Economie

La santé des femmes tributaire de l’interprétation d’une simple circulaire

La santé des femmes tributaire de l’interprétation d’une simple circulaire

Mercredi 18 mai 2022, le directeur général du Centre de maternité et de néonatologie de l’hôpital Wassila Bourguiba, Dr Hafedh Dakhlaoui, a apporté un certain nombre de précisions concernant l’obligation de présenter un contrat de mariage avant de bénéficier des services du centre.

Dans une déclaration à une radio locale, Dr Dakhlaoui a expliqué que la circulaire n° 41 du mois du 3 juin 2000, stipule que les femmes enceintes doivent présenter leur carte d’identité nationale, leur carnet de soins et le contrat de mariage ou un extrait de naissance récent dans les services de génécologie-obstétrique des hôpitaux et des centres de soins publics.

Il a ajouté qu’en ce qui concerne les maladies gynécologiques, les femmes concernées doivent présenter uniquement la carte d’identité nationale et le carnet de soins, sans obligation de présenter le contrat de mariage. Dr Dakhlaoui a ajouté que toutes les citoyennes peuvent se rendre dans les hôpitaux pour recevoir tout autre service de santé, comme des radiographies, sans présenter le contrat de mariage.

Bizarrement, la circulaire n° 41 du 3 juin 2000 exige la présentation d’une pièce d’identité et pas le contrat de mariage et ce, pour vérifier les identités des mères car un certain nombre d’entre elles, les mères célibataires, déclarent de fausses identités et certaines abandonnent leurs enfants…

Aucune loi en Tunisie ne fait, d’ailleurs, mention d’aucune demande de contrat de mariage pour une consultation dans les services de génécologie-obstétrique qu’il s’agisse de mères célibataires ou de femmes mariées.

Exiger la présentation d’un contrat de mariage dans les centres de maternité serait un excès de zèle de la part des bureaucrates de la santé publique ou bien une fausse interprétation de la circulaire.

L’incursion des autorités en milieu hospitalier remet en cause la question de la déontologie médicale et transforme l’hôpital en instance d’inquisition qui ne représente plus pour les femmes en général et les mères célibataires un milieu de soin, mais plutôt un milieu régi par la logique du contrôle social l’associant à un espace de stigmatisation.

La peur de la stigmatisation au sein de l’hôpital représente des causes qui peuvent pousser des femmes enceintes hors mariage à faire des tentatives d’avortement en utilisant des substances abortives illégales ou traditionnelles et encourage les femmes à abandonner l’enfant.

Une telle circulaire déterminerait dans une large mesure le choix du milieu d’accouchement (médical, non médical), le choix du secteur (privé, public) et aussi des structures hospitalières. La peur d’être confrontées aux autorités amène des femmes enceintes hors mariage à opter pour l’accouchement à domicile, s’exposant ainsi au risque, elles et leurs bébés (complications, mortalité, etc.).

L’accouchement dans des milieux non médicalisés favorise les possibilités de l’abandon de l’enfant au regard de l’absence de toute preuve reliant l’enfant à sa mère biologique. Les mères célibataires ayant des moyens recourent aux structures de soin privées au regard de la qualité de la prise en charge médicale. Toutefois, faute de moyens pour un certain nombre d’entre elles, des mères célibataires se dirigent vers les services de maternités publiques là où la bureaucratie risque de les stigmatiser.

Loin de donner des leçons à nos médecins qui mènent un combat quotidien pour soigner leurs patients et patientes dans des conditions souvent difficiles, il est impératif que les autorités de tutelle abrogent cette circulaire anticonstitutionnelle et contraire aux droits humains les plus élémentaires à savoir recevoir des soins.

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