dit le mieux : Larguer les amarres pour émigrer clandestinement vers l’Italie. Un opprobre de plus sur le dos de la Tunisie et que toutes les explications du monde sur la situation précaire de cet homme ne pourront pas laver…
L’affaire n’a pas fait grand bruit, entre les facéties de Lotfi Abdelli et une rue stressée dont le seuil de tolérance descend chaque jour un peu plus bas. La symbolique de l’étrange voyage de ce cadre de la mairie de Skhira est beaucoup plus forte que les indignations un peu surfaites d’une star de l’humour et les réactions sur les réseaux sociaux qui le sont tout autant. Mais voilà, le pays en a tellement vu que même la migration clandestine d’un homme de ce rang ne fait presque plus tiquer personne…
Ainsi va la Tunisie, ou plutôt ne va pas. Tout le monde ou presque veut prendre le large. Je ne parle pas seulement de l’écrasante majorité des jeunes diplômés des universités publiques, je vous parle des médecins, des ingénieurs, des cadres administratifs, des maçons, des plombiers, etc. Tout le monde a des envies d’ailleurs parce que les horizons semblent bouchés. Et ça en soi c’est le pire qui puisse arriver à un pays car cela démobilise, casse l’élan national vers le sursaut économique…
L’herbe n’est pas forcément plus verte ailleurs mais qu’en sait la grande majorité des aspirants à l’exil ? Les bagnoles rutilantes des Tunisiens résidant à l’étranger et les sourires étincelants des touristes étant la seule carte postale à disposition, le rêve occidental prospère en terre tunisienne où il suffit de regarder la mine des citoyens pour se rendre compte que quelque ne tourne pas rond…
L’état de la Tunisie c’est ce qui s’est passé hier lundi 9 août dans la matinée sur la route X qui nous le dit le mieux. Un cortège de jeunes a subitement barré le tronçon entre les sorties de Menzah 6 et Ariana, créant un embouteillage monstre ; tout ça pour faire des selfies et balancer quelques fumigènes. Leur méfait accompli, ils ont libéré la voie et sont repartis comme ils sont venus, sans être inquiétés le moins du monde…
C’est aussi ça la Tunisie, des incivilités et des anomalies à la pelle, dans une indifférence générale qui crée une émulation vers le plus absurde, le plus choquant, le plus violent. Les Tunisiens repoussent chaque jour un peu plus leurs limites, cela a commencé le fameux 14 janvier 2011 et s’est formidablement accéléré depuis…
Comment tout cela va se terminer ? Nul ne le sait. C’est presque aussi mystérieux que cette terrifiante découverte scientifique sur l’accélération de la vitesse de rotation et de révolution de la Terre. Les jours s’accélèrent, le temps s’accélère, la perte de valeurs aussi et pas seulement en Tunisie.
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