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Ma vie: Homme divorcé, vit seul à Tunis

Ma vie: Homme divorcé, vit seul à Tunis

Tunisie Numérique a mené une série d’interviews auprès des familles tunisiennes pour savoir comment elles gèrent leurs budgets en ces temps de crise que traverse le pays.

Ces tunisiens proviennent de différentes classes sociales, sont d’âges différents et habitent dans des quartiers aussi bien huppés que populaires. Ils ont accepté volontairement de répondre de manière spontanée et anonyme aux questions de Tunisie Numérique. Les récits ont été retranscrits tels quels.

Ismail a 33 ans. Il habite à Fouchana en banlieue Sud de Tunis.

Ismail nous confie : « Je suis originaire de Tataouine. J’ai fait mes études à Tunis et je suis diplômé en beaux-arts. Je suis photographe et j’ai aussi une formation en pâtisserie. Je me bas pour m’en sortir ».

Ma belle famille avait honte de mon accent

Ismail nous raconte : « Je me suis marié à 29 ans. J’ai divorcé au bout de 2 ans de mariage. Maintenant je vis seul. C’est ma femme qui a eu la garde de notre fils Ghassen qui a presque 2 ans. Je n’étais pas au goût de ma belle-famille. Je ne voulais pas divorcer, on venait d’avoir le bébé, j’adore mon fils».

Visiblement attristé, Ismail continue : « Ma femme a trop écouté sa famille, qui lui disait que je parle avec un accent et que je leur fait honte. Pourtant ils savaient qui je suis :  On a étudié ensemble à la fac, moi et ma femme, c’était là où on s’est connus ».

Ismail nous précise : « Je vis à Tunis depuis mes 19 ans, j’ai fait mes études ici, j’ai beaucoup d’amis. Je suis resté moi-même et j’ai décidé de garder mon accent du sud, c’est mon identité. Je connais des gens qui ont déménagé à Tunis et parlent comme les tunisois, pas moi.  Je suis du Sud et je suis fier de mes origines ».

Ismail nous parle de sa belle famille : « L’attitude de la belle-famille a empiré après le mariage. Ils ont refusé de me recevoir chez eux. Six mois après mariage, ma femme a commencé à me parler de mes origines, de mon accent, elle me faisait des remarques et on a commencé à se disputer. Après chaque dispute, elle est partait chez sa famille »

Ismail, s’arrête de parler, regarde le ciel puis reprend : « Un jour elle est partie et n’est plus rentrée. Elle a demandé le divorce. Sa famille m’a menacé de porter plainte contre moi pour violences, pour m’obliger d’entamer la procédure de divorce.  Je n’ai jamais violenté ma femme.  Je ne voulais pas divorcer. Sa famille l’a manipulé, je n’étais pas assez ‘‘prestigieux’’ pour elle et je n’étais pas de leur rang. C’était un beau gâchis Wallah Hram-  والله حرام  ».  

Quand on se marie avec une personne, on ‘‘épouse’’ aussi sa famille.

Ismail tient à passer un message aux futurs mariés : « Quand on se marie avec une personne, on ‘‘épouse’’ aussi sa famille- الي يأخذ صبع يأخذ يد بكلها Vérifiez bien votre future belle famille, pour ne pas le regretter ».

Ismail continue : « Je ne veux plus chercher une nouvelle femme, j’ai vécu très mal mon divorce. Le divorce m’a marqué profondément et je ne veux plus refaire ma vie. A cause de ce fameux ‘‘prestige’’ je suis séparé de mon fils, que je ne vois qu’une fois par semaine ».

Ismail nous confie : « je n’ai rien fait de mal. Je veux revenir avec ma femme, je veux vivre avec elle et mon fils. Mais elle est hésitante. Elle a peur d’affronter sa famille, elle a 27 ans et elle les écoute encore, elle ne décide de rien seule. Je fais tout pour être en bons termes avec ma femme, je l’aime encore ».

