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Ma vie: Fonctionnaire et vendeur à la sauvette de casse-croûtes Ayari- عياري avec 02 CIN.

Ma vie: Fonctionnaire et vendeur à la sauvette de casse-croûtes Ayari- عياري avec 02 CIN.

Tunisie Numérique a mené une série d’interviews auprès des familles tunisiennes pour savoir comment elles gèrent leurs budgets en ces temps de crise que traverse le pays.

Ces tunisiens proviennent de différentes classes sociales, sont d’âges différents et habitent dans des quartiers aussi bien huppés que populaires. Ils ont accepté volontairement de répondre de manière spontanée et anonyme aux questions de Tunisie Numérique. Les récits ont été retranscrits tels quels.

Le mari : Nidhal, 45 ans, agent public et vendeur ambulant de « Casse-croûte ».

La femme : Zohra, 38 ans, femme au foyer  

Le couple habite à Mnihla avec leurs trois enfants : deux garçons et une fille :

– L’aîné, Ahmed Fethi, le  a de 16 ans, il est en formation professionnelle. Il apprend le métier d’ébéniste.

– La cadette, Nahla a 10 ans. Il est élève et va à l’école de Douar Hicher

– Halim est le benjamin de fratrie. C’est la mascotte de la famille qui l’appelle « Halloum». Il  a 6 ans, c’est le ‘‘greyed laecheقريد العش-  ‘’. Il en première année primaire.

Nidhal, le fonctionnaire

Nidhal se confie à nous : « Je travaille comme agent dans administration publique. Mon travail consiste principalement à archiver et à classer des documents, faire des photocopies à la demande, je distribue également les journaux aux cadres de l’administration. On me confie aussi la distribution des bons d’essence et des tickets repas. Seuls les directeurs avec une voiture de fonction bénéficient de ses bons de carburant ».

Nidhal touche un salaire net de 1.020 dinars par mois.

C’était plus facile avant

Nidhal continue : « Ma situation financière était bien meilleure, durant les premières années de mon mariage. Mon salaire suffisait pour vivre et même pour épargner et en mettre de coté. Ma femme travaillait et m’aidait beaucoup ».

Nidhal rit timidement et lance : « C’est Zohra qui nous faisait vivre ! Elle avait son commerce de Mlewi-ملاوي et Khobz Tabouna-خبز طابونة à Bab El Khadra ».

Nidhal rajoute : « Après quelques années de mariage, on a eu les enfants. La vie devenait de plus en plus chère, de plus en plus diffcile…. Et un jour, ma femme a arrêté de travailler. Notre vie a basculé… Hamdoullah ».

Nidhal lance un long soupir et dit : « Zohra et moi avions de rêves, plusieurs rêves. On voulait voyager, acheter une voiture…mais nous étions vite désenchantés et rattrapés par la réalité. On n’a rien pu réaliser ».

Nidhal donne plus de détails : « On vit dans une vieille maison de 2 pièces. J’ai un loyer de 320 dinars, car je suis un ancien locataire. Après le loyer, il ne me reste que 700 dinars ‘‘Nmout fihom we nahya fihom- نموت فيهم ونحيا فيهم‘’ je dois me débrouiller avec ça pour faire vivre la famille ».

Nidhal revient sur sa vie aux coés de Zohra : « Avant on s’entraidait, moi et ma femme, mais elle a arrêté son projet à cause d’une maladie chronique contractée suite aux chocs thermiques qu’elle recevait en faisant le pain. Zohra a été obligée de rester à la maison. Elle a essayé de faire autre chose, mais j’ai vu qu’elle était trop faible, j’ai décidé qu’elle ne devait plus se fatiguer. C’était trop risqué et je tiens beaucoup à elle ».

Nidhal nous dit encore : «Hamdoullah, dieu nous a gâté avec les enfants qui sont un don du ciel. Mais les dépenses pour les enfants sont sans limites : couches, lait, vêtements…Ca ne s’arrête jamais ! ».

Nidhal rajoute : « Ma femme a accouché dans une clinique, nous n’avons pas confiance en les hôpitaux publics. Avant, j’avais une voiture populaire : Une Opel Corsa que j’ai du vendre pour pouvoir vivre. Je ne m’en sortais plus avec un seul salaire, pourtant mon frère m’aidait financièrement ».