Ismail envoi à sa femme la pension alimentaire de 80 dinars par mois. D’après Ismail sa femme n’a pas fait de demande spéciale au juge l’argent pour son loyer, sinon, il devrait payer 150 dinars de plus…

Ismail nous dit : « J’ai été très affecté par mon divorce, j’ai commencé à boire… Et puis je me suis ressaisi, j’ai arrêté l’alcool. Je veux voir mon fils grandir. Je conseille les jeunes cherchent refuge dans l’alcool : l’alcool n’annule pas les problèmes, il ne fait que les différer ».

Je fais un travail saisonnier de juin à septembre, le reste de l’année … je me débrouille

Parlant de son travail Ismail raconte : « Je n’ai pas de travail fixe.  Je suis diplômé en beaux-arts (en photographie), je fais les photos de mariages avec mon vieil appareil.  Je suis aussi pâtissier, j’ai reçu une formation pour ça. Je fais les pièces montées pour les mariages et les gâteaux sur commande. C’est très demandé en été. Sinon, j’aide mon oncle maternel, qui est traiteur et je cuisine avec lui pour les mariages ».

Ismail continue : « Mon travail est saisonnier. Pendant les quatre mois de juin, juillet, août et septembre, j’essaye de collecter un maximum d’argent pour pouvoir subvenir à mes dépenses pendant l’automne et l’hiver.   Une fois l’été fini, j’accepte tous les boulots : Je peux peindre les bâtiments, je peux être maçon et électricien. Il m’arrive de conduire des camions au Sud environ une fois par mois.  Pour avoir un peu d’argent, je collecte également des bouteilles plastiques. Mes amis les réservent pour moi, je récupère 800 millimes pour un kilo de plastique. Avant c’était 1.500 d par kilo, mais la concurrence est rude, tout le monde fait ça à Tunis et le prix d’un kilo a baissé. Les soirs, je sors ramasser les bouteilles dans la rue, je m’éloigne de mon quartier, pour que mes voisins ne le sachent pas. J’ai honte de le faire, moi, avec mes diplômes… ».

Ismail nous précise : « En automne et en hiver il n’y a plus des mariages, c’est difficile pour moi, mes amis me prêtent plus d’argent. J’ai perdu certains d’eux quand je n’ai pas pu rembourser mes dettes… ».

Je n’aime pas beaucoup ma vie actuelle : Je cours derrière les petits boulots et surtout je vis seul

Ismail nous raconte sa vie après le divorce : « Après mon divorce j’ai déménagé dans un studio appartenant à mon ami. Il me le loue à 180 dinars par mois. Je fais mes pièces montées dans ma petite cuisine ».

Ismail dépense 10 dinars par jour pour les café et internet.

Il réserve 50 dinars par mois pour les frais de STEG et la SONEDE.

Il paye 80 dinars par mois comme pension alimentaire

Ismail rembourse également le crédit de mariage de 250 dinars par mois sur une période de 60 mois. Il lui reste encore à payer une année de mensualités.

Ismail nous dit qu’il a besoin d’un minimum de 800 dinars par mois pour vivre et payer ses frais. Pour cela, il accepte tous les boulots qu’il trouve.

La pâtisserie, ma passion

Avant de finir Ismail nous parle de sa passion : « Je voudrais bien avoir ma pâtisserie bien équipée. Le matériel professionnel coûte cher et la matière première n’est pas toujours disponible. Cette année a été ma pire année en pâtisserie. Je n’ai pas pu honorer toutes les commandes à cause des pénuries de sucre, farine, beurre, lait … ».

Ismail continue : « Je n’ai pas les moyens pour faire la publicité. Je communique avec ma page Facebook et de bouche à l’oreille. Ma pièce montée, je la vends à 400 dinars. Je gagne 100 dinars par pièce. Je peux faire jusqu’à 4 pièces par semaine pendant la haute saison. Je fais aussi les gâteux traditionnels. Ma clientèle est constituée essentiellement de mon entourage de mes amis et de mes voisins ». 

 Je ne vois ma famille à Tataouine que pour les grandes occasions.

Très affecté, Ismail fini par nous dire : « Je n’ai pas d’argent pour voir ma famille plus souvent. Et puis ils veulent arranger ma vie et me marier avec Bent Blediبنت بلادي . Moi, je veux gérer ma vie moi-même ».

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