Nidhal continue : « Les 02 enfants ont grandi. Hamdoullah ils sont en bonne santé. Mais avec l’arrivée de notre troisième enfant, mon salaire ne suffisait même pas pour 7 jours ! Wokfet zanka bel hareb – وقفت الزنقة بالهارب. Voyez par vous-même : je me réveille le matin , on prend le petits déjeuner, on prépare le goûter pour les enfants, c’est déjà  10 dinars par jour, sans parler des couches, des déjeuners, etc. ».

Nidhal rit jaune et lance avec amertume : « Certains jours, je dépense ma giornata-جورناتا avant même d’arriver au travail ! Avec l’accord de ma femme, j’ai décidé de travailler au noir ».

Deuxième travail:  vendeur des sandwichs à la sauvette.

Nidhal nous raconte l’histoire de ses 2 cartes d’identité : « Depuis un moment je possède 2 CIN. Dans la première c’est indiqué : travailleur journalier, j’ai eu cette carte quand j’étais jeune et au chômage. Quand j’ai commencé à travailler dans la fonction publique, j’ai déclaré la perte de ma CIN, pour la refaire et j’ai gardé l’ancienne ».

Nidhal donne plus de détails : « Mon frère m’a aidé avec un peu d’argent et j’ai aussi pris un micro- crédit pour acheter et équiper ma charrette. J’achète en gros les boîtes de thon, d’harissa et de sardines ainsi que tout le nécessaire pour faire les sandwichs Ayari- عياري ».

Nidhal décrit sa journée : « Le matin sur la route au ministère, je commande le pain. Vers 14 heures je quitte mon premier boulot et je pars vendre mes sandwichs, chaque fois dans un endroit différent. Bien sûr, je m’éloigne de mon travail principal, je choisis les lieux animés, comme les terminus de métro, par exemple. Hamdoullah, celui qui travaille trouve son compte ».

Nidhal rajoute : « Je vends ce que je peux et je rentre. Chaque fois la recette est différente. Je me fixe un objectif minimum de 50 dinars de bénéfices par journée. J’arrête si l’objectif est atteint et que je suis fatigué, sinon, je continue ».

Nidal fait ce travail depuis 6 ans, depuis la naissance de son troisième enfant. Il dit à ce sujet : « C’est vrai, ma vie est devenue très dure. Je n’ai pas d’autres solutions pour subvenir aux besoins de ma famille. Après tout, je ne vole pas et je ne nuis à personne » .

Zohra soutien Nidhal

Zohra prend la parole : « Mon mari était obligé de prendre ce deuxième boulot. Nos dépenses ont explosé et avec son seul salaire, on ne s’en sortait plus. Moi, malheureusement, je suis trop fatiguée, ma santé ne me permet plus de travailler pour l’aider ».

Les charges fixes :

  • Loyer 320 dinars par mois
  • SONEDE : 30 dinars par trimestre
  • STEG: 100 dinars chaque 2 mois.

Zohra nous dit en plaisantant : « La télé est allumée toute la journée, parce que je suis à la maison. Elle me tient compagnie. Pour Internet on payait 32 dinars et puis ils ont dit que maintenant c’est 42 dinars par mois. Quand on a réclamé, ils ont dit que le débit a été augmenté, on ne peut plus le baisser, le prix a augmenté automatiquement ! »

Zohra continue : « La nourriture, les goûters des enfants et leurs études, supposées gratuites, nous coûtent très cher. Depuis que mon mari a sa charrette, on vit mieux. Le seul problème est qu’on se dispute beaucoup plus, on ne se voit pratiquement plus. Il ne rentre à la maison que pour dormir et se réveille tôt pour aller à son travail au ministère ».

Zohra rajoute : « Pour l’Aïd, on achète des tenues neuves pour les trois enfants, c’est obligatoire ! Pour eux aussi on sacrifie le mouton chaque année à l’occasion de l’Aïd Kebir. On n’a pas de vacances en été. Parfois, on va à la plage avec la voiture du mari de ma sœur qui nous la prête pour la journée. Moi et mon mari on vit sans argent de poche. Nos priorités sont le loyer, les factures et les dépenses pour nos enfants ».

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